La Nation Bénin...

Verdissement des projets: Le Bénin interpelle les pays africains

Messages

Le Bénin s’avance aujourd’hui comme un laboratoire africain de la finance verte. En 2024, la Caisse des Dépôts et Consignations (Cdc) a mobilisé 1 061 milliards de francs Cfa dont 679 milliards orientés vers les infrastructures et les Pme. Ces chiffres impressionnent mais ne suffisent pas à qualifier une transformation. La véritable question est de savoir si ces financements construisent une économie capable de résister aux chocs climatiques, de réduire les inégalités et d’inspirer une gouvernance inclusive. Le verdissement des projets devient ici une épreuve de cohérence et un signal adressé au continent.

Par   Baltazar ATANGANA, le 03 déc. 2025 à 12h01 Durée 3 min.
#finance verte #Pme

Le recours aux Eurobonds Odd en 2021 et au prêt Odd en 2023 a montré que le Bénin pouvait attirer des capitaux en liant performance économique et responsabilité. Le Cadre de Financement Vert adopté récemment structure désormais la sélection et le suivi des projets en alignement avec les standards internationaux. Cette démarche n’est pas une simple innovation technique, elle traduit une maturité institutionnelle rare en Afrique où peu de pays ont encore formalisé un tel dispositif.

La Banque mondiale rappelle que la croissance projetée autour de 6,2 % sur 2024‑2026 dépendra directement de la capacité à financer l’adaptation climatique et à développer des infrastructures résilientes. Autrement dit, la crédibilité du Bénin ne se mesure pas seulement à ses montants mobilisés mais à sa capacité à transformer ces ressources en preuves tangibles. Le verdissement devient un instrument de discipline budgétaire et un marqueur de confiance pour les marchés internationaux.

Agriculture et énergie, des chiffres qui révèlent autant qu’ils questionnent

Le secteur agricole contribue à 5,1 % de la croissance en 2023 avec une valeur ajoutée de 2 771 milliards de F Cfa. La campagne 2023‑2024 a enregistré des hausses spectaculaires, plus 19 % pour les céréales, plus 19 % pour le soja, plus

138 % pour la mangue. Ces résultats montrent un potentiel immense mais révèlent aussi une fragilité. Sans irrigation efficiente, sans stockage adapté, sans pratiques agroforestières, une partie de ces gains peut disparaître. Le verdissement des projets agricoles doit être conçu comme une réponse à des vulnérabilités précises et non comme une simple célébration de rendements.

Dans l’énergie, les investissements dans les renouvelables ne sont pas seulement une alternative au bois ou au charbon. Ils constituent une condition pour réduire les coûts des Pme, stabiliser l’offre et créer des emplois qualifiés. Les infrastructures urbaines, lorsqu’elles intègrent des critères écologiques dès la conception, deviennent des amortisseurs de risque. Une route ou un hôpital pensés avec des matériaux adaptés et une gestion des eaux pluviales coûtent moins cher à réparer après une inondation. Le verdissement est ici une méthode de gestion du risque et de préservation des flux économiques.

Genre et gouvernance, la clé de la bancabilité

Les femmes sont en première ligne face aux effets du climat mais elles restent marginalisées dans les instances de décision. Le Plan d’actions Genre et Changements climatiques du Bénin 2023‑2025 fixe des leviers clairs: participation aux organes de pilotage, accès aux financements et aux technologies, sécurisation des droits fonciers, reconnaissance des savoirs locaux. La Constitution révisée en 2019 et la création de l’Institut National de la Femme en 2021 donnent un cadre institutionnel. Mais la question est celle de l’opérationnalisation.  

Les financements de la Cdc et des autres acteurs doivent intégrer des conditionnalités de genre. Les projets doivent être évalués non seulement sur leurs résultats économiques mais aussi sur leurs effets sociaux: temps économisé par les femmes, revenus générés, accès à l’eau, scolarisation des filles. Une économie verte qui marginalise les femmes n’est pas crédible. L’inclusion n’est pas une option morale, elle est une condition de performance et de bancabilité.

Une trajectoire qui interpelle l’Afrique

Le Bénin a posé des fondations solides: montants mobilisés par la Cdc, instruments Odd, cadre de financement vert, dispositifs institutionnels en matière de genre. La suite dépend de la discipline d’exécution et de la capacité à produire des preuves tangibles. Ce qui se joue au Bénin dépasse ses frontières. Le verdissement des projets devient un signal adressé aux autres pays africains. La crédibilité ne se gagne pas par des slogans mais par la capacité à transformer les financements en résultats mesurables.  

Le Bénin montre qu’il est possible d’articuler finance, climat et inclusion. L’Afrique, dans son ensemble, est interpellée par cette trajectoire. Les pays qui hésitent encore à institutionnaliser des cadres de financement vert ou à intégrer le genre dans leurs politiques publiques devront constater que l’avance béninoise n’est pas seulement technique, elle est politique. Elle traduit une lucidité, celle de comprendre que l’avenir économique du continent dépend de sa capacité à conjuguer croissance et résilience sociale.

Expert en genre et développement
noahatango@yahoo.ca