La Nation Bénin...

Afghanistan: L’Onu crée un mécanisme d’enquête sur les violations des droits humains

International
La décision du Conseil intervient alors que l’Afghanistan traverse une profonde crise humanitaire, aggravée par des catastrophes naturelles et de nouvelles restrictions  imposées par les talibans La décision du Conseil intervient alors que l’Afghanistan traverse une profonde crise humanitaire, aggravée par des catastrophes naturelles et de nouvelles restrictions imposées par les talibans

Le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu a adopté, lundi 6 octobre, une résolution qualifiée d’« historique » par nombre d’observateurs. Celle-ci établit un mécanisme indépendant chargé de rassembler et de préserver les preuves des violations des droits humains commises en Afghanistan, aussi bien par les talibans que par d’autres acteurs, afin de préparer d’éventuelles poursuites devant des juridictions nationales ou internationales.

Par   Catherine Fiankan-Bokonga, Correspondante accréditée auprès de l’Office des Nations Unies à Genève (Suisse), le 07 oct. 2025 à 09h20 Durée 3 min.
#Afghanistan #Onu

Proposée par l’Union européenne et soutenue notamment par la Norvège, la Corée du Sud et l’Ukraine, la résolution du Conseil des droits de l’Homme a été adoptée par consensus. Elle crée l’un des dispositifs d’enquête les plus ambitieux jamais mis en place par l’Onu, comparable à ceux déjà établis pour la Syrie et le Myanmar. L’objectif est de briser le cycle de l’impunité qui perdure depuis des décennies en Afghanistan, où les talibans, mais aussi des responsables de l’ancien gouvernement, des chefs de guerre et des forces internationales, ont été accusés de violations graves sans être traduits en justice.

Au cœur des préoccupations figure la répression des femmes et des filles depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Selon les données les plus récentes de l’Onu, plus de 2,2 millions de filles sont interdites de scolarité au-delà du primaire, et jusqu’à sept millions d’enfants sont privés d’éducation en raison des restrictions imposées par les autorités de facto ou d’autres obstacles socio-économiques. Cette politique est qualifiée de « persécution » et même d’«apartheid de genre » par des responsables onusiens et des militantes afghanes.

Le mécanisme se concentrera sur ces violations, mais aussi sur d’autres crimes internationaux, tels que les tortures, les disparitions forcées et les persécutions politiques. Il travaillera en coopération avec la Cour pénale internationale (Cpi), qui a déjà émis des mandats d’arrêt contre deux hauts responsables talibans pour « persécution fondée sur le genre ».

Pays sous pression humanitaire et politique

La décision du Conseil intervient alors que l’Afghanistan traverse une profonde crise humanitaire, aggravée par des catastrophes naturelles et de nouvelles restrictions imposées par les talibans. Le 31 août, un séisme de magnitude 6+ a frappé les provinces de Nangarhar et Kunar, faisant plus de 2150 morts et détruisant des infrastructures vitales – écoles, centres de santé, réseaux d’eau, d’électricité et de télécommunications.

Selon l’Onu, près de 498 800 personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence dans les zones touchées. Un plan de réponse ciblant 456 000 personnes dans les régions les plus gravement affectées a été lancé pour un montant de 139,6 millions de dollars, afin de fournir une aide vitale entre septembre et décembre 2025.

Cette catastrophe est venue aggraver une situation déjà dramatique : plus de 75 % de la population vit au seuil de subsistance, et les financements internationaux pour l’aide humanitaire ont été réduits de près de 50 % cette année. Les restrictions imposées aux femmes, notamment leur exclusion du travail dans les Ong et certaines agences de l’Onu, entravent également la fourniture de l’aide.

 

Coupure des télécommunications

La crise humanitaire s’est doublée d’une mesure inédite qui a accentué l’isolement du pays. Lundi 29 septembre au soir, sans préavis, les autorités talibanes ont ordonné l’interruption des réseaux mobiles et d’Internet, plongeant l’Afghanistan dans un black-out numérique inédit depuis leur retour au pouvoir en 2021.

Les services ont été rétablis mercredi, après 48 heures de paralysie des communications qui ont désorganisé les affaires et coupé des millions d’Afghans du reste du monde. Cette coupure massive est intervenue quelques semaines après que le régime avait commencé à restreindre l’accès à Internet haut débit dans certaines provinces pour des motifs d’« immoralité », sur ordre du leader suprême Hibatullah Akhundzada.

Cet épisode illustre le durcissement du contrôle des autorités sur la liberté d’expression et les moyens de communication. Il a renforcé les appels des Ong à un mécanisme indépendant capable de documenter non seulement les crimes graves, mais aussi les politiques répressives quotidiennes qui touchent la population.

Urgence de l’action

Roza Otunbaïeva, représentante spéciale du secrétaire général de l’Onu pour l’Afghanistan, a décrit le pays comme confronté à « une tempête parfaite » mêlant effondrement économique, crise humanitaire et répression idéologique. « Une génération est en danger d’être sacrifiée, avec un coût à long terme énorme pour le pays », a-t-elle prévenu.

Malgré la crise budgétaire que traverse l’Onu, le secrétaire général, Antonio Guterres, a été appelé à mettre en œuvre rapidement le nouveau mécanisme pour collecter et préserver les preuves. Pour ses partisans, ce dispositif est essentiel pour rompre le cycle de l’impunité qui a nourri les violations passées et actuelles.

« L’adoption par consensus montre qu’il n’y a pas de place pour une justice à deux vitesses ni pour une hiérarchie entre les victimes», a souligné Mme Abbasi. Pour les Ong et de nombreux États, cette décision représente un signal adressé aux victimes et à leurs familles: « leurs souffrances ne sont ni invisibles ni effaçables.» On estime qu’entre 1978 et 2001, au moins deux millions de personnes ont été tuées ou blessées en raison du conflit.

Catherine Fiankan-Bokonga