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Journée mondiale des droits humains : Appréciations de deux acteurs sur la situation au Bénin

Société
Par   Alexis METON  A/R Atacora-Donga, le 13 déc. 2018 à 09h20
[caption id="attachment_31731" align="alignnone" width="1024"]Serge Prince Agbojan[/caption]

Le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (Dudh) coïncide avec la commémoration de la Journée mondiale des droits humains. Au Bénin, si l’opinion tente de peindre en noir la situation des droits de l’homme consacrés par diverses conventions ratifiées par le Bénin, des explications de certains activistes et défenseurs des droits humains, il ressort que beaucoup d’efforts sont faits dans le sens de la jouissance des droits fondamentaux consacrés par la Dudh et la Constitution du 11 décembre 1990.

Serge Prince Agbodjan, président de la Coalition des défenseurs des droits humains au Bénin

« La place des droits de l'Homme dans le système béninois est importante »

La Nation : Le 10 décembre est célébrée la Journée mondiale de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Que représente-t-elle pour vous, défenseur des droits humains au Bénin ?

Lorsqu'on parle des droits de l'Homme, on fait allusion à ceux qui fondent l'État béninois parce que lorsqu'on se réfère à la Constitution du 11 décembre 1990 dans son préambule, on constate que cette Constitution a été adoptée le 10 décembre 1990 et promulguée le 11 décembre 1990. Donc, lorsqu'on fête la Déclaration universelle des droits de l'Homme, on fête aussi la Constitution du 11 décembre 1990. C'est important de le savoir parce que le constituant a voulu que cela soit aussi un anniversaire fondamental que nous Béninois fêtions. Dans ce préambule, il est clairement indiqué que nous avons opté pour la création d'un État de droit et démocratique pluraliste dans lequel les droits fondamentaux de l'Homme et libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme conditions nécessaires au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois. Le Bénin ne peut donc se développer sans ces conditions. La place des droits de l'Homme dans le système béninois est importante. C'est d'autant plus explicite dans la Constitution qu'on la remarque à l'article 68 qui donne des pouvoirs dits exceptionnels au président de la République. Cet article stipule que : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité du territoire national ou l'exécution des engagements internationaux sont menacées de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnel est menacé ou interrompu, le président de la République après consultation du président de l'Assemblée nationale et du président de la Cour constitutionnelle prend, en Conseil des ministres, les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances sans que les droits des citoyens garantis par la Constitution ne soient suspendus ». Ce qui signifie que même en temps de guerre ou de blocage de l'État, le Bénin a opté pour que les droits humains soient garantis par le président. Ce qui montre que notre système politique constitutionnel donne une place de choix aux droits de l'Homme et aux libertés publiques.

Quel état des lieux peut-on faire au Bénin ?

La lecture que nous pouvons faire aujourd'hui de ce système est qu'il y a eu des évolutions. L’État a fait beaucoup d'efforts dans le cadre du respect des droits de l'Homme. Mais il faut reconnaitre qu'il y a eu des actes qui ont entravé ces efforts. En matière d'avancée, on peut affirmer sans ambages que le Bénin est bien stable et nous assurons les élections, l'alternance. Et le Bénin a pris assez de mesures pour conforter cela. Beaucoup d'instruments internationaux ont été ratifiés dont le traité sur le commerce des armes, la convention sur les armes,... Le Bénin a mis en place des institutions chargées de la promotion et de la protection des droits de l'Homme avec la lutte contre l'impunité, la corruption... Beaucoup de mécanismes ont été mis en place pour le respect des droits de l'Homme. Il faut aussi reconnaitre qu'il y a eu une réorganisation de la détention des personnes avec la gestion confiée à une agence. Sans oublier le Code de l'enfant adopté et internalisé et le Code de l'information et de la communication adopté et qui prévoit la dépénalisation des délits de presse. Nous avons connu quand même des reculs manifestes, difficiles pour les Béninois de les accepter.

Quels sont ces reculs en question ?

C'est le cas de la question de la liberté de la presse bien que nous ayons un Code de l'information et de la communication qui est un instrument nouveau. En matière de liberté de manifester, nous avons connu également des reculs. Un département en a fait un lieu d'expression et a lié la liberté de manifester à des récépissés. Ce qui n'existe nulle part. La liberté de manifester est une réaction. Aussi, on ne peut créer une juridiction sans appel. Cela constitue aujourd'hui une question importante qui peut être soulevée devant les organes non gouvernementaux, non juridictionnels du monde. Et lorsque nous avons des fenêtres du genre, c'est comme si des problèmes de respect des droits de l'Homme se posent à l'intérieur. Il y a des choses à faire pour redresser la barre. Les droits de l'Homme sont une chose avec laquelle on nait. Tout le monde doit lutter pour le respect des droits de l'Homme. Il y a des gens au pouvoir qui veulent aller vite pour développer le pays et il y a également des gens qui sont là pour rappeler au respect des normes. Le rôle des acteurs de la Société civile n'est pas d'applaudir le gouvernement dans ses actions, mais c'est de veiller au respect des normes. C'est la veille citoyenne.

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Abdel Rahman Ouorou Baré, activiste des droits de l’Homme

« Quelque chose se fait pour la jouissance des droits humains au Bénin »

La Nation : Quel bilan faites-vous du respect des droits humains au Bénin, en ce jour anniversaire de la Dudh ?

Abdel Rahman Ouorou Baré : La situation des droits humains au Bénin, comparaison n’est peut-être pas raison, mais quand on la compare à d’autres pays, je crois que relativement, on ne peut pas dire que les droits humains sont en grande souffrance au Bénin. On note quelquefois des actes attentatoires à la préservation des droits humains. Mais il revient aux défenseurs des droits humains d’attirer l’attention des uns et des autres sur cela. Et quand on dit actes attentatoires, il ne faut pas toujours voir que ce sont des actes qui viennent du gouvernement. Lorsque, par exemple, vous êtes malade et que vous allez à l’hôpital ou dans une clinique privée et la sage-femme, l’infirmière ou l’aide-soignante qui vous reçoit vous néglige, vos droits à la santé sont violés. Donc, les actes attentatoires aux droits humains ne proviennent pas que forcément de l’autorité en place. La situation au Bénin n’est pas criante, mais il nous revient d’être vigilants. Vous avez appris qu’au Congo, un défenseur des droits humains a été assassiné. Je crois qu’on n’a pas encore ces cas ici et je rends grâce à Dieu. Mais il nous revient d’être vigilants comme je l’ai dit et d’être regardants, prêts à attirer l’attention de ceux qui ont à charge la satisfaction de ces droits humains.

Comment appréciez-vous la politique du gouvernement en matière de respect des droits humains ?

Moi, je suis une personne en situation de handicap. Que fait le gouvernement pour la promotion des droits humains, quand je prends la thématique de handicap ? Vous savez que le handicap fait partie des Objectifs de développement durable (Odd). Je ne le dirai jamais assez. C’est sous le gouvernement du président Talon qu’une grande obligation qui pesait sur le Bénin a été satisfaite. Quand on prend la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, un point de son article 4 demande aux Etats qui l’ont ratifiée de légiférer sur le droit des personnes handicapées. Le Bénin, avec la législature finissante, a voté, le 13 avril 2017, la loi portant protection des droits des personnes handicapées, qui a été promulguée le 29 septembre 2018 par le président de la République. Donc, c’est un grand pas de franchi. C’est vrai que ce n’est pas l’apothéose. Dans aucun pays au monde, les droits humains ne sont respectés à 100%. C’est toujours une quête permanente, même dans les plus grandes démocraties au monde et il nous revient de tendre toujours vers une meilleure protection des droits humains que de souhaiter retomber dans une situation qui va mettre en péril les droits humains.

Est-ce une bonne fortune pour le Bénin en matière de respect des droits humains ?

On peut se réjouir aujourd’hui. La Commission béninoise des droits de l’Homme sera bientôt installée. Toutes les parties prenantes ont désigné leurs représentants et par décret, le gouvernement vient de nommer les membres de la commission. Donc, quelque chose se fait pour permettre aux Béninois de jouir convenablement de leurs droits humains en tant que citoyens. C’est un acte important à côté du vote de la loi portant protection des personnes handicapées avec la prise de ce décret qui consacre l’existence de la Commission béninoise des droits de l’Homme, je crois qu’il y a un pas de franchi et il nous revient, nous défenseurs des droits humains d’être omniprésents, vigilants pour tirer la sonnette d’alarme au cas où il y aurait des actes attentatoires qui mettraient en péril la jouissance des droits humains.

Pourtant, les opinions divergent en matière des libertés de manifestation au Bénin. Qu’en dites-vous ?

Quel que soit le régime en place, il y a forcément des barons qui tentent de restreindre les libertés de manifestation. Il revient aux autorités de faire le recadrage. Je ne vais pas encourager celui qui a tracé une ‘’ligne rouge’’, mais si une manifestation doit passer dans un repère sensible, la prévoyance voudrait qu’on demande de passer ailleurs. On ne dit pas d’interdire la manifestation. Voyez-vous ce qui se passe actuellement en France avec les gilets jaunes ? Dans une manifestation, on ne maîtrise pas tout ce qui se passe. Il y a dans tout système démocratique des mesures. Quand on vous interdit de passer à côté de la maison du chef de l’Etat, passez ailleurs. Maintenant, quand on vous interdit de manifester, alors là il y a déni de liberté de manifestation.
Il faut retenir que la paix est comme un œuf. Il faut savoir la tenir, l’appréhender. Sinon, c’est le jour où l’on perd la paix qu’on mesure son importance. C’est une mission à laquelle j’invite tout le monde. Ce ne sont pas seulement ceux qui sont aux affaires qui ont en charge la paix.

Propos recueillis par Alexis M. METON et Babylas ATINKPAHOUN (Stag.)