La Nation Bénin...
Sur les réseaux sociaux, une publication vidéo affirme que
l’opération Barkhane au Mali a coûté deux millions d’euros par jour pendant 9
ans et qu’à sa fin, le pays n’a pas eu un seul hélicoptère de la France. Elle
est partagée dans des groupes WhatsApp au Bénin depuis le 30 octobre dernier.
L’équipe de fact-checkers de « La Nation » a effectué des vérifications dont
voici la teneur.
C’est un montage vidéo de 1 min 24 qui met en cause
l’action militaire de la France au Mali et salue, à l’inverse, la coopération
militaire entre Bamako et Moscou. Dans la séquence publiée le 30 octobre
dernier dans des groupes WhatsApp, l’on voit trois images simultanément.
D’abord, une inscription qui dit ceci : « grâce à Poutine le Mali est devenu le
pays le plus puissant de la zone Cedeao ». Ensuite, une autre vidéo incrustée
montre des engins de guerre en action, laissant croire qu’ils ont été nouvellement
acquis grâce à la coopération russo-malienne. Pour finir, la troisième image
est une photo sur laquelle l’on voit le président russe, Vladimir Poutine
recevoir son homologue malien Assimi Goïta. Les deux hommes s’avancent, l’un
vers l’autre, pour la poignée de main.
La voix off de la vidéo, celle d’un homme, martèle que
l’opération Barkhane avait coûté deux millions d’euros (1,3 milliard francs
Cfa) par jour, pendant neuf ans, et qu’à sa fin, la France n’a donné aucun
avion au Mali. « Aujourd’hui, vous voyez le nombre d’aéronefs que nous avons pu
acquérir en moins de deux ans sur nos ressources propres au moment où le pays
est sous sanctions, sous embargo et presque seul », affirme la voix off. « Mais
il fallait, poursuit-la voix, sortir de ces accords, sinon on n’allait jamais
pouvoir en arriver (…) ».
Propos authentiques
Grâce à des confrères maliens, nous avons pu identifier la voix off de la vidéo. Il s’agit d’Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Il a tenu ces propos lors de la conférence qu’il a animée, samedi 12 août 2023 à l’hôtel Millenium, à l’occasion du lancement des activités annuelles de la Coordination nationale des clubs Rotaract et Interact du Mali. Son intervention avait porté sur le thème : « L’action diplomatique malienne, quelle stratégie pour une politique étrangère plus forte et avantageuse ? ». L’intégralité de son speech est publiée sur la page Facebook du ministère.
Dans cette vidéo de 57 min 34, Abdoulaye Diop semble
affirmer, en substance, que malgré les budgets faramineux de Barkhane, la
France n’est pas parvenue à aider le Mali à lutter contre le terrorisme. Pour
être certain que c’est bel et bien l’esprit de sa déclaration sur l’opération
Barkhane, nous avons contacté le service de presse du ministère, mais notre
demande est restée lettre morte depuis une semaine jusqu’à la mise sous presse
de cet article.
Les clarifications de la France
En réponse à nos préoccupations, Paris a partagé avec nous le rapport d’information d’avril 2021 de l’Assemblée nationale française, sur l’opération Barkhane « financée par l’Etat français uniquement ». Le document affirme que « le bilan de Barkhane est incontestablement positif » et ne manque pas d’établir les surcoûts complets de la mission, de 2014 à 2020. Il ressort de la lecture du tableau que Barkhane a franchi exactement la barre de deux millions d’euros par jour, à partir de 2018. En 2020, elle a atteint environ 2,4 millions d’euros par jour. Mais la somme des coûts, de 2014 à 2020, fait environ 1,88 million d’euros par jour, soit à peu près 1,22 milliard francs Cfa à 2020.
Tableau extrait du rapport de l’Assemblée nationale
Il n’y a également pas eu de «cession d’hélicoptère/avion par les armées françaises au profit du Mali ». Paris affirme que « le format et le volume de l’opération Barkhane ont été déterminés en coordination avec les autorités maliennes afin de répondre au plus juste à leurs demandes et besoins ».
En revanche, les autorités françaises informent que leurs
armées « effectuent régulièrement des cessions de matériels au profit de leurs
partenaires, en cédant du matériel qui correspond aux demandes et aux besoins
des armées partenaires (…) ». Elles soulignent aussi que la France a cédé de
nombreux matériels au profit des forces armées maliennes dont, entre autres,
«quatre unités légères de reconnaissance et d’intervention (Ulri) dans le
Liptako-Gourma (Gao/Ménaka/Gossi) avec des pick-up, des motos, des moyens de
transmission et des équipements de protection individuels notamment et le camp
de Labbezanga construit par la France ».
Verdict
Au regard de tout ce qui précède, les propos d’Abdoulaye Diop selon lesquels l’opération a coûté deux millions d’euros par jour et la France n’a offert aucun avion au Mali au terme de Barkhane, sont à relativiser.