La Nation Bénin...

Journée internationale du personnel domestique et développement: Les non inscrits à l’école et suggestions de formation

Actualités
Candide Ahouansou Candide Ahouansou

La quatorzième édition de la journée internationale des travailleurs domestiques, célébrée le 16 juin écoulé, nous amène à la présente réflexion  portant politique éducationnelle  du gouvernement.  Cela  pour définir la  place que  pourrait y prendre la formation du personnel domestique.

Par   Ambassadeur Candide AHOUANSOU, le 24 juin 2025 à 16h04 Durée 3 min.
#Développement #Journée internationale du personnel domestique

Sauf déficit de documentation  de notre part, tous les régimes qui  se sont succédé  ont fait feu de tout bois pour promouvoir l’éducation des citoyens aptes à recevoir un enseignement classique susceptible de  les conduire à  contribuer au développement de notre pays. Et il sied de reconnaître  qu’ils ont réussi,  le taux d’analphabétisation ayant régressé de façon soutenue. Le problème, c’est que l’on ne peut envisager le développement d’un pays avec les  seuls cadres potentiels. Notre réflexion vise à faire toucher du  doigt  cette réalité. Nous commencerons par évoquer ce qui a été fait pour étendre l’éducation classique au plus grand nombre d’apprenants puis nous ferons cas de ses  discriminations avec pour point de mire le développement du pays.   

La massification scolaire

Jusqu’à présent, et à notre connaissance, les autorités qui nous dirigent ont privilégié cette politique. Il s’agit d'un  processus  qui vise à augmenter le nombre d’élèves  dans les établissements scolaires classiques. Naguère  fondamentalement élitiste, l’école était réservée aux enfants des parents à même de leur payer des études quand bien même leur coût  paraîtrait aujourd’hui dérisoire à nos yeux. La résultante était que  peu d’enfants avaient l’apanage de l’éducation scolaire. De nos jours, les autorités ont réussi à en faciliter l’accès au plus grand nombre. Elles y sont parvenues en rendant l’enseignement primaire gratuit, en le rendant obligatoire pour les enfants de 6 à 11 ans et en étendant la gratuité au second cycle du secondaire pour les filles. Elles ont par ailleurs, créé des cantines scolaires pour défrayer les parents et les encourager  de ce fait  à envoyer leurs enfants à l’école. Toutes ces mesures ont entraîné une réduction  du taux d’analphabétisation de manière soutenue depuis les années 1990.

Une massification  démocratique décentralisée et éthique

 En fait, la massification scolaire a été  soutenue en filigrane par  la valeur sociopolitique qu’est la démocratisation  héritée de l’école nouvelle depuis 1975. D'élitiste qu’il était, l’enseignement est  devenu populaire ainsi que le requiert  notre Constitution qui évoque le  droit de tout citoyen à une éducation de qualité. Alors, le gouvernement a pris des mesures pour décentraliser et  rapprocher l’éducation des communes. C’est ainsi qu’il a créé des lycées techniques et professionnels au niveau de ces entités administratives. Notre pays compte également des lycées agricoles. Au reste, l’éducation s’est doublée d’éthique. A ce titre, le gouvernement a procédé à l’instauration  des classes socio-éducatives qui visent à promouvoir l’éducation aux bonnes valeurs comportementales et patriotiques, à la culture de l’excellence , au travail et à la citoyenneté.

Le  point  des mesures incitatives et les discriminations

Tout ce qui précède est fort admirable, mais la formation du plus grand nombre reste adossée à un  système classique  conçu  essentiellement pour des apprenants avec un quotient intellectuel estimé suffisant pour entreprendre des études classiques, il faut bien le reconnaître. Mais qu’a-t-on prévu pour ceux - là qui, bien que ne répondant pas à cette exigence,  contribuent quand bien même indirectement au développement du pays par leur travail au service de ceux qui s’y engagent  directement? Les gens de maison sont des personnes au service de tiers. Appel leur est fait pour tenir une maison, ce qui englobe toutes activités nécessaires pour qu’un foyer fonctionne bien et soit un lieu de vie agréable. Cela implique l’entretien  général, la gestion des tâches  ménagères et la cuisine.  A ces corvées s’ajoute quelquefois la veille à la bonne éducation que les parents donnent à leurs enfants quand ils sont en dehors de leur domicile  notamment pour  raisons d' ordre professionnel  contributif au développement du pays. Véritable assistant incontournable des familles qui sans lui ne peuvent s’investir  dans une  quelconque activité en dehors de leur domicile. Voilà une classe de citoyens au bas de l’échelle sociale qui travaillent à permettre à l’autre classe de se hisser au  sommet de la même échelle. De  quelle manière lui rend-on la pareille ? La moindre des choses que l’on puisse lui revaloir, c’est un salaire décent. L’Etat  a fixé pour l’ensemble des travailleurs un salaire minimum interprofessionnel garanti  qui est de 52 000 francs depuis janvier 2023. Il faut dire  qu'en dehors des sociétés, la moyenne des employeurs notamment les retraités ne peuvent y faire face en raison de leur faible pouvoir d’achat. Et pour s’y soustraire à bon compte, ils se gardent de recruter des salariés et se contentent d' occasionnels permanents c’est-à-dire d’un personnel qui travaille  un certain nombre de jours fixes dans la semaine. Le résultat en est que le personnel domestique se voit contraint de travailler dans deux ou trois maisons à la fois pour  pouvoir joindre les deux bouts   et survivre;  cela n’est pas digne outre le fait qu’il est exténuant.

Ce que nous proposons pour ce personnel

S’il est vrai que les employeurs tirent profit du bas  niveau intellectuel des gens de maison  pour les mettre à leur service,  ne  pourraient-ils tout au moins  par solidarité citoyenne, contribuer quelque peu au relèvement de leur niveau de connaissances dans leur domaine d’activité, puis dans le cadre d’une culture générale accessible à tous?  Lorsque l'employeur explique de la  manière  qui convient à son cuisinier la  raison médicale pour laquelle celui- ci ne devrait pas mettre beaucoup de sel dans le repas qu’il lui prépare, il étoffe sa connaissance professionnelle. Lorsqu’il le convainc du fait qu’il vaut mieux avoir peu d'enfants et se donner ainsi les meilleures chances de mieux prendre soin d’eux, l’employeur élève sa conscience sociale de chef de famille. Lorsqu’il l’informe de ce qu’a été la Conférence des forces vives la nation, l’employeur noue  avec le personnel domestique, des relations de solidarité citoyenne. Pourquoi alors ne pas, dans une directive citoyenne du ministère du Travail et de la Fonction  publique conscientiser les employeurs et les  exhorter à participer par solidarité citoyenne à l’élévation  du niveau intellectuel de leurs employés ? Ces derniers ne les quitteront pas pour autant.

Nous suggérons  en outre que l’ État organise des formations sous forme de stage d’une quinzaine de jours, en  langues française et nationales selon les régions, pour former au métier de personnel de maison. Ladite formation devra être gratuite et dispensée par le Fonds de développement de  la formation professionnelle continue et de l’apprentissage  (Fodefca) dont le rôle est de mettre sur le marché de l’emploi une main-d’œuvre qualifiée. Pour la petite histoire, nous nous permettons et nous avons le plaisir de rappeler  que nous avions suggéré la création de cette institution à l’image du Fonds de développement de la formation professionnelle (Fdfp) de Côte d’Ivoire lorsque nous y étions en qualité d’ambassadeur du Bénin. Le ministère du Travail et de la Fonction publique devrait l’instruire en ce sens. A terme, aucun employeur ne devrait  plus faire appel au service d’un employé de maison qui n’aura pas suivi la formation susvisée. Le métier gagnera en dignité et les gens de maison n’auront plus le sentiment d’être laissés pour compte ni d’être les rebuts de la société.