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Métier de menuiserie dans le Mono: Chantal Hounsou, un modèle de reconversion

Société
Par   Désiré C. VIGAN A/R Mono Couffo, le 10 avr. 2019 à 05h56

Métier requérant assez d’efforts physique. Il s'agit là de la menuiserie est loin d’attirer les femmes. Mieux, rien ne prédestinait Chantal Hounsou, 35 ans et mère de six enfants, à s’y retrouver. Suite à un accident de travail qui a invalidé son mari, le destin de cette couturière de formation a basculé. Après huit années de pratique de la menuiserie, elle ne regrette pas sa reconversion.

Peu avant 15h 30, ce samedi 23 mars 2019, Chantal Hounsou rejoint l’atelier de son mari où celui-ci l’attendait. Il s’agit d’un atelier de menuiserie sis au quartier Tchicomey, à Lokossa, au bord de la voie pavée menant du carrefour Tchessi à la buvette Hilton bar. Loin d’être un rendez-vous entre amoureux, cette visite permet à la jeune dame de donner un coup de main à son mari, Pierre Affadjinou Sossou.
Après l’instant des civilités, elle se saisit d’un rabot, en démonte la lame en acier, l’aiguise puis remonte l’instrument. Pendant ce temps, le mari finit de faire des tracés au crayon sur une planche qu’il tend à son épouse. Celle-ci prend le bois, l’ajuste sur la grande table de l’atelier et le passe à la scie. Au bout de quelques minutes, elle se sert du rabot préalablement mis au point pour polir la planche de bois. Au cours de cette manœuvre sur les quatre faces de la planche, Chantal soulève quelquefois le bois, l’examine du regard comme si elle en appréciait la rectitude. « Je réalise cette pièce pour un lit de deux places »,
indique-t-elle. Nombre de ces travaux de menuiserie n’ont plus de secret pour elle. « Elle peut fabriquer toute seule, des tables, bancs, tabourets, mobiliers de jardin et autres », s’enorgueillit son mari. L’épouse s’empresse de nuancer : « Il y a beaucoup d’autres meubles que je ne peux réaliser sans l’assistance de mon mari ».
Couturière de formation,
Chantal H. s’est reconvertie menuisière depuis 8 ans. Son aisance dans le maniement des outils et l’adresse de ses coups de scie laissent admiratif. Avant d’en arriver là, la grande difficulté qu’elle a affrontée en tant que femme, à l’en croire, concerne les efforts physiques que nécessite l’exécution des travaux en menuiserie. « Depuis le début de l’aventure, ma femme fait montre d’un engagement total. C'est elle qui va acheter le madrier et, à l’aide de pousse-pousse, ramène les planches de la scierie jusqu’à ce que je reprenne le contrôle de certains travaux », explique Pierre Affadjinou Sossou. Quand les articles issus des efforts conjugués du couple ne sont pas des commandes, ils sont exposés à la vente devant l’atelier. De façon spécifique, la menuisière a puisé dans ses expériences de femme pour devenir la reine de la fabrication des palettes et autres ustensiles de cuisine en bois qu’elle commercialise au marché notamment à Lokossa et à Comé. « Elle les réalise très bien », appuie Yollande Gbéton, une de ses nombreuses clientes.

Plus rentable que la couture

Admirée et encouragée pour avoir bravé les sentiers battus, Chantal H. ne serait devenue un modèle en menuiserie sans un concours de circonstances. Son destin a basculé suite à un accident de travail dont son mari a été victime. Pierre Affadjinou Sossou sollicité, courant 2009, pour réaliser la toiture d’un module de salles de classe à Savalou, dans le département des Collines, est tombé du toit. Les dégâts causes par l’accident sur sa santé l’engagent dans un combat contre la mort allant de la médecine moderne à la tradithérapie sans qu’il puisse retrouver toute sa motricité. Le récit de ce passé douloureux et les peines qu’il s’est données pour être encore de ce monde chagrinent le menuisier-charpentier dont le visage triste ne s’éclaircit que quand il raconte comment sa femme l’a convaincu, un matin, à se remettre au travail avec son assistance. « C’est après deux années de soins intenses pour mon mari que j’ai abandonné la couture pour le suivre à la menuiserie en raison de son état de santé. Il me dictait tout ce que je devais faire puisque je n’avais jamais appris le métier », confirme Chantal H. Cette décision n’a pas été bien accueillie de tout le monde. «Même mes parents, témoigne-t-elle, ont mis du temps avant de se résoudre à m’encourager», confie-t-elle. Si pour ses de parents, aucun sacrifice n’est de trop pour qu’une mère reste auprès de ses enfants sous le toit conjugal, les congénères de Chantal H. estiment plutôt excessif le risque qu’elle prend. Mais la menuisière dit ne pas en faire cas tant sa motivation est grande et porte une belle leçon d’amour. «J’étais en de bons termes avec mon mari quand il m’a dit : ‘’Je m’en vais sur un chantier…’’ Je ne vois donc pas pourquoi à la suite de son accident, je devrais l’abandonner », se défend-elle. A l’évaluation des huit années de sa reconversion, l’option se révèle, d’une part, un facteur de renforcement de la solidarité au niveau du couple et de leurs descendants. « Sa présence à mes côtés dans l’atelier renforce notre amour », témoigne Pierre A. Sossou. Les réalisations du couple bénéficient également de la contribution de leur progéniture qui suit les traces de la mère parallèlement aux études. C’est le cas notamment de l’aîné et de la cadette, Nadège Sossou qui passait, en cet après-midi du samedi 23 mars 2019, du vernis sur un guéridon dans le lot des meubles exposés pour la vente.
De l’autre, les attentes en matière de recettes sont comblées. « La menuiserie est plus rentable que la couture », tranche Chantal H., sans aucun regret d’avoir mis la couture en veilleuse. En l’avouant, elle semble heureuse d’avoir atteint l’objectif de mettre son ménage à l’abri du besoin. Cependant, pour conforter leurs revenus, le couple développe d’autres activités. C’est ainsi que la reine des palettes coud, à ses heures de pause, des caleçons et autres effets vestimentaires pour enfants à base des fripes quand la production de l’huile rouge, une troisième activité, lui laisse un peu de temps. Le mari, quant à lui, s’est initié aux consultations du Fâ et à la tradithérapie.