La Nation Bénin...
Le chemin de fer est l’un des modes de transport les plus
anciens et toujours valables. Au fil du temps, il a connu d’énormes progrès
technologiques au point que de nos jours, il existe des trains à grande vitesse
confortables et opérationnels. Son apport au développement économique est
considérable et de nombreux pays au monde en sont conscients, surtout les
côtiers.
Le transport ferroviaire présente des avantages certains.
A ce titre, on peut évoquer une capacité de transport élevée, un impact
environnemental réduit, des coûts potentiellement plus bas pour le transport de
grandes quantités de marchandises sur une longue distance, et une plus grande
fiabilité que certains autres modes de transport. Il favorise les échanges
commerciaux, réduit la pollution de l’air et les émissions de particules fines.
Moins cher et adapté au transport de produits lourds qui endommagent les routes, le chemin de fer est créateur d’emplois et offre plus de sécurité que les routes en ce sens que les accidents ferroviaires sont moins fréquents. Ce sont autant d’atouts qui justifient son maintien, son développement dans nombre de pays au monde, en Afrique en particulier.
Des mouvements ferroviaires dans le monde
En Amérique, en Europe, en Asie et particulièrement en
Chine, son utilité et ses innovations technologiques se passent de
commentaires. Ne voulant pas rester en rade, les pays africains aussi en font,
à juste titre, une préoccupation économique.
La preuve en est le projet de construction de chemin de
fer entre la Tanzanie et le Burundi long de 282 km, voie unique électrifiée à
écartement standard. La Banque africaine de développement débloque à cet effet
700 millions de dollars. Le groupe de la Banque fournira au Burundi 98,62
millions de dollars sous forme de don et 597,79 millions de dollars à la
Tanzanie à titre de prêt et de garantie. Un autre projet ferroviaire reliant la
Tanzanie, le Burundi et le Congo Démocratique est prévu et fait déjà l’objet de
plusieurs accords de financement.
Ce projet tripartite vise l’intégration régionale, le
développement économique, la réduction des coûts de transport, la fluidité
commerciale et la souveraineté logistique.
A l’Est du Bénin, le Nigeria s’active dans la construction de l’axe ferroviaire Niger-Nigeria. Cette interconnexion avec son voisin constitue une étape importante d’un plan à double objectif : reconquérir le trafic perdu au profit des ports des pays frontaliers, notamment celui de Cotonou, et dynamiser les échanges transfrontaliers. Le taux de réalisation actuel est de l’ordre de 61%. Ce projet vient compléter la voie à écartement standard Kaduna-Kano dont les travaux très avancés pourraient s’achever en 2026. Dans ce mouvement prospectif des rails, quelle est la position du Bénin ?
Situation des rails au Bénin
Bien avant les indépendances en 1960, le Bénin autrefois Dahomey dispose du chemin de fer à écartement métrique composé d’une ligne principale Cotonou- Parakou longue de 438 km et de deux lignes secondaires Cotonou-Pobè et Cotonou-Sègbohoué. Il était géré pour le compte du Bénin et du Niger depuis 1930 par l’Organisation Commune Benin- Niger (Ocbn).
Son directeur général a toujours été un Béninois et le
directeur général adjoint un Nigérien. La conception de cette organisation
commune relève de l’esprit que le port de Cotonou est considéré comme étant
aussi celui du Niger, et pendant des décennies le système a bien fonctionné.
Dans le cadre du développement de cette voie ferrée, et pour faire face à certaines difficultés, le Benin et le Niger ont signé en novembre 2013 un protocole d’entente pour la réalisation d’une ligne ferroviaire reliant Cotonou à Niamey. A terme, ce projet auquel le groupe Bolloré participe en tant que partenaire stratégique, devrait relier Cotonou à Abidjan via Niamey et Ouagadougou, soit près de 3000 km au total.
Ce projet financé
par l’homme d’affaires français et
visant à construire une ligne de 574 km reliant Niamey à Parakou, devrait être
achevé en 2018. Une partie de ce trajet entre Niamey et Dosso (Niger) a été
construite mais n’a jamais été mise en service. L’interruption des travaux de
construction de cette voie ferrée entre les deux pays, relève de différends sur
le maître d’œuvre.
Le Niger soutient le partenaire français Bolloré, tandis
qu’au Bénin, la société Pétrolin se plaint d’avoir été le seul soumissionnaire
et a saisi le tribunal. A la suite d’une décision de justice du 19 novembre
2015, Bolloré a dû arrêter les travaux au Bénin, et le 29 septembre 2017, la
cour suprême a rejeté son recours.
C’est alors que le gouvernement béninois a proposé comme
alternative un groupement des deux entreprises ou la China Railway Construction
Corporation (Crcc). Des contacts auraient été pris avec cette compagnie
chinoise qui va certainement se manifester d’un moment à l’autre, si les
négociations sont concluantes. Dans le cas contraire, il va falloir recourir
aux institutions financières internationales ou définir de nouvelles bases de négociations
avec le groupe Bolloré et la société Pétrolin. Ainsi seront apaisées les
inquiétudes et les interrogations incessantes des Béninois par rapport à
l’avenir des rails dans leur pays.
Nécessité et utilité de la rénovation des rails
En effet, aucune stratégie ou politique économico-sociale
ne saurait justifier la probable disparition ou la mise en berne de la voie
ferrée au Bénin, un pays côtier de surcroit, disposant d’un port maritime, en
ce moment où les réformes en cours sont de nature à susciter le décollage
économique.
Il est évident que ce mode de transport est un des
vecteurs du développement, comme l’attestent les projets intégrationnistes au
niveau des pays africains ci-dessus cités. Le cas du Nigéria qui est en voie de
se connecter au Niger ne saurait laisser indifférent le Bénin qui risque de
perdre définitivement le trafic destiné à Niamey, si les précautions et mesures
appropriées ne sont pas prises au moment opportun.
Il s’avère alors nécessaire qu’une attention particulière
soit accordée au corridor ferroviaire Cotonou-Niamey. Il s’agira de relancer ce
projet d’intégration régionale en cherchant son financement partout où les
conditions sont favorables. En général, et comme le prouve le projet tripartite
Tanzanie, Burundi, République Démocratique du Congo, les institutions
financières internationales, chinoises et arabes sont favorables au financement
des projets régionaux du genre, impactant deux ou plusieurs pays.
La meilleure manière pour le Bénin de garder le trafic du Niger passant par le port de Cotonou est de mettre tout en œuvre pour réaliser le plus tôt possible le corridor ferroviaire Cotonou- Niamey. A défaut de le faire, le Niger préfèrerait utiliser la voie ferrée Kano- Maradi en cours de construction.
Proposition d’un nouveau projet de connexion ferroviaire
régional
Pour compléter le corridor Cotonou- Niamey, le Bénin peut initier conjointement avec le Nigeria la connexion ferroviaire entre Parakou et Abuja, les deux villes étant situées sur la même altitude. Elle permettra de convoyer depuis le port de Cotonou les marchandises destinées au Nord du Nigeria. Ses avantages sont, entre autres, la rapidité et la sécurité des biens pour les commerçants nigérians de Kano et d’autres villes commerciales du septentrion. Du côté béninois, c’est l’accroissement de la rentabilité du port de Cotonou. N’étant pas riche en ressources naturelles du sous-sol, le Bénin gagnerait à promouvoir les services.
Il est d’une
nécessité impérieuse que le chemin de fer soit rénové. Dans cette perspective,
des dispositions devront être prises pour le maintien et la sécurisation des
espaces et patrimoines appartenant à la voie ferrée du Sud au Nord et dans le
plateau.
Nostalgiques du passé, nombreux sont les Béninois qui
souhaitent et espèrent entendre encore le sifflement du train ancré dans leurs
habitudes, et profiter des emplois qui en seront créés, en ce moment où le
chômage constitue un défi à relever.
Il est alors souhaitable que la rénovation de la voie ferrée soit une préoccupation pour les candidats à la prochaine élection présidentielle en 2026, par son inscription dans leurs projets de société et qu’elle figure en bonne place dans le programme d’action du nouveau gouvernement issu de ladite élection. Le chemin de fer est un acquis important, un patrimoine national qu’il faudra coûte que coûte préserver et moderniser au Bénin. Il en sera ainsi par la grâce de Dieu.
*Ambassadeur, spécialiste des questions internationales
Jean-Pierre A. Edon