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Pépé Oléka: Choriste par vocation, artiste par destin

Culture
Pépé Oléka Pépé Oléka

Chanteuse béninoise au parcours singulier, Pépé Oléka incarne une âme libre dont la voix résonne bien au-delà des scènes africaines. Entre reggae, afro-soul et tradition, elle s’est imposée sans bruit, mais avec une constance rare, dans l’univers musical béninois et sur les scènes internationales. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 19 août 2025 à 07h30 Durée 3 min.
#Pépé Oléka #Musique

Derrière la chanteuse à la voix chaude et aux interprétations sincères, se trouve une petite fille nourrie aux sons de Bob Marley. «Mon père était un mélomane passionné de reggae. La musique résonnait chez nous presque 24 h sur 24», raconte Pépé Oléka. Si elle ignore d’où lui vient sa passion pour la musique, elle reconnaît que cette atmosphère a éveillé en elle un goût particulier pour les sonorités et les émotions. De là vient, qui sait, cette fibre artistique qu’elle assume aujourd’hui avec naturel et fierté. Introvertie, Pépé Oléka ne s'imaginait pas vedette. Les projecteurs, ce n’était pas elle, nous confie avec assurance celle qui a pourtant fait office d’égérie de grandes entreprises aujourd’hui.

« Je voulais être choriste. Être derrière, pas devant.» Pourtant, c’est bien sur scène, face au public, qu’elle découvre une autre part d’elle-même. « Sur scène, je ne suis plus la même. C’est là que je me sens vivante, libre ». Les cabarets, ses premières scènes marquent son éveil professionnel. Très vite, la nécessité de vivre de son art devient un moteur, voire une motivation. Elle va en trouver une sorte de raison de vivre qui la propulse très vite sous les projecteurs. « Ma mère était inquiète pour mon avenir, je me devais de prouver que j’étais capable de gagner ma vie avec la musique», laisse-t-elle entendre non sans fierté. Jeudi, vendredi, samedi, dimanche… les cachets s’enchaînent pour la svelte choriste qui ne mit pas beaucoup de temps à s’imposer avec sa voix toute aussi singulière que sa taille. La reconnaissance suivra très vite aussi.

De ses débuts discrets dans les cabarets à la reconnaissance des scènes internationales, Pépé Oléka a tracé un parcours singulier, fidèle à ses racines et à son art. Chanteuse béninoise au triple ancrage culturel, elle incarne une voix libre, mêlant tradition, modernité et élégance. Sans jamais se trahir, elle fait vibrer l’Afrique et le monde avec la sincérité d’une artiste entière. Figure majeure de la scène béninoise, Pépé Oléka incarne un engagement artistique au service des cultures africaines. De nombreuses scènes sur les continents africain et européen n’ont plus de secret pour elle. Cet engagement elle l’a illustrée de fort belle manière ces dernières années aux quatre coins du monde, partout où l’emporte le doux vent de la musique. Forte de son parcours riche et de collaborations majeures, elle s’impose comme une voix respectée, à la croisée de la tradition, de la modernité et de l’exigence professionnelle. 

La voix d’une Afrique vraie

« Je suis fière de tout ce que j'ai fait et de ce que je n'ai pas pu encore faire. En tant qu'artiste polyglotte, je ne choisis pas toujours la langue de mes chansons. Quand j'écris une chanson, elle arrive dans la langue dans laquelle j'ai envie de la chanter. Cela peut être aussi dû à un rythme. Si j'entends un rythme de High Life par exemple, naturellement, la chanson viendra en Mina, ou en Ewé... Je ne choisis pas, je ne calcule pas vraiment ça. Peut-être que selon ce que j'ai à dire, les choses arrivent dans la langue à découvrir », révèle-t-elle. « Si je n'étais pas artiste, je serais artiste. Je serais sur une autre expression artistique. L'art ne se limite pas à la musique », enchaine Pépé.

Pépé Oléka, c’est la voix d’une Afrique vraie, d’une artiste qui n’a jamais trahi ce qu’elle est, entre traditions, modernité et engagement sincère pour l’art et pour son public. Discrète mais déterminée, la chanteuse s’est frayée son chemin singulier sur la scène musicale africaine et internationale au prix du travail acharné. Dans le silence certes, mais avec engagement et motivation. Avec pour principale arme, sa voix. Une voix qui conjugue élégance, sincérité et amour des cultures. Cela explique les reprises faites sur de nombreux morceaux intemporels de certains grands noms de la musique béninoise. Une approche singulière, à la limite innovante que beaucoup ont mis du temps à comprendre. Pourtant elle savait où l’emmènerait son choix. Les chants de ses aînés, et peut être maîtres, qui sait, elle les a portés haut sans jamais trahir leur vérité. Les reproches sinon même les récriminations qui lui sont faites, elle en rit bien souvent quand on évoque le sujet.

« Je ne reprends pas de chansons qui ne m'ont pas touchée. Toutes les chansons que j'ai dû reprendre font partie de mon histoire aussi. Ces chansons m'ont accompagnée à une période de ma vie et je trouvais qu'il était important peut-être de publier certaines versions de moi, afin que la jeune génération aussi puisse les connaître », tranche-t-elle d’entrée. Selon elle, il y a une génération après elle qui a aussi besoin de les connaître. Ce n’est donc pas un hasard si elle les reprend et de fort belle manière. L’exercice ne semble pourtant pas si aisé. Etre soi-même en tant qu’artiste dans la musique d’autrui. J'essaie de rester moi-même et d'être la plus honnête possible dans les émotions que je transmets, défend-elle. « Je reçois beaucoup de messages de personnes qui me parlent d'être touchée par telle ou telle façon de chanter ou tel ou tel titre. Et j'avoue que ce n'est pas vraiment calculé. Quand je chante, je suis honnête avec moi-même. J'essaie d'être la plus juste possible afin que les personnes le reçoivent tel », ajoutera-t-elle par ailleurs. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle n’a pas sa propre discographie. Deux albums solos, un sorti en 2012 et l'autre en 2024. Ce que conseille Pépé Oleka, c’est d'apprendre à comprendre et à décoder sa musique. 

Une identité…

Si son talent est inné, son parcours est aussi façonné par des rencontres décisives. Elle cite André Quenum, figure centrale de son cheminement artistique, mais aussi Max Lolo, Tchalé, Jean Adagbénon, la chanteuse Zeynab… Tous ont contribué, à leur manière à faire émerger la voix singulière de Pépé Oléka, la guidant, la soutenant, la formant. Porter le Bénin en étendard, mais sans renier la richesse de ses autres héritages. « J’ai été élevée par ma famille maternelle, mais toutes les cultures dont je suis issue font partie de moi». Un triple ancrage largement revendiqué par l’artiste qui appelle à lire cette richesse dans ses chansons, dans ses langues, dans ses rythmes. Polyglotte, elle ne calcule pas la langue dans laquelle elle chante. Elle suit l’émotion, le ressenti.

Si elle s’est longtemps produite sans disque, son premier album « Tchité » est une ode à l’émancipation féminine et constituait pour elle, un tournant et même «un acte d’identité». Suivra avec sa voix lyrique, «Aliklan » en 2022. Une sorte de confirmation, mais aussi une réponse à la longue attente de ses fans et même des mélomanes, tant assoiffés des compositions de cette cantatrice dont les airs langoureux et mélancoliques constituent un véritable voyage à travers des émotions brutes. Ce qui transparait entre autres à travers « Séyi », l’un des titres à succès de Danialou Sagbohan’’ dont elle assure la reprise avec doigté.

Très introvertie, sans être mystérieuse, elle ne laisse aucune fente sur le mur de sa vie privée. Il en est de même de certains pans de sa vie professionnelle. D’ailleurs elle n’est pas l’artiste des distinctions. Les récompenses, Pépé Oléka s’en méfie. Pour elle, la vraie reconnaissance vient des scènes comblées, des invitations, des rencontres. Être conviée par Angélique Kidjo ou chanter l’hymne national, voilà des distinctions à sa mesure. Mère de trois enfants, Pépé Oléka garde une frontière claire entre la scène et l’intime. « Mes proches n’ont pas choisi d’être sous les projecteurs », réfute-t-elle. Si elle partage peu sur sa vie privée, elle se dit prête à témoigner, un jour, sur certaines facettes plus personnelles de son histoire. Consciente des défis du milieu artistique béninois, elle reste optimiste. « Les jeunes ont de la chance aujourd’hui, les outils sont là. À eux d’en profiter et de travailler dur ». Elle milite pour une scène soutenue par le public et croit au potentiel de la jeunesse.

Optimiste… 

« La musique africaine en France est cantonnée dans un world music qui englobe la majorité des musiques qui sont tout le temps très différentes et qui viennent de différents pays d'Afrique. Mais l’Europe ou l'Occident restent très demandeurs et consommateurs de ce que nous voulons exprimer par nos musiques », assure la chanteuse. Elle, en tout cas, n'attend pas la reconnaissance de l'Europe ou de l'Occident pour faire sa musique. « Depuis mon premier album, je définis ma musique comme étant afro, soul et alternative. Afro, parce que je suis africaine… Ces dernières années je suis beaucoup plus souvent en Afrique et les personnes à qui je m'adresse sont encore et surtout les Africains », explique-t-elle. Sa musique, on le sait, conserve malgré tout un côté mélancolique. Mélancolie innée en cette artiste qui se définit comme « une personne douce» qui s’exprime et exporte sa musique avec grâce et élégance, dans la douceur. «J’ai conscience que je fais une musique qui n'est pas la plus populaire mais qui est une des plus respectées. Je n'ai pas la prétention de créer une harmonie entre la tradition et la modernité mais je m'exprime tout simplement… mon être est un melting-pot de la modernité et des traditions», assure Pépé. Enfin, elle se dit aussi très optimiste sur l'évolution de la scène artistique dans son pays. « Je continue de militer afin que l'art soit soutenu et que la musique en particulier soit portée par les personnes qui nous écoutent ».