La Nation Bénin...
Depuis
le début du XXIe siècle, le Qatar s’est imposé comme un acteur incontournable
du jeu international, bien au-delà de sa taille géographique. Doté d’immenses
ressources en gaz naturel, cet État du Golfe a su déployer une diplomatie
active, un investissement stratégique dans les secteurs d’avenir et une
politique de rayonnement culturel et économique fondée sur le soft power.
L’histoire
récente du Qatar témoigne d’une transition rapide, d’un émirat tribal vers un
État globalement connecté, influent dans les domaines de la médiation, de
l’énergie et de l’innovation.
Dans
cette dynamique, le Qatar Economic Forum (Qef), lancé en 2021, constitue un
jalon majeur de cette stratégie de visibilité et d’influence. Plus qu’un simple
rendez-vous économique, ce forum s’inscrit dans une logique de diversification
nationale et de contribution à la gouvernance mondiale.
Il
incarne la volonté du Qatar de catalyser un dialogue entre les puissances
économiques établies et les économies émergentes, notamment africaines, tout en
renforçant sa position de carrefour entre Orient et Occident.
Afin de mieux comprendre la portée stratégique de ce forum, il convient d’examiner d’abord les fondements historiques du Qatar lui-même, avant d’en retracer l’origine et l’évolution comme initiative globale.
I- L’histoire du Qatar
L’histoire du Qatar et l’histoire de l’initiative du Forum économique du Qatar permettent de comprendre leur articulation dans une stratégie de rayonnement global : Il s’agit d’une brève histoire d’émirat tribal à acteur global.
1/ Origines tribales et domination étrangère
Le
territoire du Qatar a été habité dès l’Antiquité, mais son histoire moderne
commence au XVIIIe siècle avec l’émirat tribal des Al Thani, qui s’impose
progressivement sur la péninsule.
Le
Qatar est placé sous protectorat britannique en 1916, dans le cadre des accords
avec les chefferies du Golfe (Trucial States).
À cette époque, l’économie est fondée sur la pêche, la perliculture et le commerce maritime.
2/ Indépendance et essor pétro-gazier
Le
Qatar devient indépendant le 3 septembre 1971 après le retrait britannique du
Golfe.
À
partir des années 1970, l’émirat développe rapidement son économie grâce à
l’exploitation des hydrocarbures, notamment du gaz naturel, dont il détient la
troisième réserve mondiale après la Russie et l’Iran (gisement offshore de
North Field).
3/ Transition vers la modernité et soft power (années 1990–2020)
Sous
l’impulsion de l’Émir Hamad ben Khalifa Al Thani (1995–2013), le Qatar entre
dans une phase de modernisation accélérée : infrastructures, éducation, santé,
médias (lancement d’Al Jazeera en 1996).
Le
pays adopte une stratégie de diplomatie d’influence, investit dans des actifs
internationaux (immobilier, sport, art) via le Qatar Investment Authority
(Qia), et devient un médiateur régional actif (Soudan, Liban, Afghanistan).
L’actuel émir, Tamim ben Hamad Al Thani (depuis 2013), poursuit cette stratégie tout en renforçant la diversification économique.
II- L’histoire du forum du Qatar et ses perspectives
1/ Intérêt pour le monde : un forum stratégique global
Le
Qatar Economic Forum 2025 s’inscrit dans la continuité des éditions précédentes
organisées sous l’égide de Bloomberg et du gouvernement qatari. Il représente
un espace stratégique de dialogue mondial sur les défis économiques,
énergétiques, climatiques et technologiques. Son importance internationale
réside dans plusieurs aspects :
•
Plateforme d’échanges entre dirigeants mondiaux : chefs d’État, Pdg
d’entreprises multinationales, experts et institutions financières y discutent
des politiques de croissance durable, de transition énergétique, de
digitalisation et d’investissements transcontinentaux.
•
Focus sur les Suds : contrairement à des forums purement occidentaux comme
Davos,
le Qatar propose une approche multipolaire et inclusive, intégrant activement
les perspectives du Sud global, notamment de l’Afrique et de l’Asie.
•
Accent sur l’investissement et les chaînes d’approvisionnement : dans un
contexte mondial post-Covid et en pleine transition énergétique, le Forum 2025
propose de repositionner les économies vulnérables en partenaires stratégiques
des chaînes de valeur mondiales.
• Diplomatie du développement: au-delà de l’économie, le Forum catalyse des débats sur les inégalités mondiales, la coopération Sud-Sud, et la paix durable à travers le commerce.
2/ Intérêt par rapport au profil du Qatar : entre diplomatie d’influence et diversification
Le
Qatar utilise ce forum comme un outil de soft power, cohérent avec sa stratégie
de diversification économique post-hydrocarbures et son positionnement
géopolitique ambitieux :
•
Un micro-État à diplomatie proactive : le Qatar, bien que géographiquement
petit, joue dans la cour des grands par sa diplomatie, ses médiations dans les
conflits (comme en Afghanistan ou au Soudan), ses investissements médiatiques
(Al Jazeera), et ses événements mondiaux (Coupe du monde 2022, Expositions
internationales).
•
Diversification par l’innovation et les services : le Forum renforce le pivot
qatari vers la finance verte, la technologie, l’intelligence artificielle, la
santé et l’éducation, des domaines dans lesquels le pays cherche à attirer des
partenariats et à asseoir son leadership.
• Rayonnement culturel et académique : le Qatar y projette aussi l’image d’un État capable de conjuguer tradition arabe, ouverture au monde, et leadership intellectuel régional, à travers des think tanks, des universités internationales (Georgetown, Hec Paris, etc.) et le Qatar Foundation.
3/ Perspectives pour les relations entre le Bénin et le Qatar
Pour un pays comme le Bénin, le Forum offre plusieurs leviers stratégiques :
a/ Renforcement diplomatique et visibilité
Le
Bénin, en participant activement au forum (présidence, ministres,
ambassadeurs), peut renforcer sa visibilité internationale et valoriser ses
réformes économiques, notamment sur l’amélioration du climat des affaires.
Il
peut intégrer des réseaux de coopération Sud-Sud, affirmant sa position comme
acteur politique et économique fiable en Afrique de l’Ouest.
b/ Attraction des investissements
Le
Forum constitue une opportunité pour attirer des investissements qatariens dans
l’agriculture, les énergies renouvelables, les infrastructures, le tourisme, et
le numérique.
Le Bénin peut également s’inscrire dans les fonds souverains du Golfe, en particulier le Qatar Investment Authority (Qia), très actif dans l’acquisition d’actifs et la prise de participation dans des projets à fort rendement en Afrique.
c/ Coopération stratégique et religieuse
Le
Qatar, étant un acteur important dans les cercles islamiques et culturels, peut
coopérer avec le Bénin sur le plan de la formation religieuse, de l’éducation,
de la culture et de la prévention de l’extrémisme par des approches modérées.
Des partenariats dans l’éducation (bourses, institutions conjointes, échanges universitaires) peuvent être établis via la Qatar Foundation.
d/ Insertion dans les chaînes d’approvisionnement globales
Le
Bénin peut proposer des corridors logistiques (Port de Cotonou, plateforme
aéroportuaire de Glo-Djigbé) pour servir de hub sous-régional pour les
entreprises du Golfe cherchant à s’implanter en Afrique francophone.
Conclusion
Le
Qatar Economic Forum est l’aboutissement d’un projet politique et économique de
long terme porté par l’État qatari, qui s’inscrit dans une stratégie de soft
power, de diversification économique et de médiation mondiale.
Le
forum reflète à la fois :
•
l’ambition du Qatar d’être un acteur global au-delà de ses frontières ;
•
et sa volonté d’offrir une plateforme ouverte aux nouvelles puissances
émergentes, notamment en Afrique.
Le Forum du Qatar 2025 représente une opportunité stratégique pour le monde, pour le Qatar, et pour les pays africains comme le Bénin. Il favorise une nouvelle architecture des relations internationales basée sur l’inclusivité, les partenariats égalitaires, et l’innovation partagée. Pour le Bénin, y participer activement, avec une diplomatie économique audacieuse, peut contribuer à redéfinir son positionnement géopolitique et à accélérer sa transformation structurelle.
Enseignant-chercheur