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Suivi de la performance gouvernementale (Spg): Du modèle logique de référence du système à l’impératif de l’institutionnalisation

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Sylvain Théodule Dégbé Sylvain Théodule Dégbé

Quel que soit le contexte politique dans lequel il est mis en œuvre, le suivi de la performance gouvernementale n’est jamais un exercice isolé. Il est lié à l’action gouvernementale. En d’autres termes, sans action gouvernementale, le suivi de la performance serait sans objet. De même, sans orientations politiques, l’action gouvernementale n’aurait ni ancrage, ni légitimité et serait inappropriée en termes de prise en compte des attentes du public. 

Par   Sylvain Théodule Degbe, le 25 nov. 2025 à 09h12 Durée 3 min.
#performance gouvernementale #Spg

Logiquement, tout part des orientations politiques. Elles guident l'action gouvernementale qui vise, à travers les interventions publiques, à répondre aux attentes des citoyens. Le suivi de la performance gouvernementale permet ensuite d'évaluer dans quelle mesure, l'action gouvernementale est en phase avec lesdites attentes.

En plus d’être logique, cette articulation est cyclique (cf. schéma ci-dessous). En amont du cycle, les orientations politiques fixent le cap, indiquent les objectifs et définissent les priorités politiques. Le gouvernement s’y base, pour agir dans différents domaines en formulant et en mettant en œuvre des politiques publiques avec comme finalité de répondre aux attentes des citoyens. En aval, pour marquer la fin du cycle, intervient le suivi de la performance de ces politiques dont les conclusions doivent démontrer que l’action gouvernementale a effectivement comblé les attentes du public. Un autre cycle reprend, une fois que les conclusions du dernier suivi de performance, sont utilisées pour réviser le contenu des référentiels politiques, assigner de nouveaux objectifs politiques, et/ou redéfinir les priorités politiques.

Schéma du modèle logique de référence du Sspg

Bloc des orientations politiques

 

Le suivi de la performance doit porter sur les réalisations du gouvernement qui agit, lui-même, en tenant compte des orientations politiques pour aligner son action sur les priorités définies par les plus hautes instances décisionnelles de l’État. Les orientations politiques font référence aux principes, aux valeurs et aux idéaux qui guident l’action politique. Elles ont pour vocation d'indiquer aux parties prenantes à la gestion des affaires publiques, les voies à suivre pour répondre aux besoins de la société. Conformément au modèle logique spécifié, les orientations politiques se déclinent en trois (3) éléments: (i) les référentiels politiques; (ii) les objectifs politiques; et (iii) les priorités politiques.

Bloc de l’action gouvernementale

L’action gouvernementale, quel que soit le pays, n’est jamais conduite ex nihilo. Elle est cohérente dans sa conception, avec les orientations politiques, et parfaitement alignée dans sa mise en œuvre, sur les priorités politiques.

L'action gouvernementale est la composante de l'action publique, qui se réfère spécifiquement aux activités et aux décisions du gouvernement en tant qu'organe exécutif du pouvoir d’État. L'action gouvernementale est mise en œuvre par différents ministères conformément à leurs domaines de compétence.

Suivant le modèle logique spécifié, les fonctions essentielles de l'action gouvernementale sont la formulation des politiques publiques et la mise en œuvre des politiques publiques. Ces fonctions sont interdépendantes et contribuent à assurer l'efficacité et la pertinence des politiques publiques dans la résolution des problèmes sociaux et la réalisation des objectifs fixés par le gouvernement.

Bloc des attentes du public

Suivant le modèle logique du Sspg, l’action gouvernementale doit être appréciée à l’aune des attentes des parties prenantes que sont : la Présidence de la République, la Primature, les ministères, les gestionnaires publics, les partenaires techniques et financiers, les acteurs de la société civile et les citoyens. Ces attentes peuvent varier en fonction de considérations d’ordre politique, institutionnel, fonctionnel, personnel ou moral.

Le public attend principalement du gouvernement qu’il soit performant. En d’autres termes, qu’il soit à la fois : (i) transparent, en rendant accessible et compréhensible l'ensemble de ses actions et décisions.; (ii) responsable, en rendant compte de ses performances et de l'utilisation des ressources publiques; (iii) efficient, en utilisant de manière optimale les ressources disponibles pour atteindre les objectifs fixés; (iv) efficace, à travers sa capacité à atteindre les résultats escomptés; (v) intègre, en respectant les principes éthiques et en évitant tout acte de corruption, de favoritisme ou de mauvaise gestion des ressources publiques, (vi) pertinent, en alignant son action sur les besoins réels de la population tels que traduits dans les objectifs de développement; et (vii) crédible, en inspirant confiance à la fois aux citoyens et aux partenaires au développement.

Bloc du suivi de la performance gouvernementale

Le Spg est la composante du modèle qui apporte les preuves de la satisfaction par le gouvernement, des attentes du public.

Le Spg est en effet, mis en œuvre pour déterminer si les politiques gouvernementales sont en conformité avec les besoins et les aspirations des citoyens. S’il tel n’est pas le cas, le Spg met en exergue les lacunes et les inefficacités à l’origine des écarts entre les réalisations du gouvernement et les attentes du public.

Le Spg doit ainsi démontrer ex post, si le gouvernement a été effectivement performant, c’est-à-dire s’il a été transparent, responsable, efficace, efficient, intègre, pertinent et crédible. Le bloc du Spg dans le modèle est décliné en les éléments suivants: (i) les arrangements juridico-institutionnels; (ii) les processus techniques, méthodes, outils et produits; (iii) l’expertise en Spg; et (iv) la communication axée sur la performance. 

Suivi de la performance gouvernementale (Spg) : l’impératif de l’institutionnalisation

Cette partie de l’article est organisée autour des aspects conceptuels et opérationnels de l’institutionnalisation du Spg.

Institutionnalisation du Spg : concept et importance

L'institutionnalisation du suivi de la performance gouvernementale fait référence à un processus complexe par lequel les pratiques de suivi sont intégrées de manière systématique, durable et cohérente au sein des mécanismes de gouvernance et des processus décisionnels. Cette intégration vise à concevoir le suivi de la performance comme un élément fondamental et continu du fonctionnement des institutions gouvernementales et non comme une simple activité accessoire.

Il est à souligner qu’un suivi non institutionnalisé de la performance gouvernementale présente plusieurs inconvénients significatifs qui peuvent nuire à l'efficacité des administrations publiques et à la qualité des services offerts aux citoyens. Au nombre de ces inconvénients, il peut être cité : (i) une absence de normes et de repères ; (ii) une gestion laxiste ; (iii) une faible motivation des ministres et de leurs collaborateurs ; (iv) un risque d’inefficacité et de gaspillage de ressources ; (v) des difficultés d’adaptation aux besoins des citoyens ; (vi) un manque de transparence et de confiance ; (vii) une absence de culture de l’évaluation.

En revanche, un suivi institutionnalisé de la performance gouvernementale crée un cadre d'obligation tant pour les décideurs politiques que pour les gestionnaires publics, renforçant ainsi la responsabilité, la transparence et l'efficacité des administrations. Ce cadre favorise une culture de l'évaluation qui encourage l'apprentissage continu et l'amélioration des pratiques. En fin de compte, cette dynamique contribue à une gouvernance plus efficace et responsable, capable de mieux répondre aux attentes des citoyens et d'améliorer la qualité des services publics.

Institutionnalisation du Spg: objectifs, enjeux et axes opérationnels

En lien avec les développements précédents, deux objectifs principaux sont assignés à l’institutionnalisation du Spg : (i) promouvoir une culture de la performance ; et (ii) accroître la valeur publique. Ces deux objectifs sont cohérents en ce qu’une culture effective de la performance contribue à augmenter la valeur perçue par le public.

Les enjeux sous-jacents sont : (i) l’amélioration de la gouvernance ; (ii) une performance institutionnelle accrue ; et (iii) le renforcement de la participation citoyenne. Ensemble, ces enjeux créent un environnement où l'État peut non seulement s'adapter et se transformer, mais aussi offrir des services de qualité qui améliorent le bien-être général de la population.

En cohérence avec les enjeux mis en évidence ci-dessus, la stratégie globale d’institutionnalisation du Spg peut être concrétisée à travers les axes ci-après : (i) la systématisation ; (ii) la standardisation ; (iii) la revue pré-institutionnelle ; (iv) la légifération ; (v) la formulation de la politique nationale de S&E (Pnse) ; (vi) l’organisation; et (vii) la vulgarisation des pratiques.

Systématisation du Spg

La systématisation du suivi de la performance gouvernementale est le processus de mise en place de méthodes et de procédures standardisées pour la collecte, l’analyse et le rapportage des informations sur la performance. Le produit de la systématisation du Spg est le système global de suivi et d’évaluation des politiques publiques (Sgse).

Comme illustré par la figure ci-dessous, le Sgse est conçu autour de cinq (5) sous-systèmes :  (i) le sous-système de suivi des objectifs nationaux et internationaux de développement (Soni) ; (ii) le sous-système de suivi du cadre macroéconomique et des réformes structurelles (Scmr); (iii) le sous-système de suivi de l’exécution des programmes de dépenses (Sepd) ; (iv) le sous-système d’évaluation d’impact des politiques publiques (Seip); et (v) le  sous-système de suivi de la performance gouvernementale (Sspg).

Ce dernier sous-système étant le système central auquel sont reliés les autres sous-systèmes.

Schéma de l’architecture du Sgse 


Standardisation du Spg

La standardisation est un axe opérationnel fondamental dans l'institutionnalisation du suivi de la performance gouvernementale (Spg). Elle vise à établir des normes, des procédures et des méthodologies uniformes pour garantir la cohérence, la fiabilité et la comparabilité des données collectées et analysées.

Il s’agit en définitive, d’un processus qui se déroule en les cinq (5) étapes décrites ci-dessous.

La première étape de la standardisation consiste à définir des normes claires qui régissent la collecte, l'analyse et la présentation des données de performance.

La deuxième étape permet d’assurer que les données recueillies par différentes entités gouvernementales ou à différents moments sont homogènes et comparables.

La troisième étape consiste à former les agents et les responsables concernés sur les normes tout en mettant à leur disposition les outils appropriés.

La quatrième étape porte sur la mise en place de mécanismes de suivi et de contrôle. Il s’agit d’une étape essentielle pour garantir le respect des normes de standardisation.

La cinquième consiste à faciliter la standardisation à travers des plateformes numériques pour automatiser la collecte et l'analyse des données selon les normes établies.

Revue pré-institutionnelle du Spg

La revue pré-institutionnelle est le tremplin pour bien engager la légifération. En effet, à travers une évaluation de l’existant, cet axe prépare la mise en place sur une base factuelle, du cadre juridique et règlementaire du Spg. Il s’agit d’une démarche proactive permettant d'assurer que le système institutionnalisé de suivi de la performance sera bien adapté aux réalités du terrain, en même temps qu’il répondra aux besoins des citoyens et des institutions. 

Légifération en matière de SPG

La légifération est un axe opérationnel clé dans l'institutionnalisation du suivi de la performance gouvernementale (Spg). En établissant des cadres juridiques clairs et en définissant les rôles et responsabilités, elle assure la légitimité et l'ancrage institutionnel du Spg. Cet axe renforce également la responsabilité, la transparence et la confiance des citoyens envers les institutions publiques, favorisant ainsi une culture de la performance au sein des gouvernements.

Formulation de la politique nationale de suivi et d’évaluation

La politique nationale de suivi et d'évaluation (Pnse) fournit un cadre structuré pour orienter les efforts de suivi et d'évaluation, définir des objectifs clairs et garantir la responsabilisation des institutions publiques. Elle contribue par ailleurs, à renforcer l'efficacité et la transparence des actions gouvernementales. Pour répondre aux attentes, la Pnse doit être accompagnée de mécanismes solides de mise en œuvre, de suivi et de révision, ainsi que d'efforts de communication et de sensibilisation auprès des parties prenantes.

Organisation du Spg

Une structure organisationnelle bien définie permet de coordonner les actions, d'assigner des responsabilités claires et de faciliter la communication entre toutes les parties prenantes. Elle doit s’insérer dans un cadre qui garantit la transparence et la responsabilité au sein des institutions publiques. Par ailleurs, en investissant dans le renforcement des capacités et en adoptant une approche d'amélioration continue, le gouvernement peut s'assurer que le Spg contribue réellement à l'amélioration de ses performances et à la satisfaction des besoins des citoyens.

Vulgarisation des pratiques

La vulgarisation des pratiques est un axe opérationnel fondamental pour l'institutionnalisation du suivi de la performance gouvernementale (Spg). Elle consiste à diffuser et à promouvoir les bonnes pratiques en matière de suivi et d'évaluation, afin de sensibiliser, former et engager les acteurs concernés. Sa finalité est d’instaurer une culture de la performance au sein des institutions publiques. En mettant en œuvre des stratégies de diffusion efficaces, en favorisant les partenariats et en utilisant les technologies modernes, le gouvernement peut encourager l'adoption des bonnes pratiques et renforcer la capacité des acteurs à mettre en œuvre des initiatives de suivi et d'évaluation.

Feuille de route de l’institutionnalisation

La feuille de route offre une vision claire et structurée des étapes à suivre dans l’opérationnalisation de la stratégie d’institutionnalisation du Spg. Bien qu’elle fixe un cadre, la feuille de route peut être ajustée en fonction des retours d’expérience et des évolutions contextuelles. En définitive, il s’agit d’un outil précieux pour naviguer à travers les différentes étapes de l’opérationnalisation, tout en assurant que les acteurs impliqués travaillent en synergie vers l’effectivité de l’institutionnalisation.

De façon spécifique, la feuille de route conçoit l’opérationnalisation comme un processus à la fois séquentielle et itérative, organisé autour des axes opérationnels et leur déclinaison en activités. D’un point de vue temporel, il est recommandé d’étendre l’opérationnalisation de la stratégie d’institutionnalisation du Spg, sur une période de trois (3) ans, suivant les séquences et/ou itérations ci-après : ① revue pré-institutionnelle ② standardisation ③ systématisation ④ légifération  ⑤ formulation de la politique nationale de suivi et d’évaluation  ⑥ organisation du Spg  ⑦ vulgarisation des pratiques.

1 Sylvain Théodule DEGBE est planificateur, statisticien-économiste et diplômé des Hautes Études en Gestion de la Politique Économique de l’Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand 1 (France). En tant que Consultant international, il a fourni pendant une douzaine d’années, des conseils de haut niveau à plusieurs gouvernements en Afrique de l’Ouest, ainsi qu’au système des Nations Unies, en République Centrafricaine (Rca).