La crise du pain paraît à nouveau inévitable. C’est du moins la crainte exprimée par les Nations Unies suite à la déclaration du Kremlin suspendant les accords sur les exportations de céréales par la mer Noire. Ce retrait entraînerait une nouvelle flambée des prix des denrées et risque de plonger des millions de personnes dans la famine.
Au Bénin, la crise survenue en 2022 après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne a perturbé les activités des boulangers et pâtissiers. Une enquête menée par l’Observatoire du commerce, de l’industrie et des services (Ocis, novembre 2022) a identifié 35 boulangeries distinctes ayant fermé dont au moins une dans 11 des 12 départements (aucune identifiée dans les Collines). En son temps, près de la moitié de ces unités (49,8 %) avaient indiqué que la crise a engendré des difficultés d’écoulement du pain contre 22,2 % avant la crise. Près de la moitié des enquêtés (48 %) ont indiqué qu’ils envisageaient de cesser leurs activités si la crise persistait.
N’eussent été les mesures prises par le gouvernement pour juguler la crise, le pain serait devenu plus cher sur le marché. En fait, il a été noté un renchérissement de la farine de blé dont le prix médian du sac de 50 kg de farine était passé de 18 000 F Cfa avant la crise à 35 000 F Cfa sur le marché, soit une augmentation de 94 %.
Impact
La subvention de l’Etat a permis aux deux usines locales de fixer le prix du sac de 50 kg à 26 650 F Cfa. Toutefois, plus l’on s’éloigne de Cotonou et des deux usines locales de production (l’une à Cotonou et l’autre à Sèmè-Podji), plus le prix de vente de la farine locale augmente. D’où il importe de fixer par arrêté, le plafonnement du prix de vente au détail de la farine de blé au consommateur final, sur l’ensemble du territoire national.
Les mesures du gouvernement ont eu un certain impact sur le prix de vente en gros du pain bâtard, rabaissant le prix médian à 107,5 F soit une baisse de
2,3 %, d’après l’étude de l’Ocis qui note une relative stabilité du prix médian du pain baguette de 200-250 g qui passe de 124 F pendant la crise à 123,2 F, contre 115,1 F avant la crise. Quant au pain viennois, on note plutôt une hausse du prix médian qui est passé de 145 F à 155 F contre 125 F avant la crise.
L’indisponibilité de la matière première que créerait la suspension de l’accord par la Russie aurait une conséquence immédiate sur le coût de revient des pains au niveau des boulangeries et/ou pâtisseries. Avec la crise de 2022, le prix de vente médian du pain de 160 g en gros est passé de 90 F à 110 F pendant la crise, soit une augmentation de 22 %, entraînant une grande dispersion des prix de vente du pain avant que le gouvernement ne tape du poing sur la table.
Que faire ?
Avec le maintien du prix du pain bâtard de 160 g à 125 F et celui de 200 g à 150 F, ce sont les revendeuses qui se plaignent d’une réduction drastique de leur marge de bénéfice. Les consommateurs, eux, constatent que le poids du pain n’est pas toujours respecté, une situation qui date d’avant la crise.
Au regard de la persistance de cette crise et ce, en dépit des mesures du gouvernement, l’augmentation de la subvention s’avère nécessaire pour une diminution effective du prix de vente du sac de la farine de blé. Mais, à terme, les boulangers et pâtissiers plaident que l’option de libéralisation du prix de vente du pain soit envisagée pour permettre ainsi à chacun de définir le prix de vente de son pain en fonction des dépenses engagées.
La crise relance la question des alternatives à la farine de blé et des produits de substitution ou de complément tels que le manioc dont la transformation en farine panifiable est encore faible, faute d’accompagnement efficace.
Au-delà des mesures à prendre pour faciliter l’importation du blé ou des farines de blé afin de couvrir les besoins, il importe non seulement de développer les filières locales mais aussi et surtout d’amener les consommateurs à changer peu à peu leurs habitudes alimentaires en privilégiant les produits locaux à ceux importés.