La Nation Bénin...
Le
Barreau du Bénin souffle ses soixante bougies. Un événement riche en émotions
et réflexions, marqué par des hommages vibrants aux avocats disparus, une plongée
dans l’histoire de la profession et des appels à la vigilance face aux défis
contemporains. C’était à la faveur d’une cérémonie solennelle à la Maison de
l’Avocat à Cotonou, samedi 19 avril dernier.
Soixante
ans après sa création, le Barreau du Bénin célèbre un héritage forgé dans la
résistance, l'engagement et la quête constante d'une justice équitable. A
l’occasion de la commémoration de son jubilé de diamant, les figures
emblématiques de la profession ont ravivé la mémoire collective, rappelant que
l’indépendance de l’avocat demeure le pilier fondamental de tout État de droit.
Me
Robert Dossou qui a supplié, pour la circonstance, Me Adrien Houngbédji, de
retracer les grandes menaces survenues au cours des décennies, notamment sous
la Révolution où le Barreau a failli être dissous, rappelant l’arrestation de
Me Bertin Borna et le séminaire de 1976 qui visait à réduire les avocats à de
simples fonctionnaires. « Le Barreau n’est pas un corps politique. Il faut
sauvegarder les valeurs d’indépendance de la justice, du juge et de l’avocat »,
a insisté l’ancien bâtonnier qui a entretenu les participants sur le thème : «
Défendre, réformer, construire : les combats de l’ordre ».
Dans
une rétrospective poignante, Me Angelo Hounkpatin a rappelé que le Barreau du
Bénin, né officiellement en 1965, puise ses racines bien avant l’indépendance,
dans une époque marquée par l’injustice coloniale. Il a salué le combat des
pionniers comme Germain Crespin, Luis Ignacio Pinto et Kojo Tovalu Houénou,
figures emblématiques qui ont arraché le droit à la défense pour les indigènes
sous le joug colonial. « Le Barreau est né dans la douleur, dans une époque où
la dignité des colonisés était bafouée. Défendre, c’était résister. Et cela
demeure », a-t-il martelé.
Le
bâtonnier Hounkpatin a mis en lumière les ruptures douloureuses traversées par
le Barreau, notamment sous le régime socialiste avec l’imposition de la robe
verte par le décret de 1983, symbole de l’ingérence du pouvoir politique.
Il
a aussi rendu un hommage appuyé à Me François Amorin, seul à avoir refusé de
porter cette robe, incarnant l'esprit d’indépendance qui anime la profession.
Mais le bâtonnier ne s’est pas limité au passé.
Il
a aussi évoqué les défis contemporains qui menacent l’indépendance de la
profession : les réformes judiciaires, la désignation d’office des avocats sans
l’accord du bâtonnier, selon la dernière décision de la Cour constitutionnelle,
la gestion de la Carpa (Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats),
la précarité des jeunes confrères et l’adaptation nécessaire aux mutations
numériques. « Nos combats d’aujourd’hui prolongent ceux d’hier. Défendre
l’indépendance de l’avocat, c’est défendre la justice pour tous », a insisté Me
Angelo Hounkpatin.
Soixante ans après sa création par la loi 65-20 du 20 avril 1965, l’Ordre des avocats du Bénin réaffirme sa vocation : être au service de la justice, de la liberté et de la dignité humaine. Avocats, anciens bâtonniers, membres des institutions judiciaires, partenaires et invités de marque ont participé à cette cérémonie qui s’est conclue par la traditionnelle coupure du gâteau des 60 ans.