La Nation Bénin...
Le
Conseil des droits de l’Homme de l’Onu a adopté, lundi 6 octobre, une
résolution qualifiée d’« historique » par nombre d’observateurs. Celle-ci
établit un mécanisme indépendant chargé de rassembler et de préserver les
preuves des violations des droits humains commises en Afghanistan, aussi bien
par les talibans que par d’autres acteurs, afin de préparer d’éventuelles
poursuites devant des juridictions nationales ou internationales.
Proposée
par l’Union européenne et soutenue notamment par la Norvège, la Corée du Sud et
l’Ukraine, la résolution du Conseil des droits de l’Homme a été adoptée par
consensus. Elle crée l’un des dispositifs d’enquête les plus ambitieux jamais
mis en place par l’Onu, comparable à ceux déjà établis pour la Syrie et le
Myanmar. L’objectif est de briser le cycle de l’impunité qui perdure depuis des
décennies en Afghanistan, où les talibans, mais aussi des responsables de
l’ancien gouvernement, des chefs de guerre et des forces internationales, ont
été accusés de violations graves sans être traduits en justice.
Au
cœur des préoccupations figure la répression des femmes et des filles depuis le
retour au pouvoir des talibans en août 2021. Selon les données les plus
récentes de l’Onu, plus de 2,2 millions de filles sont interdites de scolarité
au-delà du primaire, et jusqu’à sept millions d’enfants sont privés d’éducation
en raison des restrictions imposées par les autorités de facto ou d’autres
obstacles socio-économiques. Cette politique est qualifiée de « persécution »
et même d’«apartheid de genre » par des responsables onusiens et des militantes
afghanes.
Le mécanisme se concentrera sur ces violations, mais aussi sur d’autres crimes internationaux, tels que les tortures, les disparitions forcées et les persécutions politiques. Il travaillera en coopération avec la Cour pénale internationale (Cpi), qui a déjà émis des mandats d’arrêt contre deux hauts responsables talibans pour « persécution fondée sur le genre ».
Pays sous pression humanitaire et politique
La
décision du Conseil intervient alors que l’Afghanistan traverse une profonde
crise humanitaire, aggravée par des catastrophes naturelles et de nouvelles
restrictions imposées par les talibans. Le 31 août, un séisme de magnitude 6+ a
frappé les provinces de Nangarhar et Kunar, faisant plus de 2150 morts et
détruisant des infrastructures vitales – écoles, centres de santé, réseaux
d’eau, d’électricité et de télécommunications.
Selon
l’Onu, près de 498 800 personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence
dans les zones touchées. Un plan de réponse ciblant 456 000 personnes dans les
régions les plus gravement affectées a été lancé pour un montant de 139,6
millions de dollars, afin de fournir une aide vitale entre septembre et
décembre 2025.
Cette
catastrophe est venue aggraver une situation déjà dramatique : plus de 75 % de la
population vit au seuil de subsistance, et les financements internationaux pour
l’aide humanitaire ont été réduits de près de 50 % cette année. Les
restrictions imposées aux femmes, notamment leur exclusion du travail dans les
Ong et certaines agences de l’Onu, entravent également la fourniture de l’aide.
Coupure des télécommunications
La
crise humanitaire s’est doublée d’une mesure inédite qui a accentué l’isolement
du pays. Lundi 29 septembre au soir, sans préavis, les autorités talibanes ont
ordonné l’interruption des réseaux mobiles et d’Internet, plongeant
l’Afghanistan dans un black-out numérique inédit depuis leur retour au pouvoir
en 2021.
Les
services ont été rétablis mercredi, après 48 heures de paralysie des
communications qui ont désorganisé les affaires et coupé des millions d’Afghans
du reste du monde. Cette coupure massive est intervenue quelques semaines après
que le régime avait commencé à restreindre l’accès à Internet haut débit dans
certaines provinces pour des motifs d’« immoralité », sur ordre du leader
suprême Hibatullah Akhundzada.
Cet épisode illustre le durcissement du contrôle des autorités sur la liberté d’expression et les moyens de communication. Il a renforcé les appels des Ong à un mécanisme indépendant capable de documenter non seulement les crimes graves, mais aussi les politiques répressives quotidiennes qui touchent la population.
Urgence de l’action
Roza
Otunbaïeva, représentante spéciale du secrétaire général de l’Onu pour
l’Afghanistan, a décrit le pays comme confronté à « une tempête parfaite »
mêlant effondrement économique, crise humanitaire et répression idéologique. «
Une génération est en danger d’être sacrifiée, avec un coût à long terme énorme
pour le pays », a-t-elle prévenu.
Malgré
la crise budgétaire que traverse l’Onu, le secrétaire général, Antonio
Guterres, a été appelé à mettre en œuvre rapidement le nouveau mécanisme pour
collecter et préserver les preuves. Pour ses partisans, ce dispositif est
essentiel pour rompre le cycle de l’impunité qui a nourri les violations
passées et actuelles.
«
L’adoption par consensus montre qu’il n’y a pas de place pour une justice à
deux vitesses ni pour une hiérarchie entre les victimes», a souligné Mme
Abbasi. Pour les Ong et de nombreux États, cette décision représente un signal
adressé aux victimes et à leurs familles: « leurs souffrances ne sont ni
invisibles ni effaçables.» On estime qu’entre 1978 et 2001, au moins deux
millions de personnes ont été tuées ou blessées en raison du conflit.
La décision du Conseil intervient alors que l’Afghanistan traverse une profonde crise humanitaire, aggravée par des catastrophes naturelles et de nouvelles restrictions imposées par les talibans