La Nation Bénin...
Le
village de Donwari peulh à Kandi s’investit corps et âme dans la lutte contre
le mariage des enfants. Il signe sa
performance dans le domaine grâce à la détermination de toutes ses forces
vives. C’est avec beaucoup de fierté qu’il porte ses attributs de village
exempt de mariage d’enfants. Défi relevé grâce au programme Faaba Cash+Care, un
programme du gouvernement béninois en collaboration avec l’Unicef Bénin,
soutenu par le Royaume des Pays-Bas et le gouvernement canadien.
Donwari
peulh porte la flamme du renouveau dans le domaine de la lutte contre les
mariages des enfants au Bénin. Ce village situé dans la commune de Kandi, à
plus de 635 km de Cotonou, mobilise énergie, temps, méthodes, ressources
humaines et techniques pour soigner de nombreuses douleurs psychologiques et
physiques liées au mariage. Cette stratégie, le village la doit au projet Faaba
Cash+Care, initiative du gouvernement béninois en collaboration avec
l’Unicef-Bénin, appuyée par plusieurs partenaires tels que le Royaume des
Pays-Bas et le gouvernement canadien, et mise en œuvre par les Ong Dedras et
Educo. « Le programme est une réponse concertée et coordonnée contre les mariages
d’enfants », explique Brice Codjo Cakpo, chargé de la protection de l’enfant au
Bureau Unicef-Parakou.
A
Donwari peulh, le dispositif fait mouche. La particularité de ce village, c’est
de prendre de l’avance sur le temps. Que de mariages d’enfants déjoués dans la
localité !
Ici,
la lutte contre le phénomène est avant tout l’affaire des voix influentes. Pour
protéger les victimes, les grandes composantes de la localité ont formé un
noyau, capable d’endiguer toute velléité des auteurs. Les victimes peuvent
vivre des jours quiets et envisager des perspectives de vie heureuse. « Les leaders d’opinion, les femmes, les
jeunes se sont mis ensemble pour faire de la question du mariage des enfants
une lutte commune », se réjouit Brice Codjo Cakpo.
Ces
principaux leaders du village, regroupés au sein du Comité de veille villageois
(cvv), savent que pour relever le défi, ils doivent sortir de leur zone de
confort pour aller au cœur de la cible. « Nous faisons des visites à domicile
pour aider les familles qui font face aux violences basées sur le genre et nous
essayons de les résoudre. Nous référons les cas de mariages d’enfants vers les
Guichets uniques de protection sociale (Gups) et les commissariats », confie
Issifou Abdou Moumouni, membre du Cvv.
Ce
trentenaire expose l’une des toutes dernières stratégies mises en place par le
comité de veille villageois pour déjouer le mariage d’une mineure de 15 ans. «
Lorsque nous avons eu connaissance du cas, nous avons appelé automatiquement le
chef Gups qui nous a aidés à faire échouer ce mariage. Grâce au Guichet unique
de protection sociale, la fille en question a été admise dans un centre de
formation professionnelle où elle continue d’apprendre un métier», relate-t-il.
Abdoulaye
Wassou, membre du comité de veille, a été, lui aussi, témoin oculaire d’un cas
de mariage infantile. Le regard plongé dans le vide, il peine à évoquer le
souvenir douloureux de l’épisode qu’il a vécu.
Pour
les membres du Cvv, c’est un privilège de faire partie des acteurs de veille. «
Je suis très content de faire partie du comité de veille parce que tout en
étant témoins des cas, nous sommes également impliqués dans la lutte pour
sauver la vie des mineures», se réjouit Moumouni.
Pour
la bonne exécution de son plan de travail, le Cvv essaye de tenir à jour son
calendrier. « Ils sensibilisent régulièrement les couples aux diverses
thématiques pour prévenir les violences », poursuit Brice Codjo Cakpo, chargé
de la protection de l’enfant au Bureau Unicef-Parakou.
Grâce
à leur creuset, plusieurs cas de mariages d’enfants ont été déjoués, au point
même de faire des auteurs des alliés de premier rang. Témoignages :
«
On avait déjà tout prévu pour le mariage de ma fille âgée de moins de 18 ans et
son copain, un jeune garçon de 20 ans. Mais l’imam a refusé de célébrer le
mariage nous expliquant que nous serons coupables d’un acte répréhensible par
la loi », raconte Gorobélou Addou, père de famille, natif de Donwari peulh,
avant de poursuivre: « Quand j’ai compris les conséquences de mon acte, je me
suis résolu à m’investir dans la lutte ».
La force du Cvv
Le
comité de veille intervient sur trois volets : l’alerte précoce, la
dénonciation et les référencements des cas. Sa voix compte aussi dans la
promotion de la santé sexuelle et reproductive et dans la lutte contre les
Vbg.
Aujourd’hui,
les résultats dans la commune de Kandi parlent d’eux-mêmes.
«
Sur quarante-six villages évalués, quarante-quatre ont été certifiés zéro
mariage d’enfants. Cela conforte nos efforts, mais la lutte continue. Nous
ferons en sorte qu’il n’y ait plus de mariages d’enfants ni de violences basées
sur le genre. Nous ferons en sorte que les enfants puissent aller à l’école
pour contribuer au développement du pays », promet Brice Codjo Cakpo, chargé de
protection de l’enfant à l’Unicef, bureau de Parakou.
Fruit
du partenariat entre Unicef, Pays-Bas, gouvernement canadien et le gouvernement
béninois à travers le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance, le
programme Faaba Cash+Care vise entre autres à soutenir les communautés dans le
cadre de la lutte contre le mariage des enfants. Donwari peulh fait partie des
nombreux villages où le programme est mis en œuvre. Le dynamisme de ce village
fait honneur à l’Unicef.
« Donawari peulh fait partie des villages modèles où l’on a noté un fort engagement et une bonne dynamique de la communauté », apprécie Brice Codjo Cakpo, Amadou Savia, délégué de Donwari peulh, président du Cvv de la localité, est heureux que le projet les ait sortis de l’obscurité pour la lumière. « Nous avons été beaucoup sensibilisés à la lutte contre les mariages précoces et les mariages forcés. Ces deux thématiques que le projet aborde avec nous sont trés importantes, parce que nous vivions dans le noir, mais aujourd’hui les gens ont compris les dangers qu’ils courent en s’entêtant », témoigne-t-il.
Depuis
qu'il a été initié, Faaba Cash+Care travaille à inverser la tendance en matière
de mariages infantiles. « Le projet a commencé en 2022 avec l’Ong Autre Vie qui
avait certifié trente-six villages, exempts de mariages d’enfants, après deux
ans de mise en œuvre. La même mission a été confiée à l’Ong Dedras qui a pris
le relais. Il nous est assigné la certification de quarante-six autres
villages. Nous en avions certifié quarante-quatre. La commune de Kandi compte
aujourd’hui quatre-vingts villages sur quatre-vingt-deux certifiés », apprécie
Caleb Ichola, directeur du projet Cash+Care à Kandi et coordonnateur de l’Ong
Dedras.
Ces
résultats ne sont pas le fruit du hasard. Le Cvv de Donwari peulh, comme tous
ceux existants, constitué de sept membres, s’assure d’avoir les têtes de pont
du village en son sein afin de favoriser l’inclusion dans la mise en œuvre du
projet.
«
Nous désignons le délégué du village comme président du comité de veille, le
relais communautaire pour assurer le secrétariat, l’imam du village, le
représentant des jeunes, celui de la communauté agro pastorale et la
représentante des femmes », poursuit-il.
Le
défi de chaque Cvv, c’est de peser de tout son poids pour contribuer à bannir
le fléau dans chaque village. « Ils ont été suffisamment formés sur les
mécanismes de référencement des cas vers les centres de prise en charge.
Ensuite, de notre position, nous suivons la prise en charge des cas avec eux »,
assure Caleb Ichola.
Chaque
acteur intervient suivant un cahier des charges sur la base duquel, ses efforts
sont évalués. Pendant que Bakidoro Sanni est chargé d’assurer la mobilisation
communautaire lors des réunions, Yacoubou Issiaka, imam de Donwari peulh, a les
yeux rivés sur ceux qui veulent convoler en noces avant l’heure. Aucune
célébration nuptiale n’est possible sans l’aval de ce dernier. « Mon rôle, c’est de contrôler l’âge de ceux
qui veulent se marier afin de les autoriser ou non», souligne-t-il. Lorsque les
conditions ne sont pas réunies, l’imam devient pédagogue.
« Nous sensibilisons ceux qui veulent donner leurs enfants en mariage avant l’âge aux dangers qu’ils courent eux-mêmes et font courir à leurs enfants », développe-t-il.
Le
rôle des jeunes
A Donwari peulh, les jeunes savent que le mariage infantile est une aventure risquée auquel ils doivent riposter pour sauver leurs pairs. Sur ce terrain, personne ne dame le pion à Bello Issa. Son rôle est de suivre les jeunes dans le village et de sensibiliser la communauté au dialogue parents-enfants. « La réussite du projet Faaba Cash+Care tient en partie de la promotion du dialogue parents- enfants. Il faut que les parents mettent leurs enfants en confiance pour qu’ils s’ouvrent à eux en leur confiant ce qu’ils ont sur le cœur. Nous en profitons pour aborder la question des Vbg aussi bien dans les rangs des femmes que dans ceux des enfants ».
En
réalité, le titre de village exempt de mariages d’enfants ne s’improvise pas.
C’est un travail à la chaîne qui concourt aux meilleurs résultats. Dans ce
processus, les acteurs de l’éducation scolaire jouent également leur partition
en vue de la réussite de la mission. « Au niveau scolaire, les mécanismes de
veille prennent en compte les enseignants coaches, les vendeuses, l’association
des parents d’élèves, l’association des maires d’élèves (ndlr :
maires-enfants), les pairs éducateurs qui ont pour but de dupliquer les
enseignements reçus auprès de leurs camarades. Ces différents acteurs sont
aussi outillés pour référencer les cas», assure Caleb Ichola.
Toutefois,
le processus ne se déroule pas toujours comme sur des roulettes. « Les Gups,
autrefois Centres de promotion sociale (Cps), ne disposent pas forcément de
toutes les ressources pour prendre en charge les cas. Il y a des cas que
certains Cvv ont voulu gérer directement à leur niveau», révèle le
coordonnateur de l’Ong Dedras.
Tout
en luttant contre les mariages d’enfants, le projet Faaba Cash+Care soutient
les transferts monétaires au profit de la scolarisation et du bien-être des
filles. « Il vise à lutter contre le mariage des enfants tout en maintenant les
filles dans le système scolaire», soutient Brice Codjo Cakpo.
Si le dispositif n’était pas conçu, il faudrait donc l’envisager au grand bonheur des victimes, de leurs familles et des communautés bénéficiaires.
NB : Production réalisée avec la contribution de l’Unicef dans le cadre de la mission Presse en urgence