La Nation Bénin...
Préoccupé par la crise du dialogue social dans le secteur éducatif au Bénin, l’Union nationale des travailleurs du Bénin, à travers son secrétaire général s’est penchée sur la question. C’est grâce à un ouvrage récemment publié qu’Emmanuel Zounon a abordé la question dans la deuxième partie de son ouvrage en procédant à un diagnostic de cet instrument et en proposant des pistes pour un dialogue social responsable et un meilleur pilotage du système éducatif.
L’école béninoise est malade. Parmi les causes de ce malaise figure en bonne place la crise du dialogue social dans le secteur éducatif. Cette dernière est due aussi bien au gouvernement qu'aux syndicats d’enseignants.
Dans son diagnostic, Emmanuel Zounon, secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Bénin, révèle dans son ouvrage intitulé «40 ans de lutte ouvrière : l’audace», qu’à la base de la crise du dialogue social dans le secteur de l’éducation, chacun des acteurs a sa part de responsabilité même s’il faut reconnaître l’influence d’autres facteurs.
Politisation du mouvement syndical
Au niveau des syndicats d’enseignants, il note que «le mouvement syndical souffre d’un mal dont les manifestations» sont multiples. Il mentionne l’attachement de certaines organisations de travailleurs à «l’idéologie communiste prônant la prise du pouvoir d’Etat par une insurrection populaire». Elargissant son analyse, il indique que cela débouche sur une politisation à outrance du mouvement syndical. Ce qui l’amènera à dénoncer une certaine relation incestueuse entre certaines organisations syndicales et la classe politique. L’autre phénomène qui marque le monde syndical au Bénin, c’est la division syndicale qui conduit à la création de «micro-syndicats qui se livrent une guerre» aux dépens des intérêts des travailleurs. Cette fragmentation a généré au seul niveau de l’éducation «160 organisations syndicales», se désole Emmanuel Zounon.
Cette fragmentation tire également sa source de la guerre de leadership entre organisations syndicales et de la concurrence à outrance. Par ailleurs, il reproche aussi aux syndicats leur mauvaise perception de la liberté syndicale. «Au Bénin, la liberté syndicale se conjugue en grèves à répétition dont la durée varie entre deux et huit mois au grand mépris des fondamentaux du droit syndical et de l’intérêt général de la nation», souligne-t-il.
Au niveau gouvernemental, le secrétaire général de l’UNSTB souligne le non-respect des engagements, l’intention belliqueuse et la tendance à la caporalisation. A cela, il faut ajouter «l’absence de solidarité gouvernementale ou la guerre froide entre l’ex-Primature et le ministère du Travail au sujet de la tutelle du Cadre de concertation et de négociation entre les centrales et le gouvernement».
La conséquence de cet état de choses, c’est la crise du dialogue social. Elle se manifeste à travers la tension sociale permanente et récurrente et une propension à l’utilisation de la grève comme seul moyen de règlement des conflits sociaux. C’est ce qu’Emmanuel Zounon appellera une faiblesse notoire de la négociation collective et du dialogue social devenu difficile avec la perte de confiance de part et d’autre, c’est-à-dire la méfiance réciproque entre dirigeants syndicaux et gouvernement.
Autres facteurs de la crise
A ces causes liées au gouvernement et aux syndicats, il faut ajouter d’autres générées par le flou juridique régnant autour du concept du dialogue social. Ce flou est au double niveau conceptuel, organique ou structurel.
A ce sujet, Emmanuel Zounon déplorera la multitude de textes législatifs et réglementaires de la pratique du dialogue social au Bénin. Il fait observer qu’en dehors des arrêtés relatifs à l’institutionnalisation de comités ou conseils sectoriels pour le dialogue social, aucun autre texte «ne permet de cerner avec précision le concept du dialogue social». Pourtant, le Bureau international du Travail définit le dialogue social comme «un processus incluant toutes les formes d’échanges d’information, de concertation, de consultation et de négociation collective sur les problèmes de politique économique et sociale concernant le monde du travail».
Au niveau organique, il faut retenir que malgré l’existence légale de cadres de relations professionnelles non conflictuelles à titre consultatif et de négociation, les cadres de promotion de dialogue social ont notamment un «caractère beaucoup plus curatif que préventif». De même, les acteurs ne sont pas bien cernés.
Diverses difficultés
En outre, le Conseil sectoriel du Dialogue social (CSDS) fait face à diverses difficultés. Les premières identifiées par l’UNSTB ont trait à la réalisation du consensus. A ce sujet, il mentionne que le nombre de partenaires sociaux aux négociations, la diversité des idéaux défendus par chacun et la démarche de chaque organisation pour aborder les négociations ne sont pas de nature à rendre aisée la réalisation du consensus autour des questions abordées. De même, relève Emmanuel Zounon, le CSDS est perçu comme une chambre d’enregistrement des revendications par les syndicats, car des revendications exprimées depuis 10 ans demeurent non satisfaites. Cet organe ne dispose pas de secrétariat permanent. Cette situation pose le problème de défaut de coordination des activités du CSDS et de la communication interne. Toutes choses qui auraient été plus efficientes si l’organe de dialogue avait été doté d’un secrétariat permanent pourvu de personnel, de matériel technique et de ressources financières pour appuyer les actions de la direction des ressources humaines.
Des approches de solutions
Il importe d’utiliser la grève à bon escient dans le seul but d’amener le partenaire à la table de négociations le plus rapidement possible. Ainsi, dès que les négociations s’ouvrent sous de bons auspices, le travail peut reprendre. Dans la logique d’une nouvelle approche de l’action syndicale, il suggère que soient adoptées d’autres méthodes de lutte. A ce titre, il parle du plaidoyer qui est une action pour une adhésion à la revendication professionnelle et du lobbying qui constitue, selon lui, des actions des groupes d’intérêts qui font pression sur l’employeur.
Au regard des dérives notées, il estime que le mouvement syndical est très mal perçu. Il faut qu’il y ait une nouvelle appréhension du mouvement syndical. Cela permettra de l’utiliser à bon escient. D’un point de vue général, insiste Emmanuel Zounon, le syndicat n’est pas seulement créé pour la revendication des droits. Selon lui, son existence vise d’abord à «veiller au bon accomplissement des devoirs vis-à-vis de la communauté avant toute revendication».
Rappelant la multiplicité de syndicats, 160 au total, au niveau du secteur éducatif au Bénin, il trouve qu’il est très important que les syndicats de l’Education nationale évoluent vers une Fédération pour oeuvrer en faveur de leurs revendications. Pour le compte de la communauté, ils doivent également mener des actions en faveur de la réussite des apprentissages, gage d’un système éducatif performant.
Au sujet du dialogue social, l’UNSTB suggère que «le souci de la qualité du système éducatif de même que la défense des intérêts matériels, moraux et professionnels des enseignants soient les préoccupations phares des partenaires sociaux et des cadres des ministères des enseignements lors des séances des Conseils Sectoriels pour le Dialogue Social (CSDS)». Car, l’on observe que «la priorité semble être donnée aux jetons de présence au détriment des réels problèmes du monde éducatif». Ainsi, on pourra atteindre les objectifs de création des CSDS à savoir «régler et anticiper les problèmes du monde éducatif en permettant des échanges fructueux grâce aux propositions d’approches de solutions soumises aux autorités compétentes». Les grèves, estime-t-il, seront ainsi réduites.
En direction du gouvernement, l’UNSTB propose qu’il joue convenablement sa partition. Notamment, il ne doit plus laisser traîner les revendications sur lesquelles l’accord a été obtenu avec ses partenaires sociaux que sont les centrales syndicales. Cette diligence aura le mérite d’éviter au secteur éducatif les mouvements de débrayage dont le dernier remonte à 2014 avec les résultats catastrophiques enregistrés aux divers examens au BEPC et au BAC. Selon le secrétaire général, cette diligence fera renaître la confiance entre les syndicats de l’enseignement et le gouvernement.
Par ailleurs, il souhaite qu’il y ait de réelles réformes à court et à moyen termes tant dans la gestion pédagogique que dans le pilotage du système.