La Nation Bénin...
Dans
un monde de plus en plus numérique, le Bénin s’est lancé dans la
dématérialisation de ses archives afin de moderniser son administration et
faciliter l’accès à l’information publique. Couessi Jupiter Ogui, archiviste,
records manager et doctorant en histoire contemporaine à Sorbonne Université,
nous éclaire sur les enjeux de cette transition, les défis à surmonter et les
perspectives d’avenir pour le pays. Il aborde aussi bien les bénéfices que les
obstacles à cette transformation nécessaire pour un service public plus
transparent, plus rapide et plus efficace.
La Nation : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la dématérialisation des archives et pourquoi est-elle importante pour le Bénin ?
Couessi
Jupiter Ogui : Avant de définir ce qu’est la dématérialisation des archives, il
convient d’abord d’expliquer ce que représente la dématérialisation en général.
Il s’agit d’un processus qui vise à transformer des éléments physiques en
version numérique ou intangible. Cela concerne aussi bien les objets physiques
tels que le papier que des objets abstraits tels que les processus métiers qui
permettent de gérer les différentes tâches au sein d’une administration. En
d’autres termes, la dématérialisation permet de transposer des données
physiques, comme des documents papiers, dans un format numérique, mais aussi de
mettre en œuvre un système numérique de gestion de ces documents et
informations. Il est important de ne pas confondre dématérialisation et
numérisation. La numérisation se limite simplement à convertir un objet
physique en fichier numérique, tandis que la dématérialisation englobe une
approche plus large, qui inclut également l’organisation des documents, la
gestion des processus métiers, ainsi que la mise en place d’outils et systèmes
numériques permettant de gérer et de partager ces informations de manière
fluide.
Pour le Bénin, la dématérialisation des archives représente un tournant majeur. Elle va non seulement permettre un accès plus rapide aux documents et à l’information, mais aussi moderniser les processus administratifs du pays. Le Bénin doit s’adapter à l’évolution technologique, ce qui inclut la dématérialisation des archives, afin de garantir un accès plus rapide et sécurisé à l’information publique. Cela ouvrira également la voie à la production de documents numériques au sein des administrations, ce qui réduira les délais de traitement et simplifiera grandement les démarches administratives pour les citoyens.
Quel rôle joue la dématérialisation des archives dans la modernisation de l’administration au Bénin ?
La dématérialisation des archives joue un rôle central dans la modernisation de l’administration publique. Elle s’inscrit dans un processus plus global d’adoption des technologies numériques dans tous les aspects de la vie administrative et citoyenne. À une époque où les pays du monde entier se tournent vers des solutions numériques pour améliorer l'efficacité de leurs administrations, le Bénin doit absolument s’engager dans cette voie. En permettant la dématérialisation, on facilite l’accès aux services publics, on améliore la transparence et on renforce la réactivité des administrations. Prenons l’exemple de l’Agence nationale d’identification des personnes (Anip), qui est un modèle d’efficacité dans ce domaine. Grâce à la numérisation et à la dématérialisation de divers processus, cette agence a pu accélérer l’identification des citoyens et réduire les délais d’attente. Cela illustre clairement l'impact positif de la dématérialisation sur l'efficacité des services publics. La dématérialisation permet aussi de réduire considérablement les déplacements physiques des usagers. Aujourd’hui, un citoyen n’a plus à se rendre en personne dans les bureaux administratifs pour obtenir des informations ou des services. Tout peut se faire en ligne, ce qui réduit les coûts et améliore l’accès à l’information. La dématérialisation réduit également les risques de corruption, car elle agit sur les interactions physiques entre l’administration et les usagers.
Quels sont les principaux défis à la mise en œuvre effective de la dématérialisation des archives ?
La
mise en œuvre de la dématérialisation des archives rencontre plusieurs
obstacles majeurs d’ordres technique, organisationnel et financier. Le premier
défi concerne la formation des archivistes. Les archivistes doivent se faire
former de façon plus approfondie à l’utilisation des outils numériques, à la
gestion des données électroniques et à la mise en place de système de gestion
de documents. L’autre défi majeur est la qualité de la connexion Internet. La
dématérialisation des archives dépend largement des technologies de
l’information, et un accès Internet de qualité est indispensable pour garantir
l’efficacité du système. Malheureusement, dans certaines régions du pays,
l’Internet reste instable et lent, ce qui empêche une mise en œuvre fluide des
projets de dématérialisation. La volonté politique est également un facteur
décisif. Bien que le gouvernement béninois ait montré un intérêt croissant pour
la numérisation des archives, il reste encore des défis à relever en termes de
financement et de priorisation des projets. La dématérialisation nécessite des
investissements importants pour mettre en place des infrastructures de
stockage, des systèmes de gestion et des logiciels performants. Sans un soutien
politique fort et un financement adéquat, ces initiatives risquent de
rencontrer des difficultés majeures.
Enfin, il existe une insuffisance au niveau des outils de gestion (plans de classement et tableau de gestion des documents) pour mieux accompagner ce processus de dématérialisation ou de transformation numérique de l’administration. Un plan de classement bien conçu et des outils de gestion du cycle de vie des documents sont essentiels pour garantir que les informations numériques soient bien classées, et sécurisées.
Selon vous, quelles sont les meilleures pratiques à adopter pour garantir une dématérialisation réussie et durable des archives ?
Pour
garantir une dématérialisation réussie et durable des archives, il est
fondamental de commencer par une réflexion stratégique sur l’organisation des
archives. Cela inclut la création de plans de classement précis, la définition
des processus de gestion documentaire et la mise en place d’outils adaptés aux
besoins spécifiques de l’administration béninoise. La formation continue des
agents est également essentielle. Les agents administratifs doivent être formés
non seulement à l’utilisation des outils numériques, mais aussi à la gestion
des données, à la sécurité de l’information. Il est crucial que les formations
soient régulières et adaptées à l’évolution rapide des technologies.
Enfin, la sécurisation des données doit être une priorité. La mise en place d'une structure de sécurité informatique solide, capable de protéger les informations sensibles contre les cyberattaques, est indispensable. Une autre évolution importante concernera la signature électronique. Aujourd’hui, la signature électronique est déjà utilisée dans de nombreux pays pour garantir la validité des documents numériques. Le Bénin doit s’engager résolument sur cette voie. Intégrer la signature électronique à nos pratiques administratives permettra de renforcer la sécurité des documents, d'améliorer l'intégrité des informations et de faciliter la gestion des archives à long terme. Cela s’accompagnera de la mise en place de certificats numériques et de technologies de cryptage pour protéger les données sensibles. Le Bénin doit aussi envisager des systèmes de sauvegarde efficaces pour garantir la pérennité des archives numériques à long terme.