La Nation Bénin...
Alors
que la faim aiguë progresse dans le monde pour la sixième année consécutive, le
Bénin reste sous tension. Entre déplacements forcés, déstabilisation régionale
et aléas climatiques, sa résilience est mise à rude épreuve, selon le dernier
Rapport mondial sur les crises alimentaires.
En
2024, plus de 295 millions de personnes dans 59 pays et territoires ont été
confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, selon le Réseau mondial contre
les crises alimentaires (Global Network Against Food Crises, Grfc 2025).
L’Afrique concentre près de 70 % de ces cas, illustrant la persistance de
crises complexes et imbriquées, indique le dernier Rapport mondial sur les
crises alimentaires publié mi-mai. Le Bénin, bien que relativement stable,
comparé à ses voisins sahéliens, n’échappe pas à cette dynamique préoccupante.
Classé
en phase 2 (« sous pression ») par le Cadre harmonisé d’identification des
zones à risque et d’estimation des populations vulnérables au Sahel et en
Afrique de l’Ouest (Ch3.0), le Bénin n’a pas encore basculé vers une crise
aiguë généralisée. Toutefois, la situation reste inquiétante : entre octobre et
décembre 2024, environ 580 000 personnes, soit près de 4 % de la population,
avaient des difficultés à accéder régulièrement à une alimentation adéquate.
Les départements du Nord, notamment l’Alibori, l’Atacora et le Borgou,
concentrent ces vulnérabilités.
Depuis
2022, les violences liées à la crise sécuritaire au Sahel se sont étendues vers
les pays côtiers, dont le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Ce phénomène a
entraîné un afflux de réfugiés et de déplacés internes : environ 36 000
réfugiés et 13 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays ont été recensés
dans le Nord en 2024 (Unhcr/Wfp/Iom/Unicef, mars 2024). La malnutrition aiguë
sévère y dépasse les seuils d’urgence : 2,5 % dans l’Alibori et 2,1 % dans
l’Atacora.
Chocs climatiques et insécurité
La
situation alimentaire est également aggravée par les effets du changement
climatique. Les pluies irrégulières, les sécheresses prolongées et les
inondations affectent gravement les rendements agricoles, selon l’Acled
(Conflict Watchlist, 2025). Ces perturbations exacerbent la compétition pour
les ressources naturelles : eau, sols arables et pâturages, dans des zones déjà
fragilisées.
En
dépit d’une hausse de 22 % de la production céréalière en 2024 par rapport à la
moyenne des cinq dernières années (Fao, octobre 2024), les zones d’accueil des
réfugiés ont connu des déficits localisés, du fait de l’insécurité qui a
contraint des producteurs à abandonner leurs champs.
A
cela s’ajoute la fermeture de la frontière avec le Niger depuis 2023, qui a
lourdement affecté le commerce agricole. Si les échanges avec le Nigeria ont
repris, ils restent inférieurs aux niveaux d’avant juillet 2023, en raison de
la faible disponibilité alimentaire et de la dépréciation du naira. Des
corridors humanitaires ont néanmoins été ouverts via le Nigeria dès juillet
2024 pour contourner les blocages frontaliers.
La
situation du Bénin n’est pas isolée ; elle illustre une réalité désormais
récurrente en Afrique de l’Ouest : la vulnérabilité croissante de zones
jusque-là considérées comme stables. Les pressions sécuritaires, climatiques et
économiques s’y cumulent, transformant des fragilités latentes en menaces
structurelles.
Renforcer les capacités locales
Face
à cette crise multidimensionnelle, les partenaires humanitaires, notamment le
Pam, la Fao et l’Oim, ont intensifié leurs interventions en matière
d’assistance alimentaire et nutritionnelle. Un appui supplémentaire de la
Banque mondiale, à hauteur de 33 millions de dollars, a été accordé pour le
Projet de cohésion sociale des régions nord du golfe de Guinée (Coso), visant
entre autres à améliorer les services sociaux et les opportunités économiques
dans le Nord du pays.
Au
Bénin comme ailleurs, les acteurs internationaux appellent à aller au-delà de
l’urgence. « Les interventions humanitaires doivent aller de pair avec des
investissements dans le développement rural et le renforcement de la résilience
afin de créer une stabilité à long terme qui perdure au-delà des interventions
d’urgence », indique Alvaro Lario, président du Fonds international de développement
agricole (Fida). Il insiste sur le soutien aux communautés rurales, en
particulier les petits exploitants agricoles, qui sont « essentielles à la
sécurité alimentaire, à la résilience et à la croissance ».
Renforcer la résilience passera par des politiques agricoles inclusives, un soutien accru aux systèmes alimentaires locaux et une coordination régionale efficace face aux risques transfrontaliers. «Les investissements dans les interventions agricoles d’urgence sont d’une importance critique, pas uniquement en réponse à la crise, mais également en tant que solution la plus économique pour obtenir des résultats conséquents et durables », estime Qu Dongyu, directeur général de la Fao.