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Transformation numérique: L’Afrique entre progrès et défis à relever

Numérique
Au Bénin, la digitalisation des services publics contribue à une meilleure transparence administrative Au Bénin, la digitalisation des services publics contribue à une meilleure transparence administrative

Du 14 au 16 mai, Cotonou a accueilli le Forum africain du Sommet mondial sur la Société de l’Information (Smsi+20), consacré au bilan des 20 ans de la transformation numérique en Afrique. Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest à Internet Sans Frontières, revient sur les avancées, les défis et les enjeux législatifs liés à cette révolution digitale en Afrique.

 

Par   Isidore Gozo, le 27 mai 2025 à 07h18 Durée 2 min.
#Transformation numérique

Le Forum mondial sur la Société de l’Information, tenu tous les cinq ans depuis 2003, célèbre cette année ses vingt ans d’existence avec une édition spéciale intitulée « Bilan des 20 ans du Sommet mondial sur la société de l’information en Afrique». Organisé à Cotonou au Bénin, cet événement majeur a réuni en format hybride des participants venus de tout le continent, permettant une riche confrontation d’expériences, d’idées et de stratégies pour renforcer la transformation numérique africaine.

Dans une interview accordée au site d’information ‘’Les nouvellesd’Afrique.info’’, Qemal Affagnon affirme que cette édition ne se limite pas à un simple partage d’informations. Elle représente surtout un espace d’échanges formels entre les différents acteurs (gouvernements, secteur privé, société civile) et une opportunité pour Internet Sans Frontières d’insister sur la nécessité d’adapter les cadres législatifs africains aux normes internationales, en particulier le Code du numérique du Bénin.

Une des grandes préoccupations exprimées par Qemal Affagnon concerne le cadre légal en matière de numérique et de liberté d’expression. Il note que ‘’Internet Sans Frontières’’ a activement participé à la relecture du projet de loi sur le numérique en cours au Bénin, afin que les dispositions actuelles qui restreignent la liberté d’expression soient amendées. Cette action s’inscrit dans le cadre de l’Examen périodique universel (Epu) auquel le Bénin a souscrit. 

Mutation numérique

Sur le plan des avancées concrètes, Qemal Affagnon souligne une croissance impressionnante du nombre d’utilisateurs d’Internet en Afrique, signe d’une effervescence technologique soutenue sur le continent, présenté aujourd’hui comme un « eldorado » des technologies numériques. Cette dynamique s’accompagne toutefois de risques majeurs, notamment en matière de cybersécurité, de cybercriminalité et de protection des données personnelles. L’abolition récente du fact-checking sur certaines plateformes comme Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) ou X accroît les risques liés à la désinformation, ce qui fragilise davantage les écosystèmes numériques africains. Il indique que l’exploitation massive des données personnelles pour des services d’assurance ou d’autres produits, sans régulation adéquate, pose aussi la question d’une possible discrimination algorithmique et d’un enfermement des utilisateurs dans des systèmes inéquitables.

Des efforts et des défis

En matière de transformation numérique, les initiatives sont nombreuses. Quemal Affagnon souligne que la priorité est donnée à l’élargissement de l’accès à Internet, notamment en Afrique de l’Ouest. Parallèlement, l’accent est mis sur la formation aux compétences numériques, dans une optique d’alphabétisation numérique afin de préparer les populations à s’insérer pleinement dans l’économie numérique émergente. Il note qu’au Bénin, la digitalisation des services publics contribue à une meilleure transparence administrative et à la réduction de la bureaucratie.

Toutefois, Qemal Affagnon alerte sur la nécessité de garantir la sécurité des systèmes déployés. Il cite l’affaire Cambridge Analytica, où l’exploitation abusive des données personnelles a eu des impacts majeurs en Afrique et ailleurs, notamment sur les processus électoraux et les décisions politiques.

Malgré les progrès, la fracture numérique demeure un obstacle majeur. Une large partie de la population africaine n’a pas encore accès à Internet, et les disparités entre sexes ainsi que les inégalités en compétences numériques freinent la réalisation d’un accès universel. La diffusion rapide de la téléphonie mobile offre de nouvelles opportunités, mais le véritable impact dépendra de la capacité à développer des infrastructures numériques de qualité et à assurer une formation efficace des populations locales, pour ne laisser personne de côté.

Enfin, Qemal Affagnon évoque les attentes vis-à-vis du prochain forum mondial qui se tiendra à Genève en juillet 2025. Il souligne que le Sommet mondial sur la Société de l’Information a structuré les efforts africains autour de plusieurs axes clés à savoir : la gouvernance transparente d’Internet, la souveraineté numérique et l’émergence de thématiques nouvelles telles que l’intelligence artificielle. Pour lui, il est crucial que ces discussions favorisent la promotion de la confiance et de la sécurité dans le domaine numérique, en insistant sur une utilisation équitable des données et la protection de la vie privée, afin que les technologies servent véritablement l’intérêt de l’humanité.