La Nation Bénin...
Pour le compte du 6e dossier en examen, la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou s’est penchée sur le cas de Médard Codjo Koudja-gbagba qui y était poursuivi pour détournement de deniers publics au préjudice de La Poste du Bénin pour un montant présumé de 22 459 000 F CFA. La Cour était présidée par Saturnin Avognon avec le concours de Georges Toumatou et Damienne Lima Dossa. Le représentant du ministère public avait nom Apollinaire Dassi. L’Etat béninois était représenté par Séverine Lawson, agent judiciaire du Trésor.
Cinq ans de travaux forcés et l’examen des intérêts civils reporté à la prochaine session. C’est ce qu’il convient de retenir de l’examen du 6e dossier examiné par la Cour d’assises. Puisque l’accusé Médard Codjo Koudjagbagba a varié sur les montants, tantôt 114 000 F CFA, tantôt 700 000, tantôt encore 22 459 000 F CFA. Et il n’y avait pas d’éléments justificatifs pouvant authentifier le montant détourné mis à sa charge.
Les faits
Pour les faits, le président de la cour les a résumés à l’assistance. Il faut en retenir que le directeur de l’Inspection générale, du Contrôle et de l’Audit de La Poste du Bénin S.A., a saisi la Brigade économique et financière de la direction de la Police judiciaire d’une plainte révélant que suite à une vérification des répertoires des boîtes postales du bureau de poste de Cotonou PK 3, des carnets à souches n°1108 de recouvrement des redevances dont l’agent Médard Codjo Koudja-gbagba a la charge , il se dégage un déficit de 22 459 000 F CFA. A l’enquête préliminaire, l’accusé a reconnu les faits mais soutient qu’il n’a détourné qu’un montant de 700 000 F CFA. Devant le magistrat instructeur, il a, lors de l’interrogatoire de première comparution, nié les faits.
A l’interrogatoire au fond, il déclare avoir ramassé un carnet à souches numéro 1108 qu’il a utilisé en le dessouchant et que les fonds détournés portent sur un montant de 114 000 F CFA.
Médard Codjo Koudjagbagba déclare, par ailleurs, que pour éviter d’éveiller tout soupçon et prouver le paiement des redevances par les clients, il inscrivait régulièrement les numéros desdits reçus dans le répertoire de paiement et par la suite, brûlait systématiquement les carnets à souches.
Le rapport d’expertise psychiatrique et psychologique concernant l’accusé fait état de ce qu’aucun trouble mental objectivable pouvant abolir le contrôle de ses actes, n’a été répéré. L’enquête de moralité fait ressortir que le nommé Médard Codjo Koudja-gbagba jouit d’une bonne moralité et d’un grand respect dans son quartier de résidence. Il était un membre influent des sages du quartier. Son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation.
Dans tous les cas, on le soupçonnait d’avoir soustrait au préjudice de La Poste du Bénin S.A., en 2005, 5 789 000 F CFA, en 2006, la somme de 6 942 000 FCFA et jusqu’au 12 juin 2007, le montant de 9 728 000 F CFA, soit 22 459 000 F CFA au total. Ce que Médard Codjo Koudja-gbagba ne reconnaît nullement. Expliquant les circonstances de son forfait, il a indiqué qu’il n’était pas seul à manipuler les carnets et autres documents. En tant que distributeur et compte tenu du manque de personnel, certains de ses collègues et lui étaient commis aux tâches de perception des taxes. Ainsi, a-t-il insisté, il ne pouvait répondre tout seul des malversations qui ont été enregistrées suite au contrôle.
Crime d’argent et non crime de sang
Présentant ses observations, l’agent judiciaire du Trésor qui demandait à en savoir davantage, fait remarquer que c’est depuis 2004 que l’accusé a reconnu avoir commencé à aider les agents de guichets à percevoir les sous des boîtes postales. Et à partir de 2005, les actes de détournement se sont multipliés, selon elle. « Le crime d’argent n’est pas comme le crime de sang ; il se commet de façon insidieuse et il faut fouiller pour le découvrir », a déclaré Séverine Lawson. Pour elle, depuis la plainte de Michel Avocè, le pot-aux-roses a été découvert et les faits sont là. Médard Codjo Koudjagbagba a trahi la confiance placée en lui. Et il faut être reconnaissant à Michel Avocè, sinon la saignée aurait été plus prononcée. La Poste du Bénin S.A. a été délestée de ses avoirs. C’est la raison pour laquelle Séverine Lawson a déclaré se constituer partie civile pour l’Etat béninois, réservant le montant exact que l’Etat entendait réclamer lors de l’examen des intérêts civils.
Mais auparavant, lors de ses réquisitions, Apollinaire Dassi a soutenu que l’appât du gain facile et la volonté de s’enrichir coûte-que-coûte obnubilent et poussent au vice. Les faits reprochés à l’accusé qui constituent l’ossature du 6e dossier s’inscrivent dans cette vérité sociétale, soutient-il. Après avoir rappelé les faits, le représentant du ministère public a indiqué que l’accusé a contesté ce montant. Toutefois, la loi applicable à la cause est l’ordonnance 79/23 du 10 mai 1979. Reconnaissant à l’accusé la qualité d’agent permanent de l’Etat commis à la perception des valeurs, Apollinaire Dassi a reconnu que c’était déjà l’une des conditions pour retenir sa responsabilité.
De plus, il a ajouté sur la base des montants qui étaient successivement mis à sa charge en 2005, 2006 et 2007, que Médard Codjo Koudjagbagba a détourné 5 789 000 F CFA, 6 942 000 F CFA et 9 728 000 F CFA, soit un total de 22 459 000 F CFA. «Les débats me laissent perplexes par rapport au montant. Comment l’inspection a-t-elle été faite ? Comment ce montant a-t-il été retenu ?», s’est-interrogé le ministère public. Instruisant à charge et à décharge, il a fait remarquer que l’accusé a déclaré, compte tenu du manque de personnel, qu’il n’a pas été seul à manipuler les carnets et autres documents de sorte que les 22 millions de francs ne lui étaient pas entièrement imputables. « Dieu seul sait le montant qu’il a détourné ; je ne suis pas partisan du vous en voulez, en voilà.
A-t-il pu agir seul ? Votre tâche est très difficile », a noté Apollinaire Dassi, demandant à la cour de le punir objectivement pour ce qu’il a détourné, sans parti pris. Son casier judiciaire étant vierge et le rapport d’enquête de moralité lui étant favorable, le ministère public a indiqué de le retenir coupable des faits de détournement de deniers publics et de le condamner à une peine correctionnelle ou criminelle, selon sa conviction.
Ce que consent Me Yaya Pognon pour qui il n’y a pas eu des doutes, mais des certitudes que ce n’est pas son client seul qui a détourné la totalité du montant indiqué. «Nous sommes en matière pénale ; l’élément matériel seul existe mais le montant détourné pose problème», a retenu Yaya Pognon. Il a déclaré partager avec l’agent judiciaire du Trésor (AJT) le caractère du souci exemplaire des sanctions du procès en cours. «Les jeunes l’attendent ; offrez-lui cette chance ; jugez au nom du peuple béninois mais jugez juste», a plaidé la défense, indiquant plutôt une loi de 1980 à appliquer.
Une fin de non recevoir
C’est sur cette loi que l’AJT a opposé une fin de non recevoir. «Cette loi n’a rien à voir ; c’est bien l’ordonnance 79/23 qui est applicable. Les faits sont là, il ne les a pas contestés», a-t-elle insisté. Poursuivant que s’il n’est pas seul à avoir utilisé les répertoires, les recherches et contrôles ont été opérés en sa présence, a justifié l’AJT. «Ce n’est pas en voulant payer 114 000 F CFA qu’il va consentir à vendre sa maison et vous avez perçu sa réponse, lorsqu’on lui a demandé ce qu’il va faire du produit de la vente», a encore rétorqué l’AJT.
En répliquant à son tour, la défense a rapporté qu’il revient à la juridiction devant laquelle l’application d’une loi est demandée, d’en apprécier la pertinence.
Après s’être retirée, la cour revient et après délibérations a reconnu Médard Codjo Koudjagbagba coupable des faits de détournement de deniers publics et l’a condamnée à cinq ans de travaux forcé.
Statuant sans les jurés sur les intérêts civils, Saturnin Avognon a demandé à l’AJT de présenter ses observations spécifiques. Ce qui fut fait.
Les débats se sont focalisés sur le montant mis à sa charge. Cela n’a pas été inventé. Les répertoires portant les noms des abonnés ont été sortis. Il fallait rapprocher les montants inscrits des versements faits. C’est le gap obtenu pour chaque année qui constitue le manquant. C’est bien avant sa présentation au commissariat que ces vérifications ont été faites, a-t-elle souligné. L’accusé, a-t-elle indiqué était dans une logique de contestation des montants.
Il a réglé le cas du monsieur qui a permis de découvrir ses manigances, relève-t-elle. Mais pour les autres, il a été surpris par les montants ; il a brûlé les autres preuves, les souches ayant été brûlées ; tout en sachant qu’il y a des abonnés qui paient des pénalités, certains par avance, relève l’AJT. Et de préciser que le répertoire est rempli à la main; il y a eu reconnaissance contradictoire, insiste Séverine Lawson.
En plus du montant compromis, l’accusé devra, selon Séverine Lawson, verser des dommages intérêts pour 2 millions.
Pour le ministère public, il faudra en plus des dommages et intérêts, retenir contre l’accusé le paiement d’intérêts au taux de 3,72% l’an pour compter de la date du prononcé du verdict.
« Je suis perplexe ; j’aurais aimé avoir à affronter des preuves irréfutables ; nous sommes en présence de présomptions », a déploré Yaya Pognon. Surtout que l’AJT a affirmé que le répertoire se remplit à la main. La défense estime qu’il aurait été plus juste de disposer en de pareilles circonstances d’une expertise graphologique. « Il est coupable du gap ; condamnez-le au paiement du gap », ironise la défense.
Devant l’insistance de la défense et la perplexité du ministère public sur le montant exact détourné, l’AJT a déclaré fournir d’autres précisions si la cour n’était pas convaincue de ses explications.
La cour se retire une nouvelle fois et sur les intérêts civils, déclare que le préjudice n’est pas définitivement déterminé. Elle a donc reçu la Poste du Bénin S.A. en sa constitution de partie civile, mais a renvoyé l’examen des intérêts à une session ultérieure en réservant les dépens.