Au Bénin, la discrimination fondée sur le handicap est une infraction punie par la loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin. Une loi qui jusque-là peinait à faire force dans les habitudes. Mais l’on peut espérer qu’il en soit autrement avec l’adoption, mercredi 21 juin dernier, des décrets d’application de la loi portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin. Le Bénin pose ainsi un pas significatif dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Car, faut-il le préciser, promouvoir et protéger les droits des personnes handicapées, c’est assurer l’égalité de tous sans discrimination et par ricochet, c’est protéger et promouvoir les droits de l’homme. Il va donc sans dire qu’une telle avancée comptera dans l’évaluation de la situation des droits de l’homme au Bénin.
L’avènement de la loi portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en 2017 a été l’aboutissement d’un processus entamé avant l'arrivée du régime actuel. Un projet de loi avait été transmis à l’Assemblée nationale par décret N° 20156-652 du 31 décembre 2015 sans pour autant connaître de suite. Il a fallu de nouvelles diligences pour que le texte soit revisité et adopté en 2017. Sa promulgation qui est déjà une première réussite, est imputable à la volonté politique certes, mais aussi aux plaidoyers constants de la société civile, des organisations internationales et nationales défendant la cause des personnes en situation de handicap. L’adoption des décrets d’application vient alors assouvir une longue attente : celle de garantir une certaine justice sociale aux personnes handicapées qui sont victimes de discriminations de tous genres en raison de leur handicap. A travers l’adoption de la loi et de ses décrets d’application, l’Etat béninois réaffirme, à l’égard des personnes handicapées, les principes du respect de la dignité intrinsèque, de l'autonomie individuelle y compris la liberté de faire ses propres choix et de l'indépendance des personnes; de la non-discrimination ; de la participation et l'intégration pleines et effectives à la vie sociale ; du respect de la différence et l'acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de l'espèce humaine et de l'humanité ; de l'égalité des chances ; de l'égalité d'accès ; de l'égalité entre les hommes el les femmes ; du respect du développement des capacités de l'enfant handicapé ; du respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité.
Que retenir de la loi ?
La loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin a pour objet « de prévenir le handicap, de protéger, de promouvoir et d'assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'Homme et de toutes les libertés fondamentales aux personnes handicapées afin de garantir le respect de leur dignité intrinsèque et leur pleine participation à la vie sociale », lit-on à l’article 2 de la loi. Prévenir implique la prise de mesures sanitaires et sociales pour un dépistage précoce, une prise en charge rapide ou pour sensibiliser, juguler, combattre les facteurs pouvant causer un handicap. Promouvoir et protéger les droits des personnes handicapées appellent à la prise de mesures et d’aménagements raisonnables. Aux termes de la loi sus-évoquée, on entend par aménagement raisonnable, toute modification ou tout ajustement nécessaire et approprié n'imposant pas une charge disproportionnée ou indue apportée, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'Homme et de toutes les libertés fondamentales.
La loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin s'applique aux personnes présentant un handicap auditif ; un handicap intellectuel ; un handicap mental ou handicap psychosocial ou handicap psychique ; un handicap moteur ; un handicap visuel ; un handicap sensoriel ; une infirmité motrice cérébrale ; des troubles de la communication verbale et écrite. « La déficience est constatée par un médecin spécialiste agréé qui indique la nature de la déficience el le degré d'incapacité. La constatation de la déficience donne droit à une carte appelée "carte d'égalité des chances" sur demande de la personne handicapée », prévoit le législateur dans l’article 17 de la loi.
Une carte, pas un pass !
La personne en situation de handicap, titulaire de la carte d'égalité des chances, bénéficie des droits et avantages en matière d'accès aux soins de santé, de réadaptation, d'aide technique et financière, d'éducation, de formation professionnelle, d'emploi, de communication, d'intégration sociale, de transport, d'habitat, de cadre de vie, de sport, de loisirs, de culture et des arts, de participation à la vie publique et politique, d'aide en situation de risque et d'urgence, de protection et de promotion ainsi qu'à tout autre avantage susceptible de contribuer à la protection et à la promotion des droits des personnes handicapées. C’est la jouissance de tous ces avantages qui a été organisée par les cinq décrets d’application adoptés mercredi 21 juin dernier en Conseil des ministres. La carte d'égalité des chances est délivrée par le ministre en charge des personnes handicapées, en l’espèce, la ministre des Affaires sociales, après avis conforme de la commission interministérielle mise en place par l’un des décrets. La loi et les décrets adoptés vont favoriser une meilleure inclusion des personnes handicapées. D’ailleurs, la loi portant protection et promotion des droits des personnes handicapées précise en ses articles 20 et 66 « L'Etat garantit à la personne handicapée, par des aménagements raisonnables, l'accès aux soins médicaux nécessaires à sa santé physique et mentale… L'Etat veille à la réadaptation et à l'intégration professionnelle de la personne handicapée ». Par ailleurs, conformément à l’article 19, la personne qui assiste une personne handicapée à grands besoins de soutien, bénéficie aussi d'allocations, d'appuis techniques et d'assistance humaine en vue de lui permettre d'assurer au mieux sa mission d'assistance. Mais, attention! Avis aux imposteurs qui, enviant ces multiples avantages, simuleraient un handicap ! L’article 73 de la loi est assez dissuasif. Quiconque simule le handicap pour bénéficier des droits y afférents ; fait de fausses déclarations pour bénéficier des avantages fiscaux et financiers prévus au profit des personnes handicapées est puni d'un emprisonnement de trois mois à trente-six mois et d'une amende de cent mille francs à deux millions de francs Cfa. Même sort pour qui délivre indûment une carte d'égalité des chances ou une fausse pièce donnant lieu aux avantages reconnus à la personne handicapée.
A la barre !
La discrimination fondée sur le handicap s’entend comme tout acte d'exclusion, de distinction ou de restriction pouvant causer une réduction des chances ou un préjudice aux personnes handicapées y compris le déni d'aménagements raisonnables. Le chapitre IV de la loi n° 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin est justement consacré aux dispositions pénales afférentes.
Il en ressort que le rejet de candidature d'une personne handicapée, du fait de son handicap, à un emploi public ou privé qui lui est accessible, est puni d'une amende de cinq cent mille francs à deux millions de francs Cfa. Subséquemment, toute publication d'offre d'emploi qui comporte des critères discriminatoires préjudiciables aux personnes handicapées est sanctionnée de la même amende. Toute personne qui refuse de prendre les dossiers ou d'inscrire la personne handicapée lors d'un recrutement ou d'un appel d'offres du fait de son handicap est punie d’une amende de deux cent mille à cinq cent mille francs Cfa. Toutefois, le recrutement dans les emplois ou les corps de métiers spécifiques nécessitant des aptitudes physiques et des facultés sensorielles particulières avérées, y déroge. Le législateur protège également les droits des personnes handicapées en milieux académique et professionnel. « Est puni d'un emprisonnement de trois (03) mois à six (06) mois et d'une amende de cinquante mille (50 000) à deux cent mille (200 000) francs Cfa ou de l'une de ces deux peines seulement, le responsable de l'établissement scolaire, professionnel ou universitaire qui refuse I ‘accueil ou l'inscription de personne handicapée », indique l’article 74 de la loi. La loi protège la vie et l’intégrité physique des personnes handicapées. Ainsi, la non déclaration de naissance à l'état civil d'un enfant handicapé entraîne une amende allant de cinquante mille à deux cent mille francs Cfa pour le père ou la mère. L'agent de santé ayant assisté la mère au cours de la délivrance et qui se rendrait complice de cette infraction est puni de la même peine. En outre, l’article 77 de la loi portant protection et promotion des droits des personnes handicapées stipule : « Quiconque harcèle ou abuse sexuellement, séquestre ou exploite, exerce des violences et maltraitance, viole ou tente de violer, incite à l'avortement ou pratique des mutilations génitales féminines sur une personne handicapée, est puni d'un emprisonnement de six mois à vingt-quatre mois et d'une amende d'un million à trois millions de francs Cfa ». Lorsque les faits entraînent une incapacité temporaire d'un jour à vingt jours, la peine d’emprisonnement est d'un an à quatre ans et l’amende de deux millions à cinq millions. Lorsque les faits entraînent une incapacité de plus de vingt jours ou la mort de la personne handicapée, la peine est la réclusion criminelle à perpétuité et une amende de dix millions à vingt millions de francs Cfa. A infraction extrême, sanction extrême. Ainsi : « Est puni de la réclusion criminelle à perpétuité et d'une amende de dix millions à vingt millions de francs Cfa, quiconque prive une personne handicapée de son droit à la vie, du fait de son handicap », peut-on lire à l’article 78 de la loi. Etant un être humain jouissant de tous les droits humains, la vie de la personne en situation de handicap est tout aussi sacrée et inviolable. Sa vie privée est protégée et toute personne qui s'immisce arbitrairement dans la vie privée d'une personne handicapée ou qui viole le secret de ses correspondances et de ses communications ou qui porte atteinte à son honneur, est punie conformément au code du numérique ■