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Fermeture des frontières nigérianes: La Cedeao mesure l’impact de la situation sur le Bénin

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Par   COMLAN ERIC, le 05 nov. 2019 à 13h44
La persistance de la fermeture des frontières par le Nigeria préoccupe au niveau régional. Face à cette situation de nature à freiner les activités économiques des pays voisins dont le Bénin, la Task Force de la Cedeao a échangé, hier lundi 4 novembre, avec le gouvernement béninois. Au terme de cette rencontre qui s’est tenue au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, la délégation de la Cedeao a effectué une visite à la frontière de Sèmè-Kraké pour mesurer l’ampleur de la situation. « Notre mission ici au Bénin, c’est de s’informer sur les conséquences de la fermeture des frontières par le Nigeria. A l’issue de la réunion avec les ministres, nous sommes allés voir de visu la réalité au niveau de Sèmè-Kraké. Nous avons tenu une réunion avec le personnel de la frontière Sèmè-Kraké... Nous avons fait le tour d’horizon. Nous avons été surpris de voir qu’il y a plus de 1000 camions bloqués. Et si la fermeture persiste, je me demande où les camions vont garer... Dans tous les cas, les conclusions de cette visite seront transmises au président de la Commission de la Cedeao », a déclaré le président de la Task Force de la Cedeao, Salou Djibo, lors du point de presse qui a sanctionné les travaux d’information de la délégation. Après avoir réaffirmé l’attachement du Bénin aux principes et accords sous-régionaux et internationaux, le ministre Aurélien Agbénonci assure : « Notre pays n’a pas changé de posture. Nous continuons par respecter les engagements internationaux. Nous continuons par entretenir des relations de bon voisinage. Nous n’avons pris aucune mesure qui puisse entraver la circulation des personnes et des biens dans l’espace. La main du Bénin reste ouverte pour des solutions rapides. Le gouvernement reste ouvert et disposé à explorer les voies et moyens pour aller vers des solutions concertées ». Il rappelle que le Bénin est l’un des premiers pays à avoir aboli le visa d’entrée pour les Africains qui peuvent y séjourner pendant les trois premiers mois quitte à faire les formalités s’ils veulent séjourner plus longtemps. C’est, selon lui, le signe du souci permanent d’ouverture. Mais cette dynamique du Bénin ne semble pas être partagée par le voisin de l’Est qui fait fi des engagements de libre-échange. Avec la décision unilatérale de fermeture des frontières par le Nigeria le 20 août dernier, c’est le Schéma de libéralisation des échanges de la Cedeao qui est mis à rude épreuve dans tout l’espace. «Cette mesure temporaire dictée par la nécessité de renforcer la lutte contre la contrebande et le trafic des armes prend l’allure d’une mesure punitive à l’égard des pays voisins dont le Bénin», a d’ailleurs déploré le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Aurélien Agbénonci, à l’entame de la réunion interministérielle avec la Task Force Cedeao. Lors de cette réunion qui s’est déroulée dans la matinée d’hier, le gouvernement béninois était essentiellement représenté par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Aurélien Agbénonci, le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, le ministre de l’Intérieur Sacca Lafia, le directeur du Bureau d’analyse et d’investigation, Johannès Dagnon, conseiller spécial du Président de la République... La Task Force de la Cedeao était quant à elle représentée par son président Saliou Djibo, le secrétaire permanent Moustapha Gnankambary et un membre en la personne de Kenneth Ukaoha. Les échanges se sont déroulés en présence de la doyenne du corps diplomatique accrédité au Bénin, Sandi Abdou Sahadi, ambassadrice du Niger près le Bénin. C’est au terme de la séance de travail à Cotonou, que la Task Force de la Cedeao s’est rendue à la frontière de Sèmè-Kraké pour échanger avec l’administration douanière, les forces de l’ordre et les transporteurs. Une visite d’information qui a permis à la délégation de la Cedeao de mieux mesurer l’impact de la fermeture des frontières sur les activités économiques. L’agonie à la frontière de Sèmè-Kraké La fermeture des frontières par le Nigeria, comme on peut s’en douter, est source de problèmes de divers ordres. En effet, des transporteurs arrivés à la frontière de Sèmè-Kraké depuis le 20 août restent bloqués avec leurs marchandises. « Il y a ici 1100 camions bloqués... C’est une situation qui engendre plusieurs autres phénomènes. On assiste à des actes de vandalisme, des vols de marchandises par les apprentis des transporteurs poussés par la faim... Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés et déposés déjà… C’est sans oublier les risques d’insécurité sanitaire... », a indiqué le Receveur des douanes de Sèmè-Kraké Honoré Padonou. A l’en croire, tout déplacement de marchandises est interdit depuis le 20 août. Ni les camions en provenance du Nigeria, ni ceux en provenance du Bénin et de pays voisins ne peuvent transiter par la frontière de Sèmè-Kraké. Pire, la partie nigériane interdit tout retour aux transporteurs de marchandises qui ne sont pas en transit mais qui sont sur le site de la frontière alors même qu’ils n’ont pas encore traversé le Nigeria. «Les denrées périssables sont restées bloquées et sont pratiquement inconsommables actuellement. Les paysans et les agricultures ne peuvent plus passer avec leurs produits. Les marchandises exposées sont à la solde des intempéries, l’agglutination des camions rend difficile le contrôle... Nous sommes exposés à une situation qui pourrait conduire à une insécurité totale », a ajouté le Receveur des douanes de Sèmè-Kraké qui rassure du professionnalisme de la douane béninoise. A ces difficultés de circulation des biens, s’ajoutent celles relatives à la libre circulation des personnes. « Ceux qui ont la carte d’identité ne peuvent plus aller au Nigeria sans le passeport. Seuls ceux qui ont le passeport ou la carte biométrique Ecowas peuvent passer. Mais à partir de 18 h, plus aucune circulation de personnes n’est admise. Et biens et personnes ne peuvent plus circuler entre 18 h et 6 h », fait savoir le commissaire du poste de Sèmè-Kraké, Maylise Wannou. Face à l’ampleur de l’agonie infligée aux usagers de la frontière de Sèmè-Kraké, la Task Force de la Cedeao a exprimé toute son amertume et sa désolation. « Les choses ne peuvent pas rester en l’état. Le problème n’est pas personnel, c’est devenu le problème de la Cedeao et la Cedeao travaille pour une solution permanente », a rassuré le secrétaire permanent de la Task Force de la Cedeao, Moustapha Gnankambary lors de la séance avec les transporteurs. Le maire de Sèmè-Podji Charlemagne Honfo voit déjà dans cette visite d’information, l’espoir d’un rétablissement des échanges. «Votre arrivée nous un soulagement pour nos populations qui s’inquiètent de plus en plus. Aujourd’hui, l’économie locale est amenuisée. Je souhaite que cette descente puisse permettre que les deux pays puissent s’entendre pour que la libre circulation des personnes et des biens soit une réalité dans les jours à venir », a-t-il affirmé.