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Production de pomme de terre: Des efforts pour réduire la dépendance du Bénin aux importations

Région
Les producteurs béninois doivent faire face à la concurrence avec  les pommes de terre importées Les producteurs béninois doivent faire face à la concurrence avec les pommes de terre importées

La récolte et la commercialisation de la pomme de terre locale, pour le compte de la campagne 2025, battent actuellement leur plein au Bénin. A travers son programme d’action, le gouvernement travaille depuis 2019 à l’amélioration de la production de cette spéculation agricole. L’objectif est de concurrencer désormais la pomme de terre importée sur le marché national. 

Par   Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori, le 01 avr. 2025 à 16h25 Durée 3 min.
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La réduction de l’importation à des coûts élevés de la pomme de terre, malgré les spécificités qu’exige sa production, reste un défi à relever au Bénin. Après avoir été laissée pour compte pendant plusieurs années, cette spéculation agricole commence à bénéficier à nouveau de l'attention des gouvernants. Ce qui augure d’un espoir, pour sa culture à grande échelle. En témoigne le constat fait par le ministre conseiller en charge de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, Saca Kina Bio Guera, au cours de sa descente à l’Agence territoriale de développement agricole Vallée du Niger (l’Atda Vn), en début  mars à Malanville.

Il a, en effet, eu l’occasion de se rendre compte des progrès enregistrés dans la production de la pomme de terre au Bénin. Conscient des enjeux, il a loué les efforts du personnel de l’Atda Vn et des producteurs sur le terrain, puis les a encouragés à intensifier le travail pour augmenter significativement la production. S’inscrivant dans la vision du chef de l’Etat en matière de développement agricole, le ministre conseiller a ensuite souhaité voir la production nationale de pomme de terre augmenter. Ce qui, selon lui, permettra de réduire la dépendance du Bénin, en ce qui concerne l’importation de ce produit des pays étrangers.

 

Accompagnement du gouvernement

« Au niveau des cultures maraîchères de grande consommation, le Bénin vise une augmentation continue de sa production. Pour renforcer la sécurité alimentaire, il travaille également pour la dynamisation des cultures mineures comme la pomme de terre », a indiqué le directeur général de l’Atda Vn, Jean Gbèto Dansou. « La pomme de terre est une spéculation de la filière des cultures maraîchères, également une filière prioritaire du Programme d’action du gouvernement et qui, à ce titre, bénéficie de financements massifs », a-t-il expliqué. « Comme c’est le cas avec la tomate, le piment et bien d’autres produits de cette filière, sa production fait désormais l’objet d’une attention par le gouvernement », insiste-t-il. «L’Atda Vn a opté, depuis 2019, pour la relance de la culture de la pomme de terre. C’est dans ce cadre que des visites d’échanges et d’expériences au Niger ont été organisées au profit des producteurs de ladite spéculation. Des périmètres ont également été aménagés par l’Atda Vn et des projets-programmes envisagés au profit de ses producteurs à Karimama et Malanville », confie-t-il, en évoquant la stratégie mise en œuvre pour ressusciter la production de la pomme de terre au Bénin. Des appuis en semences de qualité, souligne-t-il, leur sont apportés depuis plusieurs campagnes.

Actuellement au Bénin, la récolte et la commercialisation de la pomme de terre ont lieu. Chaque année, elles sont prévues entre début février et fin mars. Quant à la période favorable à sa culture, elle démarre souvent entre octobre et novembre. Elle est caractérisée, avec la présence de l’harmattan, par une baisse de températures variable. « La pomme de terre est un produit de contre-saison », précise le directeur général de l’Atda Vn.

Entre-temps considérée comme la chasse gardée des localités de Karimama, surtout celles de Karigui, Birni Lafia et Moula, la production de la pomme de terre suscite aujourd’hui l'engouement au niveau de plusieurs autres communes. Il s’agit de Malanville, Kérou, Ouassa-Péhounco, Kouandé, Natitingou, Tanguiéta, Bassila et Djougou. Leurs sols sont adaptés et leur climat propice.

« Avec sa demande devenue de plus en plus importante sur le marché national, sa culture m’a intéressé », explique le producteur maraîcher à Ouassa-Péhunco, Abdoulaye Djafarou. C’est depuis 2000 qu’il se consacre à cette spéculation. La pomme de terre est, selon lui, une spéculation porteuse. « Malheureusement, par rapport aux spécificités liées à sa culture, nous ne bénéficions pas encore d’un accompagnement conséquent », se plaint-il. 

Avec l’implication de l’Atda Vn, depuis 2019, à travers la prise en main de la promotion de ladite culture, grâce à l’appui en semences, la production avoisine en moyenne, 100 tonnes, chaque année. En l’absence de véritables statistiques et d’une faîtière au niveau des producteurs de cette culture au Bénin, puis au regard de l’engouement constaté depuis peu pour la culture, ce chiffre mérite d’être revu. Selon le producteur maraîcher, Abdoulaye Djafarou, la commune de Ouassa-Péhunco seule peut produire près de 100 tonnes. « Si l’accompagnement suit, je peux, à moi tout seul, sortir 50 tonnes par an », a-t-il laissé entendre.

Des difficultés à braver

Tout compte fait, il est évident que ce qui est produit ne suffit pas à couvrir la demande sur le plan national. Le Bénin est alors obligé d’importer du Niger, du Burkina Faso, du Nigeria et des pays européens comme la France et la Belgique. « Chaque année, ce sont des milliards de francs Cfa qui sont consacrés à l’importation des pommes de terre. Lesquelles, en matière de qualité, n’ont rien de plus que celles produites au Bénin », déplore le producteur Abdoulaye Djafarou.

Du coup, les producteurs béninois doivent également faire face à la concurrence avec les pommes de terre importées. Confrontés déjà à des difficultés liées à la disponibilité des semences de qualité, la tâche ne leur est pas facile, les entreprises spécialisées dans le domaine étant basées en Belgique et en France.

Par ailleurs, en termes de superficies emblavées, le niveau de production de cette culture au Bénin ne permet pas de prendre le risque, comme les Européens l’exigent, d'acquérir des conteneurs de semences. C’est donc auprès des producteurs nigériens et burkinabè qu’ils arrivent à servir, que les producteurs béninois vont s’approvisionner avec tout ce que cela leur implique comme charges supplémentaires. Les coûts élevés de ces semences font qu’elles sont parfois hors de portée pour certains producteurs. « Cette situation a conduit certains producteurs à s’endetter énormément, puis à abandonner», reconnait le producteur maraîcher Abdoulaye Djafarou.   

La pomme de terre étant un produit de contre-saison, la question de la maîtrise de l’eau ne doit pas non plus être négligée, tout comme la non-maîtrise des techniques ou des pratiques culturales. Il y a également l’incapacité des centres de recherches actifs sur le plan national à proposer des semences adaptées aux réalités du terrain. A cela s’ajoute l’absence d’infrastructures de stockage ou de conservation appropriées sur une longue durée. Ce qui fait que, avant d’atteindre les marchés pour être écoulées, les pommes de terre produites pourrissent rapidement. D’où les importantes pertes post-récoltes enregistrées par les producteurs.

Qu’à cela ne tienne, comme doléances auprès de l’Atda Vn qui les appuie, les producteurs des communes de Karimama et Malanville souhaitent que les semences, aussi bien en quantité qu’en qualité, soient mises à leur disposition un peu plus tôt, de préférence en septembre ou octobre. Ils apprécient le suivi et l’ appui-conseil dont ils bénéficient de la part de l’agence. « Tout est mentionné et enregistré. Grâce à l’Atda Vn, le peu que j’ai fait cette année m’a beaucoup rapporté », se réjouit le producteur de Banitè, à Malanville, Issiaka Mazou Tankari. « L'Atda Vn nous aide à conditionner nos récoltes, puis à les céder à de meilleurs prix », soutient-il.

Des écueils dont le gouvernement, rassure le directeur général de l’Atda Vn, a conscience. Il va continuer, a-t-il rassuré, à apporter son appui technique aux producteurs qui s’organisent progressivement en cluster. Il s’agira, selon lui, d’impacter davantage la culture de la pomme de terre dans les autres pôles de développement agricole où le sol et le climat peuvent lui être favorables. Aussi, les résultats qui marquent la reprise de cette culture au Bénin doivent être capitalisés, afin de promouvoir la pomme de terre locale naguère réputée pour sa saveur.