La Nation Bénin...
Du
14 au 16 mai, Cotonou a accueilli le Forum africain du Sommet mondial sur la
Société de l’Information (Smsi+20), consacré au bilan des 20 ans de la
transformation numérique en Afrique. Qemal Affagnon, responsable Afrique de
l’Ouest à Internet Sans Frontières, revient sur les avancées, les défis et les
enjeux législatifs liés à cette révolution digitale en Afrique.
Le
Forum mondial sur la Société de l’Information, tenu tous les cinq ans depuis
2003, célèbre cette année ses vingt ans d’existence avec une édition spéciale
intitulée « Bilan des 20 ans du Sommet mondial sur la société de l’information
en Afrique». Organisé à Cotonou au Bénin, cet événement majeur a réuni en
format hybride des participants venus de tout le continent, permettant une
riche confrontation d’expériences, d’idées et de stratégies pour renforcer la
transformation numérique africaine.
Dans
une interview accordée au site d’information ‘’Les nouvellesd’Afrique.info’’,
Qemal Affagnon affirme que cette édition ne se limite pas à un simple partage
d’informations. Elle représente surtout un espace d’échanges formels entre les
différents acteurs (gouvernements, secteur privé, société civile) et une opportunité
pour Internet Sans Frontières d’insister sur la nécessité d’adapter les cadres
législatifs africains aux normes internationales, en particulier le Code du
numérique du Bénin.
Une
des grandes préoccupations exprimées par Qemal Affagnon concerne le cadre légal
en matière de numérique et de liberté d’expression. Il note que ‘’Internet Sans
Frontières’’ a activement participé à la relecture du projet de loi sur le
numérique en cours au Bénin, afin que les dispositions actuelles qui
restreignent la liberté d’expression soient amendées. Cette action s’inscrit
dans le cadre de l’Examen périodique universel (Epu) auquel le Bénin a
souscrit.
Mutation numérique
Sur
le plan des avancées concrètes, Qemal Affagnon souligne une croissance
impressionnante du nombre d’utilisateurs d’Internet en Afrique, signe d’une
effervescence technologique soutenue sur le continent, présenté aujourd’hui
comme un « eldorado » des technologies numériques. Cette dynamique s’accompagne
toutefois de risques majeurs, notamment en matière de cybersécurité, de
cybercriminalité et de protection des données personnelles. L’abolition récente
du fact-checking sur certaines plateformes comme Meta (Facebook, Instagram,
Whatsapp) ou X accroît les risques liés à la désinformation, ce qui fragilise
davantage les écosystèmes numériques africains. Il indique que l’exploitation
massive des données personnelles pour des services d’assurance ou d’autres
produits, sans régulation adéquate, pose aussi la question d’une possible
discrimination algorithmique et d’un enfermement des utilisateurs dans des
systèmes inéquitables.
Des efforts et des défis
En
matière de transformation numérique, les initiatives sont nombreuses. Quemal
Affagnon souligne que la priorité est donnée à l’élargissement de l’accès à
Internet, notamment en Afrique de l’Ouest. Parallèlement, l’accent est mis sur
la formation aux compétences numériques, dans une optique d’alphabétisation
numérique afin de préparer les populations à s’insérer pleinement dans
l’économie numérique émergente. Il note qu’au Bénin, la digitalisation des
services publics contribue à une meilleure transparence administrative et à la
réduction de la bureaucratie.
Toutefois,
Qemal Affagnon alerte sur la nécessité de garantir la sécurité des systèmes déployés.
Il cite l’affaire Cambridge Analytica, où l’exploitation abusive des données
personnelles a eu des impacts majeurs en Afrique et ailleurs, notamment sur les
processus électoraux et les décisions politiques.
Malgré
les progrès, la fracture numérique demeure un obstacle majeur. Une large partie
de la population africaine n’a pas encore accès à Internet, et les disparités
entre sexes ainsi que les inégalités en compétences numériques freinent la
réalisation d’un accès universel. La diffusion rapide de la téléphonie mobile
offre de nouvelles opportunités, mais le véritable impact dépendra de la
capacité à développer des infrastructures numériques de qualité et à assurer
une formation efficace des populations locales, pour ne laisser personne de
côté.
Enfin, Qemal Affagnon évoque les attentes vis-à-vis du prochain forum mondial qui se tiendra à Genève en juillet 2025. Il souligne que le Sommet mondial sur la Société de l’Information a structuré les efforts africains autour de plusieurs axes clés à savoir : la gouvernance transparente d’Internet, la souveraineté numérique et l’émergence de thématiques nouvelles telles que l’intelligence artificielle. Pour lui, il est crucial que ces discussions favorisent la promotion de la confiance et de la sécurité dans le domaine numérique, en insistant sur une utilisation équitable des données et la protection de la vie privée, afin que les technologies servent véritablement l’intérêt de l’humanité.