La Nation Bénin...
Mannequin, journaliste, puis consultante en parentalité
et experte du bien-être de l’enfant, Isaura Vieyra est de celles qui ont choisi
d’écouter leur propre voix. Son parcours est un condensé de résilience et
d’engagement. Aujourd’hui fondatrice d’un centre de loisirs et de créativité,
elle consacre sa vie à construire des ponts entre les adultes et les enfants,
en entretenant chez chacun l’éclat du lien.
Posture droite, démarche fluide et élégante, présence
scénique, bonne symétrie faciale, grande taille… Isaura Gracia Eyitayo Vieyra à
l’état civil, a la morphologie type du mannequin professionnel. Quand elle
arpente le T, elle combine allure et expressivité. Pendant longtemps, cette
ancienne dauphine de Miss Cotonou a fait la pluie et le beau temps dans les
agences et pour les plus grandes maisons de couture. Mais le monde de la mode,
elle ne l’a côtoyé que très peu de temps, histoire d’y laisser ses marques et
de se donner des ailes pour voler vers d’autres cimes. Alors que la plupart de
ses congénères à l’école de journalisme la prédestinaient à une belle carrière
de présentatrice, l’ancienne Enarque n’a fait de sa Licence professionnelle
qu’un tremplin pour explorer d’autres horizons. Il fut un temps où elle
défilait sous les projecteurs, icône de beauté et d’élégance sur les podiums
les plus en vue. Puis, plume à la main, traquant les mots justes, donnant voix
aux silences et racontant le monde avec sensibilité. Deux univers a priori
éloignés, mais liés par un fil commun : l’écoute de soi et des autres.
La première chose qu’on remarque chez Isaura Vieyra,
c’est la lumière. Celle de son regard franc, de sa voix douce, de ses mots choisis
avec soin. Une lumière nourrie par les chemins qu’elle a osé prendre parfois à
contre-courant, souvent par conviction. Longtemps, Isaura a été une femme
regardée. Aujourd’hui, c’est elle qui regarde. Aussi bien les enfants, les
parents, les éducateurs, les institutions... Tous ceux qu’elle accompagne dans
sa fonction de consultante en parentalité et experte du bien-être de l’enfant
avec une écoute rare, née d’un parcours multiple et d’une sensibilité forgée
très tôt. « La perte de mon père, à l’âge de six ans, m’a marquée à jamais.
J’ai compris, sans le formuler encore, à quel point l’enfance est un territoire
fragile et précieux », confesse-t-elle. Cette blessure, Tayo comme on l’appelle
en privé ne l’a jamais enfouie. Elle en a fait une boussole. Une source
d’empathie, de patience, de force aussi. « Ma mère a tenu bon. Moi, j’ai appris
à observer, à ressentir, à chercher du sens dans les liens. J’ai grandi dans un
environnement où le jeu et la fraternité étaient au centre de mon quotidien.
J’ai vite compris la force du partage, des mots, des gestes, de l’écoute »,
laisse-t-elle entendre.
La parentalité comme mission
Enfant dans l’âme, elle l’est aussi et est demeurée telle. Pas étonnant que l’univers de l’enfance, sinon de l’épanouissement familial soit devenu son terreau fertile. C’est là qu’elle se sent le plus à l’aise et pour en apporter davantage dans cette prairie, elle s’est outillée. L’ex-journaliste, avant de devenir consultante en parentalité et experte du bien-être de l’enfant est passée par la case Formation. Elle s’est formée en développement psychologique de l’enfant, pour mieux accompagner les familles et mieux comprendre les dynamiques éducatives. Son approche est simple : partir de l’enfant, de son vécu, de ses besoins réels, et reconnecter les adultes à cette réalité. Elle ne donne pas de recettes miracles, mais des outils concrets, des clés d’écoute, des gestes simples pour retisser du lien. « J’ai toujours été attirée par leur manière, leur spontanéité, leur sensibilité. En les côtoyant de près, j’ai compris qu’on devait construire un lien entre ce que l’enfant vit et ce que le parent perçoit. J’ai toujours su que je voulais travailler avec les enfants. Le volet parental, lui, s’est imposé comme une évidence, en observant combien la qualité du lien parent-enfant était importante », assure la jeune consultante. Elle est attentive à ce que vivent réellement les foyers. Elle apprend à écouter, à ressentir, à traduire les silences. Un rôle important qu’elle assume à travers des milliers de questions : comment élever sans blesser ? Comment guider sans écraser ? Comment aimer sans étouffer ? « J’ai compris que si l’on voulait aider les enfants, il fallait d’abord accompagner les parents », note-t-elle.
En elle, plusieurs vies cohabitent !
Isaura est aussi autreure de livres jeunesse, où elle
distille des messages profonds avec la simplicité qui parle aux enfants. Sa
plume est tendre, poétique, ancrée dans le quotidien. Elle anime des
conférences, des ateliers, et n’hésite pas à intervenir dans les médias pour
défendre une éducation plus respectueuse, plus douce, plus lucide. « Ce qui me
ressource? La prière, la mer, l’écriture, les rires de mes enfants ». Elle
cultive aussi l’équilibre. Femme, mère, professionnelle et compagne, elle
incarne une parentalité vivante, imparfaite mais engagée. Elle n’a pas choisi
la facilité, mais le sens et les écoutes.
Et dans un monde souvent bruyant, elle continue,
doucement, de faire ce qu’elle sait faire le mieux : écouter, relier, apaiser...
allumer des liens. Ses journées ne se ressemblent pas toutes, mais elles sont
souvent faites de prières, de méditation, d’accompagnement de ses enfants, d’un
temps de travail à son poste en entreprise, puis, son centre, et après, retour
à la maison, dîner en famille, moments de tendresse, et souvent un carnet
d’écriture ouvert quelque part… Ce que j’ai appris dans mes vies précédentes
m’a préparée à celle-ci, dit-elle. « Le mannequinat m’a appris la rigueur, le
journalisme m’a formée à l’analyse. En tant que coach, j’aide désormais
d’autres à se comprendre et à mieux comprendre leurs enfants », confie,
souriante, le mannequin d’antan.
Ce que recherche par-dessus tout Isaura, c’est « une vraie reconnaissance du rôle des émotions dans l’éducation. Une formation plus systémique des professionnels de l’enfance et surtout, une politique publique qui soutient les familles ». Une fois que ces éléments seront présents au puzzle, elle pourra suivre sa voie et sa voix, disons plutôt sa mission et parvenir à se hisser telles des figures comme Ngozi Okonjo-Iweala, ou Mebi Djam Espoir Achi, militante pour l'éducation des filles, ou encore Isabelle Filliozat, auteure et conférencière. Pour l’instant, elle sent que son action inspire. « Pas seulement par les mots, mais par la cohérence entre ce que je dis et ce que je vis », note-t-elle.
Trouver sa voie dans la voix des enfants
Selon elle, les plus grands défis des parents
aujourd’hui, sont le manque de temps, la solitude parentale, la surcharge
mentale, courir après la perfection et parfois un vide affectif hérité de leur
propre histoire. Pour les accompagner, elle offre des consultations
individuelles, des cercles de parole, des ateliers, des contenus éducatifs et
bientôt, une formation en ligne dédiée aux entreprises et aux familles. Son
plus grand rêve, créer un centre d’envergure internationale, un lieu ressource
pour les familles et les enfants, où les liens sont aussi importants que le
savoir. Quand on lui demande de se décrire en trois mots, elle lance sans
aucune hésitation : Créative, empathique et résiliente. « Guérir les enfants,
c’est commencer par écouter les adultes que nous sommes. Les parents heureux
font des enfants heureux », c’est la citation qui guide les actions de la
désormais coach. « Une maman m’a écrit un jour : Grâce à vous, j’ai compris que
mon fils n’était pas trop…, il avait juste besoin d’être compris. C’est resté
en moi », se souvient-elle par ailleurs, évoquant ainsi un pan de l’impact de
son travail et de ceux qui comme elle, opèrent dans la parentalité. Malgré cet
engagement pour l’accompagnement des familles, les croyances éducatives
rigides, le tabou autour des émotions et peut-être aussi la peur du changement
constituent encore des freins. « Vos enfants n’ont pas besoin d’un parent
parfait, juste d’un parent présent et aimant », exhorte-t-elle.
On doit aussi à la fondatrice du Centre de loisirs et de créativité ‘’Le monde de Aura’’, l’initiative de défilé et de mode Africa Kids Fashion, depuis maintenant 13 ans. « C’était une première en Afrique de l’Ouest. Ce projet m’a permis de mettre l’enfant au centre d’une scène, de valoriser son image, sa force, sa beauté », précise-t-elle. Autre projet dont elle a été aussi pionnière, le magazine ‘’Working girl’’, premier du genre gratuit au Bénin. Mais elle ne s’est pas accomplie de manière linéaire. Il y a eu à plusieurs reprises des moments de remise en question. « J’ai parfois douté de ma légitimité, de mes choix, de mes forces. Ce qui m’a toujours permis de rebondir, c’est le retour au calme intérieur. La méditation, l’écriture, le silence aussi. Et surtout… mes enfants. Elles me rappellent à l’essentiel». Parlant de ses enfants, elle en éprouve une fierté absolue. Elles sont sa plus grande réalisation par l’espace, dit-elle, qu’elle a créé pour elles, en elle et autour d’elle. Entre conférences, ateliers, et accompagnements personnalisés, elle est aujourd’hui une référence dans son domaine. Et si elle a quitté la lumière des projecteurs, c’est pour mieux éclairer les parcours de celles et ceux qu’elle guide au quotidien.