La Nation Bénin...
À
l’heure où les crises climatiques, sociales et économiques redéfinissent les
priorités internationales, les 6 et 7 octobre, Genève (Suisse) accueillera le
cinquième « Forum des maires des Nations Unies ». Placée sous le thème « Les
villes façonnent l’avenir », la rencontre ambitionne de faire entendre la voix
des collectivités locales dans les débats mondiaux traditionnellement dominés
par les États. L’exercice témoigne d’un mouvement de fond : le multilatéralisme
s’ouvre désormais aux territoires urbains, devenus des lieux d’innovation mais
aussi de tension face aux défis planétaires.
Si
les maires, en première ligne pour répondre aux urgences sanitaires,
climatiques ou sociales, réclament depuis plusieurs années une place dans la
diplomatie internationale, le Forum de Genève constitue une
institutionnalisation de leur rôle.
Créé en 2020 sous l’égide de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (Cee-Onu), le « Forum des maires » vise à renforcer la cohérence entre les niveaux local, régional et global de la gouvernance urbaine. Plus de 160 villes ont déjà participé à ses réunions annuelles, qui favorisent le partage de bonnes pratiques et le dialogue entre municipalités, États membres et organisations internationales.
L’objectif est de donner aux villes une voix forte dans le débat multilatéral. Les discussions porteront en particulier sur trois Objectifs de développement durable (Odd) : l’Odd 3 (santé et bien-être), l’Odd 5 (égalité des genres) et l’Odd 8 (travail décent et croissance économique). Les maires aborderont également des enjeux majeurs pour les territoires urbains à savoir, le financement climatique, les examens locaux volontaires, ainsi que les défis liés au logement abordable et durable.
La voix des territoires urbains
La
participation de figures internationales, comme Christina Kitsos, vice-maire de
Genève et présidente du Global Cities Hub, Tatiana Molcean, secrétaire
exécutive de Cee-Onu, et Anaclaudia Rossbach, directrice exécutive
d’Onu-Habitat, illustre l’importance accordée à cette démarche.
L’événement
marque également un rééquilibrage dans la gouvernance mondiale : les villes,
longtemps considérées comme de simples relais des politiques nationales,
deviennent des acteurs capables de peser sur l’agenda international, notamment
sur les enjeux climatiques et sociaux.
Le
8 octobre, la question du logement abordable et durable sera au cœur d’une
réunion ministérielle organisée dans le cadre de la 86ᵉ session du Comité de
l’Unece sur le développement urbain, le logement et l’aménagement du
territoire. Dix ans après l’adoption de la Charte de Genève pour un logement
durable, les ministres devront proposer des actions concrètes pour répondre à
la crise du logement, qui frappe aussi bien les grandes métropoles que les
villes moyennes.
Cette articulation entre débats municipaux et décisions nationales souligne l’interdépendance croissante des échelles de gouvernance. « Sans des villes capables de loger dignement leurs habitants, aucun pays ne peut atteindre les objectifs de durabilité », souligne un expert d’Onu-Habitat.
Vers un nouvel équilibre
L’édition
2025 du Forum des maires illustre la maturation d’un multilatéralisme
polycentrique, où États et villes doivent cohabiter pour affronter des crises
globales qui trouvent souvent leur manifestation la plus aiguë au niveau local.
Cette
évolution soulève toutefois des interrogations : comment articuler les
initiatives des maires avec les stratégies nationales ? Quelle légitimité
accorder aux représentants locaux dans des négociations internationales où
prédomine la souveraineté des États ?
En
donnant un espace à ces acteurs, le Forum de Genève ne se contente pas d’un
échange de bonnes pratiques : il contribue à redessiner la carte du pouvoir
dans la gouvernance mondiale, en faisant des villes des protagonistes
incontournables de l’agenda onusien pour 2030.
Catherine Fiankan-Bokonga
Les organisations internationales face au multilatéralisme