La Nation Bénin...
La
limitation du nombre de mandats présidentiels est devenue un fétiche en
Afrique! C’est le gage démocratique devenu un écueil contre lequel l’opinion,
majoritaire sans doute sur le continent, envoie échouer, psychologiquement ou
physiquement, tous ceux qui veulent passer outre cet épouvantail. Preuve d’une
démocratie qui marche bien? Rien de tel
que l’alternance au sommet de l’Etat pour en attester? C’est-à-dire un
président qui fait au mieux, de préférence selon une opinion bien établie, deux
mandats et cède place. Et l’honneur de la démocratie est sauf, croit-on ainsi
savoir !
N’empêche
que cette mesure qui paraissait salutaire contre toutes velléités despotiques,
est devenue un problème en soi, dès lors qu’elle crispe et cristallise les
attentions à chaque fin de règne marquée ou non par une tentation ouverte de
réviser la Constitution pour sauter ce verrou auquel les opinions se sont
attachées. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur étant de se séparer
d’un dirigeant médiocre et falot. Mais l’on peut regretter le départ d’un
président qui a marqué positivement les esprits. Aussi, ladite limitation se
révèle une solution trompe-l’œil si l’on part du postulat que la démocratie est
le libre choix, car la limitation du nombre de mandats s’érige en puissance
contraignante d’une certaine manière: le peuple n’opère plus son libre choix
par censure ou reconduction d’un ancien régime ou par adoubement d’un nouveau
système.
L’alternance,
il est vrai, a ceci de superbe qu’elle permet de régénérer ou de mettre fin à
une gouvernance médiocre. Point besoin d’en limiter l’accès pour faire valoir
une telle faculté. Encore qu’il en faut davantage pour se convaincre de
l’assise, de la qualité d’une démocratie. Sinon, que fait-on de l’effectivité
de l’État de droit, de la puissance publique dont la mobilisation passe par
l’observation des normes légales, une bonne administration de la justice, la
transparence à maints égards et non pas qu’à travers les élections...Et surtout
la satisfaction de la demande sociale, finalité de toute action politique.
Le
propos, ici, est que alternance politique ne rime pas avec limitation du nombre
de mandats, même si ce verrou permet de freiner, de contenir les velléités d’un
pouvoir qui se voudrait sans frein, voire despotique, de lutter contre la
tentation d’un règne éternel, qui anime hélas bien souvent les acteurs
politiques en Afrique.
La
limitation se révèle ainsi un artifice plus qu’un artéfact démocratique. Au
mieux, et par défaut, c’est un mécanisme de régulation, justifiable par la
faiblesse de nos édifices institutionnels et juridiques, ajoutée à un état
d’esprit mauvais quant à la gestion de la chose publique. Le fair-play n’étant
pas ce qui caractérise le plus nos acteurs politiques, qui ne s’illustrent
souvent pas par leur vertu à respecter les règles, en l’occurrence celle
démocratique portant alternance politique, on n’a pas trouvé mieux de les y
contraindre que la limitation du mandat présidentiel.
Pour
autant, cela n’empêche aucunement la suspicion qui ne quitte jamais les
opinions publiques en Afrique, à l’approche de chaque fin de mandat:
partira-t-il? Ne partira-t-il pas? Une question devenue existentielle, et qui
n’est pas sans perturber le jeu démocratique en Afrique, stressant l’opinion
publique, même sans cause, et détournant tout un pays des préoccupations
essentielles.
Que
la limitation de mandats soit inscrite en marbre dans la Constitution n’y
change rien, comme actuellement au Bénin où, sans que personne ne le lui
demande, le président Talon choisit de corser le verrou en inscrivant dans la
loi fondamentale que “...nul ne peut de son vivant exercer plus de deux
mandats...”. Il se trouve pour autant, y compris parmi ses soutiens politiques,
des Thomistes qui attendent de le voir partir de leurs yeux avant d’y croire !
C’est consternant, à titre illustratif, de noter l’interrogation résolue chez
certains Béninois qui s’étonnent de la poursuite d’autant, disent-ils, de
chantiers infrastructurels publics, alors même que Patrice Talon est sur le
départ. Preuve manifeste, jure-t-on, qu’il va se donner une deuxième vie pour demeurer
au pouvoir après 2026! Un nouveau départ pour l’homme du Nouveau départ daté en
2016? Rien de plus absurde, à moins d’un cataclysme!
Pourtant,
rien, même pas les explications pédagogiques empruntant avec sagacité la
sémantique pour distinguer un deuxième mandat d’un second, ne suffirait à lever
le doute chez ces mécréants ! Hommes et femmes de peu de foi, qui tireront leur
seule excuse, cependant, du monde incertain dans lequel nous vivons. Avec il
est vrai un environnement politique régional des plus mouvants et évanescents,
marqué par des putsches et des mascarades électorales! Le Bénin reste,
cependant, un cas à part depuis le Renouveau démocratique en Afrique: la seule
conférence nationale aboutie, l’alternance au sommet de l’Etat toujours sans
heurt. Aucun autre pays ne peut prétendre sur le continent à un tel tableau de
bord sociopolitique. L’histoire continue
Editorial de Paul AMOUSSOU