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Solidarité et développement: Plaidoyer pour la promotion de l’attelage

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Candide Ahouansou Candide Ahouansou

Le développement économique d’un pays est le fruit  du labeur de tout un peuple et la solidarité rapproche les composantes de ce peuple. Quoi de plus naturel alors que ces deux notions  s’attirent et s’interdépendent ?

Par   Candide Ahouansou, le 11 juin 2025 à 07h55 Durée 3 min.
#Développement

Le développement bien perçu ne saurait passer pour n'être qu'acte du gouvernement notamment aux yeux du citoyen moyen . Il est vrai en effet,  que  sans sentiment de participation de quelque manière du peuple dans son ensemble à l’œuvre  du développement de son pays, il se crée insidieusement dans  l'esprit de ce dernier et sans qu’il s’en doute, une dichotomie qui finit par faire  de lui, un spectateur  sans plus jamais se sentir acteur dudit  développement . Il se retrouve ainsi par la force des choses, étranger dans son propre pays  et cela est désastreux.  Pour contrarier une  telle situation, l’Etat ne pourrait-il pas promouvoir  systématiquement  l’attelage intégrateur développement - solidarité  ?

Les contours sociopolitiques  de notre développement économique

Il me  souvient que dans les années 1960 , aux lendemains des indépendances de bon nombre d’Etats africains, les termes consacrés  pour  désigner , avec un tantinet de condescendance il est vrai, ces nouveaux venus sur la scène internationale  étaient '’ les pays sous développés '’. Puis chemin faisant, les esprits évoluant et  le vocabulaire leur emboîtant le pas, Ils sont devenus ‘’ des pays en voie de développement ‘’.  De l’autre côté, le terme d’usage pour les pays économiquement avancés était la croissance pour mesurer les performances qu’ils réalisaient déjà. Cette discrimination terminologique se justifiait en ce sens que la première catégorie de pays en était encore à la phase du décollage mobilisant toutes ses ressources et son capital humain pour y parvenir dans une  œuvre d’ampleur globale en termes de matières et  populaire en termes d’acteurs. C’est ainsi, pensons-nous qu’il convient d’appréhender la consistance du concept  développement; et l’on sait que le développement ne peut se faire  sans que les citoyens  se serrent les coudes autour de la tâche commune.Et  cela, c’est la solidarité. Le développement bien perçu est donc en lien fonctionnel avec la solidarité. Ce n’est pas pour rien que les Nations Unies promeuvent l’idée d'un développement humain mettant de telle manière l’emphase sur les aspects sociaux  et partant, solidaires du processus.   

Le parcours  de la valeur solidarité dans notre système politique

Autant qu’il m'en souvienne, c'est  le Président Boni Yayi qui a introduit pour la première fois la notion de la solidarité nationale dans l’ossature gouvernementale de notre pays. Ce fut  en l’année  2008 lorsqu’il créa un ministère de la Famille, des Actions sociales, de la Solidarité nationale, des Handicapés et des personnes du troisième âge  . Ainsi ,  et pour la première fois de notre histoire politique , la valeur solidarité fit  son apparition  au niveau de l'Etat. En décembre 2010, le chef de l’Etat renchérit en créant le Haut Commissariat à la solidarité nationale qu’il   dota de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il y avait alors lieu de penser  que  débutait ainsi l' ascension officielle d’une valeur sociale, du reste, déjà ancrée dans nos traditions . Au cours de la seconde mandature du Président Yayi Boni,  la valeur   battit son plein. Eurent alors lieu dans la seule année 2012, l’opération des 120 jours pour équiper nos hôpitaux, l’opération des 100 jours pour équiper nos centres de formation technique, puis la quinzaine de solidarité pour venir en aide aux plus démunis d’entre nous.  En 2013, avait suivi  la campagne des 90 jours de la police baptisée Djakpata  qui bien que d’essence sécuritaire avait  soulevé un mouvement de solidarité populaire pour aider la police à traquer les malfrats . Quatre opérations de solidarité en deux ans. Les choses semblaient donc aller bon train pour cette valeur et nous étions assurés  que c’était le moment idéal pour  la mettre sur le piédestal et aussi  la coupler avec le développement, mais ce ne fut qu’un vœu pieux.  Contre toute attente et en cette même année 2013 de l’opération Djakpata,  le Chef de l’Etat fit marche arrière et  déclassa l’instance pour la placer sous la tutelle du ministère de la  Famille,  des Affaires sociales et de la Solidarité nationale; elle perdit ainsi de fait et tout à la fois sa personnalité juridique et son autonomie financière mais la structure demeurait. Le chef de l’Etat avait dû se rendre compte de son inefficacité  outre le fait que cette instance avait  objectivement l'apparence gênante d’une structure de droit privé à l’intérieur de l’appareil étatique.C’est alors que, ne  faisant pas dans le détail, le Président Talon venu au pouvoir le 16  avril 2016  prit dès le  3 mai 2016  un décret abrogeant celui du Président Boni yayi qui l’avait  créée. La rapidité et la soudaineté de la décision avait , il faut bien le dire,   laissé  pantois  plus d’uns. Mais le Président Talon n’avait fait que donner le coup de grâce à une instance déjà boutée dehors par celui- là même qui l’avait créée.

Quiproquo et ambiguïté d’un terme

Le substantif Solidarité a  la particularité d’être un terme à double connotation selon que l’on appartienne à   la classe aisée , à l’abri du besoin ou à celle défavorisée tirant le diable par la queue ou alors qu’il s’agisse  d’un  gouvernement plus ou moins à droite ou à gauche.

Lorsque l’on fait partie de la classe à l’abri du besoin ou qu’il s’agit d’un régime à  tendance libérale intégrale ou néolibérale, dont la doctrine ne milite pas  particulièrement en faveur de la justice sociale , solidarité consiste à trouver les voies et moyens d’assister les démunis   par devoir afin de garantir la cohésion et la paix sociales.  Et, cela   n'est  fondamentalement pas conforme à la doctrine libérale de non ingérence de l’Etat dans les affaires économiques. L’on comprend alors que solidarité ne soit pas la tasse de thé de cette classe sociale.

Lorsque l’on est de la classe des moins nantis ou qu’il s’agit d'un régime de gauche, l’on est concerné par la  justice sociale et la répartition équitable des richesses du pays.

Deux façons diamétralement opposées de voir la chose. Il demeure cependant que tout régime, quelle que soit son obédience, a besoin de l’élément fédérateur qu’est la solidarité pour se construire. L’on devrait alors pouvoir introduire et promouvoir dans un système d’économie libérale à l’instar de la nôtre, cet élément  d’essence socialiste qu’est la solidarité.  Le '’hautement  social’’ y gagnerait. Le développement est intrinsèquement affaire de solidarité et cette solidarité initiale s’exprime  par le biais des impôts directs et indirects que paient tous les citoyens  de manière solidaire indépendamment de leur classe sociale. 

La solidarité : une responsabilité collective civique

Du point de vue socio politique, la  solidarité devrait être appréhendée  comme étant   une manifestation de  responsabilité collective. Lorsque feu Président John Kennedy clamait: Ne vous demandez pas ce que votre pays peut  faire  pour vous, demandez - vous ce que vous pouvez faire pour votre pays; et lorsqu’en Corée du sud les motocyclistes transportent gratuitement les élèves de parents non aisés pour les amener en salles d’examen le jour du baccalauréat, c’est  la solidarité s’exprimant sous forme de responsabilité collective avec en arrière-plan le développement du pays. Et elle est plus que cela. Ne perdons pas déjà de vue que c’est elle qui était venue à la rescousse  lorsque l’Etat peinait à supporter les charges sociales de la Covid-19. En conclusion de tout ce qui précède, nous devrions retenir que Solidarité bien comprise n’est décidément point un traquenard pour appauvrir les riches et, à leurs dépens, enrichir les pauvres. Elle est au contraire facteur de rapprochement dont a besoin le développement pour se réaliser; aussi serait-il judicieux que des   dispositions incitatives soient prises afin que développement du pays rime avec solidarité nationale et non plus seulement avec actions de gouvernement. Gageons que si  les choses étaient comprises ainsi, le développement de notre pays y gagnerait davantage tant en compréhension qu’en popularité.

Ambassadeur