Les scorpions appartiennent à la classe des arachnides et comptent plus de 2500 espèces. Un petit nombre d’entre eux est dangereux pour l’homme ; et sur le continent africain, ils appartiennent toutes à la famille des buthidés (il en existe 2 sous-ordres : les buthoïdes et chactoïdes.
La plupart des scorpions dangereux pour l’Homme appartiennent au sous-ordre des buthoïdes). Les scorpions sévissent principalement dans la zone intertropicale, en Amérique latine (Mexique, Brésil), en Afrique du Nord, au Moyen Orient et dans le sous-continent indien. Le tableau ci-dessous présente les espèces les plus dangereuses connues sur le continent africain.
En Afrique sub-saharienne (en dehors de l’Afrique du Sud), les observations confirmées de la présence d’espèces dangereuses se limitent à deux espèces, dont l’une seulement est certaine et régulièrement constatée, l’autre n’ayant plus été signalée depuis longtemps. Il s’agit respectivement de
Leiurus quinquestriatus et d’
Androctonus australis. D’autres espèces, potentiellement dangereuses existent également en Afrique sub-saharienne, mais ne semblent pas y provoquer d’accident graves. Il s’agit par exemple de
Buthus Occitanus et le genre
Hottentota, largement répandus en Afrique sub-saharienne. Beaucoup d’autres espèces existent, mais leur dangerosité est inconnue ou mal connue.
D’un point de vue général, un scorpion dont la taille est égale ou inférieure à 4 cm ne présente pas de réel danger pour l’Homme.
Après la morsure (les scorpions ne piquent pas, ils mordent), les scorpions injectent leurs venins qui contiennent des toxines qui ont une affinité pour différents tissus, notamment les tissus nerveux, d’où leur appellation de « neurotoxines ». Mais les tissus nerveux ne sont pas les seules cibles de ces venins. L’envenimation par le scorpion se fait par gradation de gravité croissante. Ainsi, on décrit trois grades : Grade I, II et III.
Le Grade I,
représentant 85 % des envenimations par le scorpion, est caractérisé par la présence de signe au niveau et autour du point de morsure : douleurs, rougeur, œdème, engourdissement…). La douleur est localisée, immédiate, intense, persistante, avec des sensations d’accalmie relative et de reprises ; va durer 10 à 15h, parfois davantage jusqu’à 24h. Toujours présente, quelle que soit l’espèce en cause, son intensité ne préjuge en rien de la gravité de l’envenimation. Le scorpion contrôlant la contraction du muscle entourant la glande à venin, il peut arriver que la morsure soit « sèche »,
non suivie d’injection de venin.
En Afrique, les piqûres de buthidés (famille des espèces dangereuses) ne sont suivies d’aucune réaction locale, tout au plus une discrète rougeur passagère au point de morsure sans œdème. Dans 95 % des cas, la douleur sera le seul signe clinique, et pendant les deux heures qui suivent, elle restera le seul signe, quelle que soit l’évolution ultérieure. Pour ce grade, le plus fréquent, une prise en charge de la douleur (Paracétamol, refroidissement par une vessie de glace), une désinfection et une vaccination anti-tétanos sont largement suffisantes. La pose d’un garrot, les scarifications, la succion, l’application de diverses substances sont proscrites. Une surveillance aux urgences les 4 premières heures, en cas de passage éventuel aux grades supérieurs, est nécessaire.
Pour les grades II (envenimation sévère) et III (envenimation gravissime), en plus des signes décrits pour le grade I et qui sont localisés au niveau de la zone mordue (notamment la douleur), d’autres symptômes (qualifiés de signes généraux) apparaissent généralement dans les 2 heures qui suivent la morsure. Ces signes ne sont pas localisés au niveau de la zone mordue et concernent l’ensemble du corps : sueurs, troubles digestifs, vomissements, détresse respiratoire… En cas d’apparition de signes autres que les signes localisés au point de morsure, une hospitalisation est obligatoire car le patient nécessite certainement une administration d’un traitement spécifique à base de sérum anti-venin anti-scorpionique. Ce traitement est le seul traitement spécifique efficace des envenimations scorpioniques graves. Il faut signaler que : (1) pour qu’il soit efficace, il doit être administré le plus tôt possible (dans les 4h qui suivent la morsure, de préférence dans les 2h) ; (2) n’est pas efficace sur les venins de tous les scorpions (inutile s’il s’agit du scorpion noir). Plus précisément, les sérums anti scorpioniques actuellement utilisés restent spécifiques à chaque pays ou à chaque région. En d’autres termes, les sérums utilisés en Algérie ou Tunisie peuvent s’avérer inefficaces au Bénin ou en Côte-d’Ivoire.
Pour ce qui est de l’utilisation des plantes dans nos contrées africaines, telle que l’utilisation de l’ail écrasé à appliquer sur la zone de morsure, les choses ne sont pas si simples. L’article portant sur l’utilisation de l’ail qui circule sur les réseaux sociaux parle du traitement de la douleur liée à la morsure, mais pas de prise en charge spécifique si jamais on passait du grade I aux grades II ou III. Ce qui est dangereux avec ce genre d’article est que les personnes mordues peuvent avoir l’impression de soigner leur envenimation en calmant tout simplement la douleur alors qu’elles pourraient avoir besoin d’une surveillance médicale avec ou sans traitement spécifique à base de sérum anti-scorpionique ; créant ainsi un danger vital.
Pour l’utilisation en général des plantes pour traiter les envenimations (morsure de serpents, de scorpions…), des connaissances ancestrales peuvent faire penser que certaines plantes peuvent guérir la personne mordue. Mais la réalité est tout autre. Les choses ne sont pas si simples qu’elles pourraient en avoir l’air. Il faut distinguer deux situations qui peuvent amener à associer la guérison à une plante :
- Les envenimations grade I peuvent à conduire à surestimer l’efficacité de toute thérapie, puisqu’en général, au bout de 24h, le patient peut récupérer de façon spontanée sans aucun traitement. Et toute thérapie administrée pourrait se voir attribuée cette guérison spontanée. Ceci d’autant plus que certaines morsures peuvent être « sèches », c’est-à-dire que le scorpion mord mais n’injecte pas de venin. Appliquer de l’ail dans de telles conditions conduirait certainement à lui trouver une efficacité qui n’existe pas en réalité. Si l’ail possède des propriétés anesthésiantes locales (ce que j’ignore), son application pourrait en effet conduire à calmer la douleur, mais jamais il ne faut considérer l’ail comme une plante qui soigne une morsure de scorpion. L’utilisation de plantes dans ces conditions (d’efficacité non prouvée), a conduit à des pratiques et à des croyances ancestrales sur l’efficacité des plantes car nos anciens savaient prendre en charge des symptômes, mais pas forcément soigner une maladie. Je m’explique : en cas de morsure de scorpion, le sujet peut avoir divers symptômes locaux et généraux. Sur un plan local, il peut s’agir d’une inflammation locale avec douleur, d’une hémorragie… Les anciens connaissaient des plantes qui pourraient réduire l’inflammation et la douleur, arrêter l’hémorragie. Ils soignaient un symptôme avec une ou des plantes, mais ne soignaient pas l’envenimation.
Pour finir, il faut proscrire toute application d’ail (ou autre plante) sur la zone mordue, car, même si cette application peut conduire à conduire à calmer, elle comporte un risque infectieux important. Elle peut en effet conduire à une surinfection de la plaie. Un antalgique à type de paracétamol et un refroidissement une vessie de glace peut calmer la douleur et éviter le risque infectieux. Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à amener le sujet à l’hôpital, surtout si des signes autres que ceux localisés à la zone mordue apparaissent, tels que la transpiration excessive, les douleurs abdominales, les vomissements, une difficulté respiratoire…