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Systèmes agroalimentaires au Bénin: L’impératif d’une transition vers des pratiques durables

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Systèmes agroalimentaires au Bénin Systèmes agroalimentaires au Bénin

Le potentiel agropastoral et halieutique du Bénin reste peu valorisé en raison de plusieurs facteurs affectant la production. Des leviers sont proposés pour évoluer vers des systèmes alimentaires résilients, inclusifs et durables, à travers une étude publiée par la Fao-Bénin.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 23 août 2023 à 09h36 Durée 3 min.
#Systèmes agroalimentaires au Bénin
Des pratiques agricoles peu adaptées remettent en question la durabilité des systèmes alimentaires au Bénin. C’est ce qui ressort de l’étude intitulée « Profil des systèmes alimentaires - Bénin : Activer la transformation durable et inclusive de nos systèmes alimentaires » (Fao, Union européenne et Cirad / 2023). Réalisée en collaboration avec le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Maep), l’étude souligne que les pratiques nuisibles sont liées notamment à l’agriculture minière et à la réduction de la durée des jachères. Elles amenuisent la fertilité des sols et par conséquent, les rendements, aggravant les pressions déjà induites par le changement climatique et rendant peu productive l’agriculture béninoise.
L’augmentation de la production repose essentiellement sur l’extension, par la déforestation, des superficies cultivées. En outre, l’accès au foncier reste difficile pour les petits producteurs, en particulier les jeunes et les femmes qui s’adonnent beaucoup plus à la commercialisation et la transformation des produits, au détriment de la production.
A ces facteurs, s’ajoute l’insuffisance des investissements dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’accès aux services sociaux de base et de l’énergie, en particulier en milieu rural. Cet état de choses n’a guère permis le développement du capital humain nécessaire à une bonne performance des systèmes alimentaires béninois. 
Le système d’enseignement technique professionnel s’avère peu efficace sur le plan quantitatif, mais aussi inadapté sur le plan qualitatif pour répondre aux besoins des systèmes alimentaires en termes de normes et standards des produits, de techniques et de conservation et de transformation, de transport et de commercialisation.
Les distorsions des politiques commerciales favorisent plutôt les importations massives de denrées alimentaires, en particulier le riz destiné à la réexportation vers le Nigeria. Toutes choses qui ont tendance à décourager la production locale et limiter le développement du potentiel agropastoral et halieutique. Conséquence, à peine 23 % des terres arables estimées au total à 8,3 millions d’hectares sont effectivement exploitées (Wildaf-Bénin, 2020).

Déficits

Bien qu’étant en constante hausse, la production vivrière induit une augmentation du taux de couverture des besoins alimentaires (céréales, légumineuses, tubercules) qui atteint 172,5 % en 2020 (Maep, 2021). Un accès quelque peu difficile des populations aux produits alimentaires s’observe au niveau national et au niveau local, d’importantes poches d’insécurité alimentaire subsistent et se développent. 
Le déficit est criand au niveau de la production halieutique nationale chiffrée en 2020 à 
83 417 tonnes (Mef, 2021) et qui couvre à peine plus du quart, soit 26,69 %, des besoins de consommation en produits de pêche. Lesquels besoins sont essentiellement couverts par les produits importés congelés. C’est la résultante de l’épuisement des ressources halieutiques suite à l’érosion côtière, la montée du niveau de la mer et la dégradation des écosystèmes aquatiques, en raison de la pollution des plans d’eaux par les déchets ménagers et industriels et de l’usage de méthodes et engins de pêche non réglementaires.
Depuis la suppression de l’Office national d’appui à la sécurité alimentaire (Onasa) en 2016, l’efficacité des réponses apportées pour faire face aux crises de surproduction ou de sous-production est compromise par l’absence d’une structure assurant une fonction de stockage et d’assistance aux plus démunis.
D’après l’étude, le faible tissu d’agro industries constitue également un frein à l’amélioration des performances des systèmes alimentaires. Les maillons de la transformation, de la conservation et du stockage manquent d’infrastructures conformes aux normes.
Le dispositif logistique de transport (état des routes, parcs de véhicules, voies ferrées, voies fluviales et maritimes), de stockage et de marché, ne s’est pas adapté au dynamisme commercial. Cela ne permet pas aux acteurs des systèmes alimentaires de profiter pleinement des avantages qu’aurait pu leur procurer l’intensité des échanges avec les pays de la sous-région.
L’inadaptation du système financier aux besoins en investissements des systèmes alimentaires est aussi un obstacle. Malgré la surliquidité des banques au niveau national et sous-régional, 80 % des crédits restent concentrés sur le court terme. Or, les besoins d’investissements productifs dans les systèmes alimentaires nécessitant des crédits à moyen et long termes sont quasi insatisfaits. Cette situation oblige les acteurs à recourir aux systèmes financiers décentralisés, avec des taux d’intérêt débiteurs trop élevés, tournant autour de 24 % par an et pouvant atteindre 200 % pour le crédit informel de trésorerie en zones rurales.
Leviers pour une alimentation saine et équilibrée

L’étude insiste sur une forte mobilisation et une réallocation des ressources publiques et privées et en capital humain vers les niveaux décentralisés les moins bien dotés, afin de permettre la mise en œuvre effective d’une approche territoriale dans le cadre de l’Agenda spatial du Bénin. Cela aura l’avantage de favoriser l’inclusion de tous les acteurs dans la recherche de la durabilité des systèmes alimentaires.
Une diversification de la production agropastorale basée sur l’agroécologie et un mécanisme de protection sociale destiné aux populations les plus vulnérables permettraient de renforcer leur résilience et leurs moyens d’existence.
Autre levier, la mise en place de mécanismes de financement innovants susceptibles de catalyser les secteurs de la transformation et des services, aiderait à créer des emplois durables et à produire une alimentation saine et équilibrée.
Les investissements dans les infrastructures devront se poursuivre, voire être intensifiés, en particulier dans les secteurs de l’énergie, des transports, des télécommunications, suggère l’étude. En fait, le taux de mécanisation agricole reste très faible : il est estimé à 12,4% en 2021, selon le Maep.
Il est également recommandé la mise en cohérence et le développement de synergies inter et intra-institutionnelles, en particulier dans le domaine de la santé, de la nutrition, de l’éducation, de l’accès à l’eau potable, de l’hygiène et de l’assainissement. 
Par ailleurs, le renforcement de la coopération sous-régionale devrait contribuer au déploiement de mécanismes gagnant-gagnant, en termes d’accès à l’information sur les marchés et à l’amélioration des infrastructures de regroupement, de conservation et de commercialisation ainsi qu’à l’harmonisation des normes de qualité des produits. Toutes choses qui permettront aux petits producteurs d’accéder à une part équitable de la valeur ajoutée générée dans les échanges.

C. U. P.