La Nation Bénin...

La procédure de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 au Bénin ne cesse de susciter à chaque tentative de vives controverses, surtout avec le concept du consensus consacré en « principe à valeur constitutionnelle » par la Cour constitutionnelle. Face à la polémique actuelle autour du projet en route pour l’Assemblée nationale, il est impérieux que le juge constitutionnel soit saisi pour clarifier les choses et fixer les uns et les autres par rapport à la procédure.
La Cour constitutionnelle ne donne pas d’avis et ses membres, pendant la durée de leurs fonctions, sont interdits de prendre de position publique sur les questions ayant fait, ou susceptibles de faire l’objet de décisions de la part de la Cour ou de consulter sur les mêmes questions, aux termes de l’article 11 de la loi organique sur la haute juridiction. Qu’à cela ne tienne ! Un bon recours à la Cour constitutionnelle pourrait permettre aujourd’hui au peuple d’avoir une meilleure compréhension de la jurisprudence constante qui conditionne toute révision constitutionnelle au Bénin à l’obtention préalable d’un consensus national, principe à valeur constitutionnelle.
Comme à toutes les autres tentatives de modification de la loi fondamentale du Bénin, notamment sous les anciens présidents de la République feu Mathieu Kérékou et Boni Yayi, ce principe est actuellement encore au cœur de toutes les polémiques depuis que le chef de l’Etat Patrice Talon a annoncé son intention de faire réviser la loi fondamentale, vieille de plus de 27 ans. Il a mis à cet effet sur pied une commission pluridisciplinaire pour proposer un premier jet de cette réforme politique et institutionnelle. Le projet est adopté en Conseil des ministres ce mercredi 15 mars et est en attente d’être transmis au Parlement. Ce qui vient conforter les propos du ministre chargé de la Justice, Joseph Djogbénou et président de cette commission de relecture de la loi fondamentale. Ce dernier, au détour d’une émission télévisée le dimanche 5 mars dernier, avait annoncé que ce mois de mars est celui de la révision de la Constitution. Cette information comme un tsunami a suscité une vive polémique dans le rang d’une certaine frange de la population. Ça a fait le buzz sur les réseaux sociaux, les médias et autres. Depuis lors, révisionnistes et anti-révisionnistes rivalisent d’arguments pour justifier chacun sa position ‘’pour ou contre’’ le projet de réforme constitutionnelle en cours. La question du consensus national consacré en « principe à valeur constitutionnelle » par le juge constitutionnel à travers notamment sa décision DCC 06-074 du 8 juillet 2006 ravive les débats.
Consensus institutionnel ou populaire ?
En effet, à l’aune de cette jurisprudence constante de la Haute juridiction, certains citoyens réclament la paupérisation du projet et la consultation de la population avant l’envoi du dossier à l’Assemblée nationale.
Un traquenard dans lequel ne compte pas tomber le Gouvernement qui s’inscrit plutôt dans la logique de respecter la procédure prévue par la Constitution, querellée elle-même, en ses articles 154 et 155. Lesquels prévoient respectivement que : « L’initiative de la révision de la Constitutionnelle appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale » et « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale ». L’article 156 et le dernier du titre XI de la Constitution qui organise la révision de la loi fondamentale stipule qu’ « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Ces articles croisés avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur le principe de consensus permettent d’établir trois étapes procédurales essentielles pour réviser la Constitution béninoise. Il y a d’abord le consensus national, ensuite le vote des trois quarts des députés induisant le référendum avant l’approbation de la réforme et enfin l’adoption du projet aux quatre-cinquièmes des parlementaires sans référendum. La Cour constitutionnelle a d’ailleurs martelé cette procédure dans un communiqué en septembre 2016 où elle a montré qu’aucune révision constitutionnelle ne peut s’opérer sans passer par l’Assemblée nationale. Seulement si les deux dernières étapes sont précises, tel n’est pour le cas pour le consensus national. La Cour constitutionnelle qui l’impose n’a pas été claire dans sa décision DCC 06-074 du 8 juillet 2006. En ce sens que la décision ne précise pas comment ce consensus national peut être obtenu. S’agit-il d’un consensus institutionnel ou d’un consensus populaire ? Qui peut l’organiser ou le déclencher ? Est-ce le Gouvernement, l’Assemblée nationale ou la commission mise sur pied pour le toilettage de la Constitution. Mieux à quel taux peut-on considérer acquis le consensus national ? Est-ce qu’il faut que 100% des populations soient d’accord avant toute modification de la loi fondamentale du 11 décembre 1990 ? Autant de gros nuages dans le ciel de la révision constitutionnelle au Bénin qui méritent d’être dégagés par la Cour constitutionnelle pour situer les uns et les autres. Si les choses ne sont pas clarifiées, la modification de la loi fondamentale du Bénin sera toujours une entreprise à polémique et de conjectures. Alors que la Constitution a prévu elle-même son propre toilettage pour l’arrimer aux exigences de l’heure. Au regard de la situation, une saisine de la Haute juridiction s’avère indispensable pour qu’elle clarifie de quoi retourne sa formule : « pas de révision constitutionnelle sans consensus national, principe à valeur constitutionnelle ». Il faut vraiment que les membres de la Cour constitutionnelle, qui certes ont leurs principes et leurs interdits de fonctionnement, puissent fixer une fois de bon tout le monde sur la procédure à observer pour une procédure sans anicroche de la révision constitutionnelle au Bénin?