La Nation Bénin...

Femmes et enfants au Bénin : un état nutritionnel inquiétant

Société
Par   Joel TOKPONOU, le 20 déc. 2021 à 19h17
Au Bénin, les femmes et les enfants se nourrissent très mal. Les études le confirment et un appel est lancé pour un changement de comportement. Une nutrition peu organisée qui ne tient pas compte des besoins de chaque membre de la famille mais des possibilités du chef du ménage. C’est le quotidien dans les familles au Bénin. Menus non diversifiés, absence de fruits, alimentation non adaptée à l’âge ou aux activités professionnelles, … la liste des causes de la malnutrition chez les enfants et les femmes est longue. Charles Zèvounou, habitant à Porto-Novo, la quarantaine révolue et tenancier d’un bar l’illustre bien. « Nous donnons à nos femmes les moyens selon nos possibilités pour qu’elles fassent la cuisine. Nous ne sommes pas riches pour modifier indéfiniment les menus sur nos tables », indique-t-il. Hélène Djimassè, sa conjointe, ne dit pas le contraire. Pour s’adapter à la capacité financière du chef de ménage, elle s’abonne aux repas classiques tels que le riz, la pâte de maïs et le haricot. « Il nous arrive de consommer la pâte de maïs durant toute une semaine et parfois avec la même sauce. Pour les fruits, c’est un luxe pour nous », confie la jeune dame. Comme ce ménage, la plupart des familles béninoises voguent sur les vagues de la malnutrition. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la malnutrition se définit par les carences, les excès ou les déséquilibres dans l’apport énergétique et/ou nutritionnel d’une personne. C’est un état nutritionnel qui est la conséquence d’une alimentation mal équilibrée en quantité et/ou en qualité. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes avec à la clé de nombreuses conséquences. Alarmant ! Selon l’Enquête démographique et de santé 2017-2018, environ un tiers des enfants de moins de 5 ans (32 %) souffrent d’un retard de croissance, 5 % sont émaciés, 17 % présentent une insuffisance pondérale et 2 % un surpoids. Parmi les enfants de 6-23 mois non allaités, seulement 15 % ont un apport alimentaire minimum acceptable tel que défini par l’Oms. Environ sept enfants de 6-59 mois sur dix (72 %) et 58 % des femmes de 15-49 ans sont anémiés. Parmi les femmes de 15-49 ans, 11 % ont un indice de masse corporelle (Imc) inférieur à 18,5 et présentent donc un état de déficience énergétique chronique. A l’opposé, 26 % présentent une surcharge pondérale ou sont obèses. Les statistiques sur le plan mondial et les perspectives ne sont pas plus reluisantes. « La prévalence de la sous-alimentation, qui était restée à peu près stable pendant cinq ans, a progressé de 1,5 point de pourcentage en 2020, pour atteindre 9,9 pour cent environ – ce qui rend plus difficile la réalisation de l’objectif « Faim zéro » d’ici à 2030 », publie l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) et d’autres institutions dans le rapport 2021 sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde. Le même rapport souligne qu’« en 2020, près d’une personne sur trois dans le monde (2,37 milliards) n’avait pas accès à une nourriture adéquate, soit une augmentation de près de 320 millions de personnes en seulement un an. Près de 12 pour cent de la population mondiale était en situation d’insécurité alimentaire grave en 2020, ce qui représente 928 millions de personnes – soit 148 millions de plus qu’en 2019 ». Des causes aux actions Selon les spécialistes, plusieurs raisons expliquent la situation de la malnutrition infantile à laquelle peu d’attention semble être accordée. Le nutritionniste Fiacre Alladayè énumère comme causes immédiates l’inadéquation des apports alimentaires en qualité et en quantité des enfants, les maladies infectieuses, etc. La mauvaise alimentation de la mère, le non-respect des temps de vaccination, le manque d’accès à l’eau potable et bien d’autres sont des facteurs qui maintiennent particulièrement les enfants dans la malnutrition. Le rapport de la Fao ajoute, pour sa part, comme facteurs de la malnutrition les conflits, la variabilité du climat et les extrêmes climatiques, la pauvreté, les ralentissements et les fléchissements économiques. Face à ce tableau sombre, le nutritionniste Fiacre Alladayè ne manque pas de propositions. « Nous devons revoir les produits que nous consommons. Consommer local, c’est maîtriser ce que nous consommons. Ce serait déjà un premier pas », suggère-t-il. Egalement, il appelle à une meilleure sensibilisation pour l’allaitement maternel exclusif des enfants. La diversification des aliments est aussi recommandée, même dans la pauvreté.