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Adoption d’un projet de loi: Une nouvelle ère pour la chefferie traditionnelle

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Un pas vers la restauration de la cheff erie traditionnelle Un pas vers la restauration de la cheff erie traditionnelle

La chefferie traditionnelle disposera d’un cadre légal dans les prochains jours. Le projet de loi a été adopté, mercredi 4 septembre, par le Conseil des ministres. Ce qui ouvre une nouvelle page de l’histoire de la chefferie qui deviendra désormais un outil au service de la cohésion nationale. 

Par   Joël C. TOKPONOU, le 05 sept. 2024 à 07h11 Durée 3 min.
#chefferie traditionnelle #Réforme de la chefferie traditionnelle

Actuellement, dans la plupart des communes, il y a forcément quelqu’un qui se réclame roi d’un royaume qui n’avait jamais existé, tête couronnée ou dignitaire sans aucune raison valable. De la même manière, les conflits entre descendants pour l’accession au trône royal sont légion avec parfois des soulèvements populaires au point de faire intervenir la force publique, voire des morts d’hommes.

Mais les jours de ces faits déplorables sont désormais comptés. Un pas de géant est fait dans la réorganisation de la chefferie traditionnelle et par ricochet dans la conservation et la pérennisation des us et coutumes. En Conseil des ministres, ce mercredi 4 septembre, il a été adopté un projet de loi portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. Ce document découle du rapport de la commission technique multidisciplinaire sur la chefferie traditionnelle. Il retient trois catégories d’autorités relevant de la chefferie traditionnelle, à savoir les rois les chefs traditionnels et les chefs coutumiers. Il comporte également la liste de toutes les chefferies recensées, définit la mission de la chefferie traditionnelle, consigne certaines règles de dévolution de pouvoir, fixe les principes en ce qui concerne les rapports de la chefferie traditionnelle avec l’État, les citoyens et les autorités de la chefferie traditionnelle entre elles.

Le projet de loi à transmettre à la Représentation nationale, tirant leçon des crises et autres vicissitudes qui ont secoué la chefferie traditionnelle au Bénin, pose des bases pour régler des problèmes cruciaux. Ainsi, il pose le postulat que dans chaque chefferie, la dévolution du pouvoir s’opère sous la supervision d’un conseil de désignation, crée une Chambre nationale de la chefferie traditionnelle dont les attributions, l’organisation et le fonctionnement seront déterminés par voie règlementaire. Mieux, pour prévenir des dérapages, ce projet de loi prévoit les sanctions applicables aux manquements des autorités de la chefferie traditionnelle. 

Approche inclusive

L’élaboration de ce projet de loi sur la chefferie traditionnelle a été faite en étroite collaboration avec les acteurs concernés. Cette approche inclusive a été l’idée du chef de l’Etat, à la suite de sa rencontre avec une délégation de la chefferie traditionnelle, jeudi 3 mars 2022. A cette rencontre, il leur promettait l’installation courant mai 2022, d’une commission qui sera chargée d’élaborer les actes nécessaires pour réformer entièrement la chefferie traditionnelle et l’amener à jouer pleinement son rôle pour le développement et la stabilité du Bénin. Joignant l’acte à la parole, il a procédé à l’installation des membres de cette commission deux mois plus tard, soit vendredi 27 mai 2022 au palais de la Marina. Quelques jours plus tôt, le Conseil des ministres du mercredi 11 mai 2022, définissait la mission de la commission. Il s’agit pour elle d’engager le travail de définition préalable du concept de chefferie traditionnelle, d'explorer toute la problématique qu’elle recouvre avant la saisine de l’Assemblée nationale pour le vote d’une loi organisant son régime juridique. Selon le décret 2022-293 du 11 mai 2022 portant création, attributions et composition de la commission chargée de l’élaboration du cadre juridique de la chefferie traditionnelle, elle a pour mission de rédiger l’avant-projet de la loi portant composition, attributions, organisation et fonctionnement de la chefferie traditionnelle et d’élaborer les avant-projets de textes d’application. L’acte règlementaire précise également que la commission présidée par le professeur Albert Bienvenu Akoha, devait travailler sous la supervision d’un comité interministériel présidé par le ministre en charge de la Culture.

Mais avec l’évolution des travaux, de nouvelles attributions ont été conférées à la commission, par l’entremise du décret 2022-548 du 28 septembre 2022. L’article premier de ce décret stipule qu’en plus de ses anciennes compétences, la commission est chargée de préciser le rôle des chefs et dignitaires des religions endogènes et d’élaborer avec chaque chefferie traditionnelle, les textes régissant les conditions particulières de dévolution du pouvoir du roi ou du chef traditionnel.

S'adressant aux membres de la commission à leur installation, Patrice Talon, président de la République, avait mis l'accent sur une fragilité de notre histoire qui réside dans le fait que tout n'est pas écrit et que la tradition orale au cours des transmissions peut connaître des biais. Il reconnaissait que la mission qui leur est assignée était lourde, la responsabilité grande mais qu'il leur faisait confiance, car experts chevronnés en la matière. Ainsi, il a explicité ce qui est attendu de la Commission et établi la mission en deux grands volets.

Pas question de les moderniser

Pour le chef de l'Etat, il s’agissait, dans un premier temps, pour les membres de la commission « d'essayer de rétablir la réalité de ce qu'étaient nos royaumes et la manière dont ils étaient administrés, les règles de succession... ». A ce sujet, il faisait remarquer qu'il ne serait pas question de les moderniser mais plutôt de « réhabiliter ce qui se faisait pour rester conforme à nos traditions à l'exception de ce qui n'est plus compatible avec nos lois ». Cette phase, selon lui, devait s'achever par une évaluation du rapport qui établirait ce que serait désormais l’organisation de la chefferie traditionnelle au Bénin, la structuration et le mode de succession.

Le deuxième volet serait constitué des réflexions autour des prérogatives de la chefferie traditionnelle. A ce niveau, le président de la République avait annoncé que des représentants des institutions de la République allait se joindre aux membres de la Commission. Il suggérait de réfléchir à la manière dont la chefferie traditionnelle allait contribuer à la cohésion sociale, aider dans les conciliations, ce qui peut lui être dévolu en matière de gestion de la cité et enfin de définir les moyens à mettre en place dans l'accomplissement de cette charge.

Pour rappel, c’est à la faveur de l’adoption de la loi n° 2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin que les députés de la 8e législature ont réalisé le rêve longtemps nourri par les acteurs du pouvoir traditionnel. Ceci, à travers l’introduction dans la Constitution modifiée de l’article 151-1 qui stipule que : « l’État reconnaît la Chefferie traditionnelle gardienne des us et coutumes dans les conditions fixées par la loi »