Journée mondiale pour un internet plus sûr: « Il faut sensibiliser aux enjeux de la cybersécurité », dixit Emery Assogba

La Nation : Quelle est votre compréhension du thème de cette Journée mondiale pour un internet plus sûr notamment la « citoyenneté numérique à l’ère de l’Ia » ?

Emery Assogba : Le thème de cette année est d’une grande pertinence, surtout dans le contexte numérique actuel. Nous vivons à une époque où la technologie, plus particulièrement l’Ia, transforme en profondeur notre quotidien, nos interactions sociales et professionnelles, et même la façon dont nous apprenons et travaillons. La citoyenneté numérique implique que chaque individu soit en mesure de comprendre et d’utiliser les outils numériques de manière responsable et éthique. Cela nécessite une formation préalable, car beaucoup de citoyens ignorent encore les risques liés à la cybersécurité ou les bonnes pratiques à adopter lorsqu’ils naviguent sur Internet. L'Ia vient encore ajouter une dimension complexe à cette question. Si elle ouvre de nombreuses opportunités, notamment en matière d’apprentissage et d’accessibilité à l’information, elle engendre aussi des défis majeurs. Les citoyens doivent être préparés à naviguer dans ce nouveau monde numérique où l'IA a un rôle central, et être capables de faire preuve de discernement pour ne pas se laisser piéger par des informations erronées ou malveillantes. La formation des formateurs, des éducateurs et des citoyens est donc une priorité pour accompagner cette transition numérique.

L'intelligence artificielle occupe une place grandissante dans nos vies. Comment cette technologie influe-t-elle sur notre manière de participer à la citoyenneté numérique ?

L’Ia a profondément modifié notre manière d’accéder à l’information. Prenons l’exemple des moteurs de recherche ou des outils d’assistance vocale, comme ChatGPT ou les systèmes de Microsoft. Auparavant, une personne souhaitant trouver une information se rendait directement sur un moteur de recherche comme Google, mais aujourd’hui, avec l’Ia, elle peut directement interroger un assistant intelligent qui lui fournira des réponses toutes faites. Ces systèmes ont révolutionné la manière dont nous interagissons avec Internet. Mais cette évolution s'accompagne de risques importants. En effet, l’Ia ne fait que restituer des informations qu’elle a apprises à partir de données collectées sur Internet. Elle peut donc fournir des réponses erronées ou biaisées, en fonction des algorithmes utilisés ou des données sur lesquelles elle se base. Il est donc crucial que les utilisateurs prennent conscience des risques associés à cette forme de recherche. Les citoyens doivent apprendre à vérifier les informations obtenues, à développer un esprit critique face aux réponses proposées par l’Ia, et à ne pas se contenter des premières réponses qu’ils reçoivent.

Néanmoins, l’Ia représente aussi une véritable opportunité. Elle permet de réduire considérablement les délais d’apprentissage et d’accès à l’information, facilitant ainsi le processus éducatif et la recherche d’informations spécialisées. Mais pour tirer pleinement parti de cette opportunité, il est essentiel de renforcer les capacités des citoyens à l’utiliser de manière éthique, et de les sensibiliser aux enjeux de la cybersécurité. L’État béninois a d’ailleurs pris des mesures importantes pour se préparer à cette révolution numérique. La Stratégie nationale de l’intelligence artificielle et des mégadonnées en est un exemple concret. Il est donc temps pour le Bénin de développer des solutions locales adaptées aux réalités linguistiques de notre société. Par exemple, l’implémentation de chatbots qui parlent nos langues locales pourrait permettre une meilleure diffusion de l’information, tout en rendant l’accès à ces outils plus inclusif.

Vous évoquiez la nécessité de renforcer la sensibilisation et la formation. Comment envisagez-vous la sensibilisation des jeunes à l'utilisation responsable de l'Ia ?

La sensibilisation à l’utilisation responsable de l’Ia doit impérativement commencer dans les écoles et les familles. En effet, il est essentiel que les parents et les éducateurs soient eux-mêmes formés à l’utilisation des nouvelles technologies, afin qu’ils puissent ensuite transmettre les bonnes pratiques aux jeunes générations. Mais pour cela, il faut que les parents et les éducateurs aient accès à des ressources et outils adaptés. L’Etat a un rôle clé à jouer dans ce processus. Grâce à ses ressources et moyens, il peut concevoir des programmes éducatifs pour sensibiliser non seulement les jeunes, mais aussi les parents et les enseignants, en leur fournissant des outils pratiques pour mieux comprendre les enjeux de l’Ia. Ces programmes pourraient être intégrés dans les curricula scolaires ou proposés dans des formations complémentaires pour les adultes. Mais il ne faut pas oublier que l’Ia est déjà présente dans le quotidien des jeunes.  Les médias aussi ont un rôle fondamental à jouer dans la sensibilisation du grand public aux enjeux de l’Ia. Il est vrai que l’Ia est omniprésente, mais elle est souvent présentée sous un angle technique ou technologique, ce qui peut éloigner une partie de la population. Les médias doivent jouer leur rôle d’éducateurs et informer les citoyens non seulement des avantages de l’Ia, mais aussi des dangers qu’elle peut représenter si elle est mal utilisée. Il est également nécessaire de multiplier les actions de sensibilisation à grande échelle. Cela permettra de former une génération de citoyens plus avertis, capables de naviguer en toute sécurité dans le monde numérique.