La Nation Bénin...
Selon
le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (Pam), l’Afrique de l’Ouest
et centrale seraient au bord d’une catastrophe humanitaire. La combinaison de
conflits persistants, de déplacements massifs, d’une inflation incontrôlée et
de phénomènes climatiques extrêmes pousse des millions de personnes vers la
faim aiguë. Plus de 36 millions de personnes peinent actuellement à se nourrir
dans la région. Ce chiffre pourrait grimper à plus de 52 millions durant la
période de soudure de juin à août 2025. Pour venir en aide aux personnes les
plus vulnérables, durant les trois prochains mois, le Pam a besoin de 700
millions de dollars.
Intervenant
depuis Dakar (Sénégal) durant le briefing hebdomadaire organisé par le Service
de l’Information des Nations Unies à Genève (Suisse), Sib Ollo, conseiller
régional principal pour la recherche, l’évaluation et le suivi au Pam, confirme
la gravité de la situation au Sahel en déclarant:«La situation alimentaire au
Sahel reste dramatique. Nous avons visité des communautés qui font face à des
sécheresses sans précédent dans certaines zones, et à des inondations dans
d’autres, provoquant des pertes massives de cultures et de bétail. »
Dans
le bassin du lac Tchad, des millions d’agriculteurs redoutent de ne pas pouvoir
couvrir leurs besoins alimentaires les plus élémentaires. Dans la région de
Ménaka, au Mali, des conditions de famine sont déjà signalées. L’inflation
aggrave la situation car en 2025, les prix des denrées alimentaires ont bondi
de 50 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. A titre d’exemple,
Sib Ollo explique que « vendre une
chèvre aujourd’hui ne suffit même plus à acheter un demi-sac de mil ». «
Partout, nous entendons les mêmes récits déchirants. Le moment d’agir, c’est
maintenant ! »
Plus
de 10 millions de personnes ont été déplacées dans la région, dont 2,4 millions
de réfugiés et demandeurs d’asile au Tchad, Cameroun, Mauritanie et Niger. Près
de huit millions de déplacés internes, surtout au Nigeria et au Cameroun, ont
été coupés de leurs moyens de subsistance. Dans le nord du Ghana, des
agriculteurs ont dû replanter plusieurs fois leurs cultures, faute de
précipitations adéquates. À l’inverse, au nord du Nigeria, des zones comme
Jere, Mafa et Konduga ont subi des inondations destructrices. En 2024, plus de
six millions de personnes ont été affectées par les inondations dans la région.
Réponse humanitaire à bout de souffle
Malgré
l’ampleur de la crise, seulement 40 % du plan de réponse humanitaire est
actuellement financé. Le Pam a besoin d’urgence de 700 millions de dollars
américains pour venir en aide à cinq millions de personnes au cours des trois
prochains mois. « Les activités vitales doivent passer en priorité. Il faut un
investissement massif pour augmenter l’échelle des opérations », insiste Sib
Ollo. Le Service aérien humanitaire des Nations Unies (Unhas), géré par le Pam,
risque également de voir ses activités suspendues au Mali et au Nigeria faute
de financements suffisants. Ce service est pourtant indispensable pour
acheminer l’aide humanitaire dans les zones les plus isolées.
Un
instrument de coordination humanitaire a été mis en place pour rassembler les
différents acteurs face à cette crise. Mais sans engagements financiers
solides, l’impact restera limité.
Au-delà
de l’urgence, le Pam appelle à un changement structurel. Depuis 2018, son
programme intégré de résilience a permis de réhabiliter plus de 300
000 hectares de terres et d’aider quatre millions de personnes dans 3 400
villages du Sahel. Mais ces efforts ne pourront suffire sans une mobilisation
collective et durable.
Catherine Fiankan-Bokonga