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Cour constitutionnelle: Le gardien sous ses diverses facettes

Droits et Devoirs

Juge de la constitutionnalité de la loi et garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques, la Cour constitutionnelle a une compétence pluridimensionnelle. Le constituant en fait un gardien, un gendarme, un refuge, un consultant, un arbitre, un conseiller, un défenseur, un certificateur.
 

Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 09 juin 2023 à 09h34 Durée 3 min.

Que l’on dise que la Cour constitutionnelle est la Cour des sages et que l’on appelle ses membres, des sages, se conçoit aisément à l’appréciation du rôle que le constituant confère à cette institution. Les attributions de la Haute juridiction sont si nobles qu’elles anoblissent les membres. Et pour cause, il est difficile de remplir pleinement cette mission sans une bonne dose de sagesse. Les membres de la septième mandature sont, sans doute, conscients de la noblesse de la fonction, de ce qu’elle implique et de l’étendue des compétences.
A la lecture de la Constitution, le juge constitutionnel apparaît, en effet, sous diverses casquettes. L’article 114 de la loi fondamentale présente sommairement l’institution comme étant la plus haute juridiction de l'Etat en matière constitutionnelle ; le juge de la constitutionnalité de la loi ; le protecteur des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques ; le régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics. Les articles suivants permettent de mieux cerner le champ d’application de toutes ses compétences.
Protecteur des droits humains et des libertés fondamentales, la Haute juridiction se prononce d'office sur la constitutionnalité des lois et de tout texte réglementaire susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques. Elle statue plus généralement sur les violations des droits de la personne humaine et sa décision doit intervenir dans un délai de huit jours. Non seulement elle s’assure en avant-gardiste de ce que les lois de la République ne violent pas les droits fondamentaux mais aussi elle statue sur les plaintes portées devant elle. « La Cour constitutionnelle doit statuer dans le délai de quinze jours après qu'elle a été saisie d'un texte de loi ou d'une plainte en violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques. Toutefois, à la demande du gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. Dans ce cas, la saisine de la Cour constitutionnelle suspend le délai de promulgation de la loi », peut-on lire à l’article 120 de la Constitution. La Loi fondamentale donne la possibilité au président de la République ou à tout membre de l'Assemblée nationale de saisir la Cour sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation. Aussi tout citoyen, tel que prévu à l’article 122 de la Constitution, peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir à son action jusqu'à la décision de la Cour constitutionnelle qui doit intervenir dans un délai de trente jours. « Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application. Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles », précise l’article 124 de la Constitution. En outre, si la Cour constitutionnelle saisie par le président de la République ou par le président de l'Assemblée nationale a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, « l'autorisation de le ratifier ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution », dispose la constitution en son article 146.

Un arbitre impartial

La Haute juridiction a un pouvoir de substitution, d’arbitrage et de contrôle dans la régulation des pouvoirs publics et le bon fonctionnement des institutions. L’article 57 de la Constitution donne à la Cour constitutionnelle le pouvoir de rendre exécutoire une loi votée si après l’épuisement des délais de promulgation ou de seconde lecture, le chef de l’Etat n’a pas promulgué ladite loi. Ce faisant, elle se substitue à l’Exécutif. En cas d’outrage à l’Assemblée nationale, c’est la Cour constitutionnelle qui est l’organe d’arbitrage. « Il y a outrage à l'Assemblée nationale lorsque, sur des questions posées par l'Assemblée nationale sur l'activité gouvernementale, le président de la République ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours », stipule l’article 76 de la Constitution. L’article 77 précise: « Passé ce délai, le président de l'Assemblée nationale saisit la Cour constitutionnelle de ce manquement grave aux dispositions constitutionnelles. La Cour constitutionnelle statue dans les trois jours. Le président de la République est tenu de fournir des réponses à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais et dans tous les cas avant la fin de la session en cours. A l'expiration de ce délai, si aucune suite n'est donnée par le président de la République à la décision de la Cour, le président de la République est déféré devant la Haute Cour de Justice pour outrage à l'Assemblée nationale». Lorsque le président de l’Assemblée nationale après délibération du bureau, prononce l’irrecevabilité d’une proposition, d’un projet ou d’un amendement et que le gouvernement s’y oppose, il appartient à la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l'Assemblée nationale ou le gouvernement, de statuer dans un délai de huit jours. Tel un arbitre impartial, elle statue sur les conflits d'attributions entre les institutions de l'Etat. Organe de contrôle, la Haute juridiction statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois organiques avant leur promulgation ; les règlements intérieurs de l'Assemblée nationale, de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication et du Conseil économique et social avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution.

Certificateur et garant de l’ordre constitutionnel

La Cour constitutionnelle est l’institution qui donne légitimité aux situations exceptionnelles. Entre autres, une séance de l’Assemblée nationale tenue hors du palais des gouverneurs n’est valable qu’en cas de force majeure dûment constaté par la Cour constitutionnelle. De même, les textes de forme législative intervenus avant l'entrée en vigueur de la Constitution sur des matières à caractère réglementaire ne peuvent être modifiés par décret qu’après avis de la Cour constitutionnelle. Tel que le prévoit l’article 102 de la Constitution, quand bien même l’Assemblée nationale autorise le gouvernement à prendre des ordonnances pour l’exécution de son programme dans les conditions déterminées, ces ordonnances doivent être soumises à l’avis de la Cour constitutionnelle.
Conformément à l’article 50 de la Constitution, la Cour constitutionnelle est l’institution qui constate et déclare la vacance de la présidence de la République. Laquelle déclaration permet au vice-président d’assumer les fonctions du président de la République. Sans autorisation préalable de la Cour constitutionnelle dans les conditions fixées par la loi, le président de la République et les membres du gouvernement, durant leurs fonctions, ne peuvent ni par eux-mêmes, ni par intermédiaire, rien acheter ou prendre en bail qui appartienne au domaine de l'Etat. Comme un protecteur de l’ordre constitutionnel et de la démocratie, la Haute juridiction veille à la régularité de l'élection du duo président de la République et vice-président de la République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu'elle aurait pu relever et proclame les résultats du scrutin. Elle statue également sur la régularité du référendum et en proclame les résultats ; et sur la régularité des élections législatives en cas de contestation.

Comme un consultant

Par ailleurs, l’article 119 de la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi n°90-30 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, confère au président de la Cour constitutionnelle, deux autres fonctions. Il est en effet compétent pour recevoir le serment du président de la République et pour donner son avis au chef de l’Etat dans les cas prévus aux articles 58 et 68 de la Constitution, qui concernent respectivement l’initiative du référendum et la prise de mesures exceptionnelles. L’article 58 stipule que le chef de l’Etat pour prendre l’initiative du référendum sur toute question relative à la promotion et au renforcement des Droits de l'Homme, à l'intégration sous-régionale ou régionale et à l'organisation des pouvoirs publics, consulte en amont le président de l'Assemblée nationale et le président de la Cour constitutionnelle. Cette même consultation s’impose au président de la République avant la prise de mesures exceptionnelles lorsque les conditions le permettent et que les circonstances l’exigent. Il s’agit là d’une consultation mais d’une consultation impérative ■