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Egalité femme-homme : Encore des écarts importants

Société
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 04 févr. 2022 à 12h24
L’épanouissement de la gent féminine bute encore sur les inégalités, en dépit des instruments mis en place pour réduire les écarts, selon un récent rapport d’évaluation de la Politique nationale de promotion du Genre (Pnpg 2009-2025) et de son plan d’actions 2010-2015. Et pour cause ! Les inégalités entre hommes et femmes perdurent dans maints domaines au Bénin, après douze années de mise en œuvre de la Politique nationale de promotion du Genre (Pnpg 2009-2025). L’évaluation à mi-parcours de cette politique et de son plan d’actions 2010-2015 révèle de nombreuses difficultés, notamment dans la participation des femmes au processus décisionnel. Globalement faible, la représentativité des femmes au sein du gouvernement a évolué en dents de scie depuis 2009. La proportion de femmes est passée de 13,33 % en 2009 à un taux record de 30,76 %, soit 8 femmes sur 26 ministres en 2011. Le taux a ensuite chuté à 14,81 % (4 femmes ministres sur 27) en 2014 avant de remonter à 18,18 % (4 sur 22) en 2017, puis à 20,83 % depuis 2019. A l’Assemblée nationale, les femmes ne sont pas mieux logées. Déjà faible, la proportion de femmes députées a progressivement chuté au cours des quatre dernières mandatures, passant de 10,8 % en 2007-2011 à 8,4 % pour la mandature 2011-2015 puis à 7,2 % pour 2015-2019 et 6 % pour 2019-2023. Au niveau des collectivités locales, le progrès n’est pas assez significatif. Le nombre de femmes élues maires est passé de 3 sur 77 (3,89 %) pour la mandature 2015-2020 à 4 pour 2020-2025 (5,19 %). Les femmes représentaient seulement 3,67 % des conseillers en 2003. Ce taux est passé à 4,37 % en 2008 puis à 4,66 % en 2015 avant de chuter à 3,86 % en 2020. Pour corriger cette faible représentativité des femmes, une loi initiée sur l’égal accès de l’homme et de la femme aux fonctions nominatives et électives a fait l’objet d’étude en plénière à l’Assemblée nationale, mais son adoption n’a pas abouti, en raison des pesanteurs sociopolitiques encore prédominantes. Progrès mitigés dans l’éducation Le rapport d’évaluation de la Pnpg validé, mercredi 26 janvier dernier à Cotonou, indique des écarts encore importants en termes d’accès à l’éducation selon le sexe. En effet, le rapport femme-homme du taux brut de scolarisation au primaire est passé de 0,921 à 0,978 entre 2009 et 2015. Le taux a chuté par la suite en passant à 0,937 en 2016 avant de remonter pour atteindre 0,921 en 2020. Le rapport homme-femme du taux de promotion au primaire est passé de 0,980 en 2009 à 1,005 en 2016. Il a varié de 0,996 à 1,001 entre 2017 et 2021. Globalement, le taux de promotion au primaire est resté légèrement en faveur des garçons. En ce qui concerne le redoublement, il est noté une augmentation de l’écart en faveur des filles, le rapport homme-femme en la matière est passé de 1,028 en 2009 à 0,937 en 2018 puis à 0,969 en 2021. Sur cette période, le rapport femme-homme du taux d’abandon au primaire est resté supérieur à 1. Au secondaire, il a été constaté une amélioration du rapport femme-homme du taux brut de scolarisation. Au premier cycle, il passe de 0,759 en 2013 à 0,877 en 2018. Au second cycle, il a cru de 0,429 à 0,583 sur la même période. Il s’ensuit une réduction de l’écart au fil des années, même si le taux de scolarisation des filles reste faible. Le rapport femme-homme du taux d’admission au Bepc reste inférieur à 1 sur la période de mise en œuvre de la Pnpg. Il a baissé entre 2012 et 2016 avant de monter à 0,930 en 2018. Le rapport femme-homme du taux d’admission au baccalauréat est à la hausse mais des efforts restent à faire. Au regard de ces résultats, des actions allant dans le sens du maintien des enfants dans le système scolaire devront être renforcées. Il convient de poursuivre les mesures de gratuité des frais de scolarité au primaire et des cantines scolaires, la lutte contre les mariages et grossesses précoces et, ou forcés, le suivi et le maintien des filles aux niveaux secondaire et supérieur. L’octroi de bourses d’excellence aux filles méritantes, l’accès des filles aux formations professionnelles, l’accompagnement psychosocial et en kits scolaires et uniformes et l’assistance financière aux filles, sont à encourager. Du grain à moudre ! D’autres difficultés rencontrées par la gent féminine concernent l’accès à l’emploi et au revenu, l’accès aux soins de santé, y compris la santé de la reproduction, l’accès à la terre. Toutes choses qui font que la vision de faire du Bénin « un pays où l’égalité et l’équité favorisent la participation des hommes et des femmes aux prises de décisions, l’accès et le contrôle des ressources productives en vue d’un développement humain durable » reste encore un vœu pieux. Pourtant, l’arsenal juridique national a connu quelques améliorations en faveur des femmes. La loi n° 2011-26 du 9 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes a été renforcée par la loi portant mesures spéciales de répression des infractions commises en raison du sexe des personnes et de protection de la femme en République du Bénin. La loi portant Code foncier et domanial dispose que l’Etat et les collectivités doivent veiller au respect de l’égalité de l’homme et de la femme dans l’accès au foncier. Si la Pnpg cadre avec plusieurs instruments et documents de stratégie sur les plans national, régional et international, sa composante 1 « Autonomisation de la femme et réduction de la pauvreté » ne prend pas en compte les questions de promotion des droits humains, notamment les violences basées sur le genre, souligne le consultant Christian Eyébiyi, présentant le rapport d’évaluation de la Pnpg. La composante 2 relative à l’institutionnalisation du genre, poursuit-il, en plus d’avoir manqué de retenir comme action l’intégration du genre dans les plans de développement communaux (Pdc), n’a pas du tout mentionné la prise en compte du genre dans les politiques, plans, programmes et projets de développement nationaux, régionaux ou dans les politiques d’organisation. De même, ajoute-t-il, la promotion du genre par la société civile aurait pu être prise en compte au niveau de cette composante. Ces constats appellent à l’actualisation de la Pnpg et à l’élaboration d’un nouveau plan d’actions, afin d’améliorer les conditions de vie et d’existence des femmes et réduire les inégalités entre les sexes. Acquis à consolider La Pnpg contribue aux avancées du Bénin dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 sur les Objectifs du développement durable (Odd), à travers principalement l’Odd 5 « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », et transversalement les Odd relatifs à l’élimination de la pauvreté, de la faim, à la promotion de l’éducation et la santé pour tous. Entre autres, le rapport d’évaluation note une réduction des écarts de salaires dans le secteur agricole. Le salaire moyen des femmes est passé de 36 055 F Cfa en 2011 à 52 246 F Cfa en 2015 et celui des hommes de 45 483 F Cfa à 57 298 F Cfa sur la même période. L’indice de parité femme-homme du salaire dans ce secteur est passé de 0,79 en 2011 à 0,91 en 2015. Des progrès sont également enregistrés en matière d’accès au crédit, avec la poursuite du programme Microcrédit aux plus pauvres (Mcpp) lancé en 2008. Aussi, le Financement des activités agricoles en milieu rural (Faar) lancé en 2009 a contribué à l’autonomisation de nombre de femmes tout comme le microcrédit Alafia qui a permis d’impacter 9 568 bénéficiaires pour un montant total de 550 340 000 F Cfa décaissé en 2020. Le taux de couverture en infrastructures sanitaires s’est également amélioré, passant de 89 % en 2009 à 96 % en 2019. Le rayon d’action théorique des centres de santé a connu une baisse, passant de 8,1 km à 6 km sur la période, avec des pics de 5,0 et 5,2 respectivement en 2015 et 2018. Le Conseil national de promotion de l’équité et de l’égalité du genre (Cnpeeg) est créé mais certains de ses démembrements n’ont pas fonctionné. Si la création des Cellules focales genre est un acquis dans certains ministères et institutions, les documents de politique sectorielle restent encore peu ou pas sensibles au genre. C. U. P.