La Nation Bénin...

Le chef de l’Etat n’est pas tenu de soumettre le projet de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990 à la Cour suprême pour avis motivé, avant sa transmission prochaine à l’Assemblée nationale. Une jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle lui en donne carte blanche.
D’aucuns accusent déjà le Gouvernement de n’avoir pas soumis le texte à la consultation préalable de la Cour suprême avant d’annoncer la transmission prochaine du projet à l’Assemblée nationale. La polémique enfle davantage depuis la sortie médiatique du ministre chargé de la Justice, Joseph Djogbénou la semaine dernière, déclarant que « Le dossier est prêt le mois de mars sera celui de la révision de la Constitution béninoise ». Certaines personnes cherchent à avoir le chef de l’Etat sur l’étape de la non présentation du dossier devant la Cour suprême, oubliant que la question a été déjà évacuée depuis 2013 par la Cour constitutionnelle.
En fait, la révision de la Constitution obéit à une procédure spéciale. Contrairement aux autres projets de loi ordinaires que le Gouvernement est tenu de soumettre à l’appréciation de la Cour suprême avant leur transmission à l’Assemblée nationale, le texte de modification constitutionnelle est directement déposé sur la table des députés pour examen et vote. Le passage du projet devant la Cour suprême pour avis motivé n’est pas exigé en la matière. La seule exigence légale est que le projet soit statué en Conseil des ministres qui adopte le décret de transmission devant le Parlement. Une jurisprudence de la Cour constitutionnelle en date de 2013 a formellement martelé cette procédure au temps fort du projet de modification constitutionnelle sous le régime défunt. Celle-ci fait suite aux recours des citoyens Serge Roberto Prince Agbodjan et Nestor Houngbo qui ont attaqué devant la haute juridiction le décret de transmission du projet de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990 devant l’Assemblée nationale. Sous prétexte que le Gouvernement d’alors n’a pas satisfait à la formalité substantielle, préalable et obligatoire de présentation du dossier à la Cour suprême avant de prendre son décret. Par décision DCC 13-124 du 12 septembre 2013, la Cour constitutionnelle a clairement démontré la distinction entre « Projet de loi » et « projet de révision de la Constitution » à l’aune des dispositions de la Constitution du 11 décembre 1990. Dans sa démonstration, le juge constitutionnel a surtout fait référence aux articles 105 alinéa 2 et 154 de la Constitution qui énoncent respectivement : « Les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis motivé de la Cour suprême saisie conformément à l’article 132 de la présente Constitution et déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale » et « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres, et aux membres de l’Assemblée nationale ».
Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. Ainsi, en tant que charte fondamentale de l’Etat, la Constitution emporte sur toutes les autres règles juridiques adoptées par les organes institués qu’ils soient législatifs ou réglementaires. Sa révision est soumise à une procédure spéciale, nécessairement différente de celle qui s’applique pour l’adoption et la modification des autres normes juridiques, à savoir, la loi et les règlements. « …Si la jurisprudence constante de la haute juridiction subordonne l’initiative du président de la République à l’avis préalable et obligatoire de la Cour Suprême pour la mise en œuvre du pouvoir législatif conformément à l’article 105 de la Constitution, il en va autrement de l’initiative du président de la République en matière de révision de la Constitution qui relève exclusivement de l’article 154 de la Constitution », postule le juge constitutionnel béninois. Cette décision, on ne peut claire sur le sujet, est encore plus que jamais d’actualité. Il ne reste aux uns et aux autres qu’à la relire pour s’en convaincre.