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Réinsertion sociale des détenus de la prison civile de Parakou: L’espoir d’une nouvelle vie

Société
Des produits dignes d'un chef-d'oeuvre Des produits dignes d'un chef-d'oeuvre

En dehors de son centre d’affaires improvisé derrière sa haute muraille surmontée de barbelés, la prison civile de Parakou dispose de nombreux ateliers dans lesquels certains détenus s’occupent. Ces derniers, dans l’espoir d’une nouvelle vie à la fin de leur séjour carcéral, préparent ainsi leur réinsertion sociale. 

Par   Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori, le 02 sept. 2024 à 06h18 Durée 3 min.
#Réinsertion sociale

Jeudi 22 février 2024, il est 10h30 min. A la cour centrale de la prison civile de Parakou, aux quartiers des hommes, le centre des affaires grouille de monde. Il y règne une ambiance que l’on ne pourrait imaginer de l’extérieur. La cafétéria, les gargoteries et les petits commerces avec leurs étals aménagés sous de petits hangars ne désemplissent pas. Ils connaissent leur animation habituelle avec les va-et-vient incessants de leurs éternels usagers. Mais pour d’autres détenus, c’est le moment de mettre leur temps libre à profit dans les ateliers.

Pendant que certains fabriquent des objets d’art, les sacs à main de différents modèles pour les courses, les paniers, les colliers, les bagues et les bracelets, d’autres ont opté pour les travaux de petites réparations en matière de plomberie, d’électricité et de soudure-métallurgie. Privés de leur liberté, lorsqu’ils ne sont pas dans leurs cellules, au niveau des quartiers qui portent les noms de ceux de Parakou, Albarika, Titirou, Guéma et autres, ces pensionnaires laissent libre cours à leur créativité dans les ateliers. En dehors de l’apprentissage d’un métier, ils sont occupés à mener des activités qui, pour eux, constituent aussi bien un passe-temps qu’un gagne-pain. A l’arrivée, ils donnent vie à des produits dignes d’un véritable chef-d’œuvre.

En effet, assis sous un hangar, c’est un tisserand qui est à l’ouvrage. Il travaille à tirer des tissus à partir des fils de coton. Quelques mètres un peu plus loin, c’est un autre détenu qui tient un salon de coiffure. La trentaine environ, élégant, le teint clair et les cheveux naturellement bien soignés, il a sous ses ordres un groupe composé d’au moins deux sous-patrons et une demi-dizaine d’apprentis. Par jour, confie-t-il, son atelier enregistre en moyenne une dizaine de clients qui, pour se faire coiffer ou se raser les barbes. En fonction du service demandé, le tarif varie souvent entre 100 et 200 F Cfa. Au regard de la maîtrise dont il fait preuve, ce détenu exerçait déjà ce métier avant de se retrouver en prison. Ce sont les circonstances de la vie, avoue-t-il, qui l’ont contraint à se retrouver dans cet endroit. Pressé de recouvrer sa liberté, pour pouvoir exercer ce qu’il apprend, l’un de ses apprentis souffle qu’il a déjà purgé deux ans des 5 ans de sa peine.

S’il est une période que redoutent la plupart des détenus, c’est celle après leur sortie de prison. Malgré toute leur volonté de tirer un trait sur le passé, ils éprouvent beaucoup de difficultés pour commencer une nouvelle vie. Pour certains, cette période a souvent été celle du désenchantement. Marginalisés et incapables de se prendre en charge, ils n’arrivent finalement pas à s’insérer au sein de leur communauté ou de la société. Ils replongent alors dans les travers, puis s’ensuit la récidive. Ce qui les contraint à retourner en taule limer à nouveau leurs dents contre les barreaux. Aussi est-il important que, au cours de leur séjour carcéral, l’on les aide à apprendre un métier. L’objectif est d’amener également ceux qui en avait déjà un à continuer de l’exercer afin de ne pas perdre la main.

Occuper les détenus

Comme la plupart des maisons d’arrêt au Bénin, la Prison civile de Parakou a également conscience de cette situation. Elle compte 13 ateliers à la disposition de ses détenus. Il s’agit, entre autres, de la menuiserie, de la soudure, de la coiffure, de la couture, de la bijouterie, du jardinage, de l’artisanat, de la fabrication de sacs, de colliers et des chaussures, d’un atelier pour la fabrication du savon, sans oublier celui des tisserands.

Ce sont des détenus, appuyés parfois par quelques personnes ressources, qui y travaillent. «Être prisonnier n’est pas une fin en soi. Ce n’est qu’un passage. A la sortie de la prison, il y a une autre vie qui commence. Dans ces ateliers, les détenus ont donc l’occasion de libérer leur génie et de faire parler le talent qui sommeille en eux, pour être utiles à leur communauté et à la société», fait observer le régisseur de la prison A. Z. Moussa.


En effet, la formation qu’ils reçoivent devrait leur faire acquérir les connaissances et compétences nécessaires qui, si elles sont bien intégrées, feront d’eux de nouvelles personnes débarrassées de l’ennui et du vice, à l’abri du besoin. Ils ont donc l’occasion de passer leur séjour carcéral dans de bonnes dispositions d’esprit.

L’initiative, explique la directrice des études, de la réinsertion et des relations avec les autorités judiciaires (Derraj) à l’Agence pénitentiaire du Bénin (Apb), Bénédicte Tchokpon Ouorou, fait suite à une réflexion qui voudrait que, au cours de leur séjour carcéral, l’on occupe les détenus afin qu’à leur sortie, ils puissent trouver quelque chose à faire et se prendre en charge. Elle est le fondement de la lutte contre la récidive. « Ce n’est pas facile de passer autant de temps en détention, de sortir et ne pas trouver le minimum pour pouvoir se prendre en charge. C’est parce que certains n’arrivent pas à le faire, qu’ils récidivent souvent », poursuit-elle.

Au Bénin, la Prison civile de Parakou fait partie des trois établissements pénitentiaires retenus dans le cadre de la phase pilote de la mise en œuvre du plan de réinsertion socio-professionnelle en faveur des détenus. « La priorité est accordée aux détenus condamnés. C’est pour leur permettre, à leur sortie, d’avoir quand même un parchemin justifiant qu’ils ont appris un métier, puis de pouvoir l’exercer », précise Bénédicte Tchokpon Ouorou. Dans les jours à venir, informe-t-elle, plusieurs activités entrant dans le cadre de la réinsertion telles que la construction et l’équipement des ateliers de couture, des stylistes et modélistes, le recrutement de psychologues, d’éducateurs spécialisés et d’assistants sociaux pour la prise en charge et l’orientation vers un métier, sont prévues dans les établissements pénitentiaires.

Pour une réinsertion accrue

« Ce plan est en cohérence avec la vision du gouvernement d’accompagner les détenus, une fois leurs peines purgées », appuie Justin Gbènamèto du ministère de la Justice et de la Législation. A travers la formation en fabrication de chaussures au profit de 100 pensionnaires qui s’y est ajoutée, le gouvernement ouvre, rassure-t-il, la voie aux travaux d’intérêt général qui les porteront certainement vers de nouveaux horizons, une vie meilleure après leur détention.

« L’Agence pénitentiaire du Bénin n’a pas pour mission unique la garde des détenus. Elle doit également prévenir la récidive et contribuer à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire ou le tribunal. L’objectif, ce n’est pas de mettre en cause les erreurs des détenus, ni de minimiser la souffrance de ceux qui ont été leurs victimes, mais de les aider. Cela, en les préparant à se réintégrer dans la société, parce qu’il y a une vie après la prison», rappelle Roméo Mouyoré de la préfecture du Parakou, tout en remerciant le gouvernement, pour les nombreux efforts qu’il ne cesse de consentir pour offrir de meilleures conditions dans les maisons carcérales. En prison aujourd’hui, soutient-il, c’est bien possible d’apprendre et de se préparer également pour renaître et reprendre avec la vie professionnelle.

Par la voix de leur représentant, les pensionnaires de la maison d’arrêt de Parakou réalisent l’opportunité qui leur est accordée, après leur vie carcérale, de pouvoir s’insérer dans la société. Leur souhait étant de ne pas voir les établissements pénitentiaires du Bénin être des centres de promotion de la délinquance, mais plutôt des centres de rééducation et de réinsertion, ils ne doutent pas de la volonté du gouvernement de les accompagner.

Ancien détenu de cette prison, K.O. avoue bien s’en sortir aujourd’hui. C’est après avoir pris, lors de son séjour, par l’un de ces ateliers. « A ma libération, bien qu’ayant déjà purgé ma peine pour un viol qu’on m’a accusé d’avoir commis, j’ai été stigmatisé par mes proches. Abandonné et rejeté par tous, c’est la fabrication des sacs que j’ai appris en prison qui m’a permis de reprendre mon destin en main », confie-t-il avec émotion et une pointe de fierté. Il reconnait également avoir vu sa vie changer complètement.

Quelques difficultés

Par ailleurs, la vente des produits fabriqués dans ces ateliers est une source de revenus et de soulagement pour les pensionnaires. Elle leur permet d’avoir des revenus afin de subvenir à leurs petits besoins. C’est surtout le cas au niveau du jardin où une gamme de produits bio, se réjouit le régisseur, sont proposés aux bonnes femmes et aux populations de Parakou.

Toutefois, quelques difficultés sont à déplorer au niveau des ateliers. Il y a celles liées à l’indisponibilité des outils et équipements adaptés, puis à l’approvisionnement en matières premières. A cela s’ajoute le problème de débouchés pour écouler les marchandises produites, à cause des préjugés portés sur les prisonniers. Grâce à des foires organisées en dehors de l’enceinte de ladite maison d’arrêt et au cours desquelles elles feront l’objet d’expositions, le public aura davantage l’opportunité de mieux les apprécier et de les acheter. Ce sera pour maintenir l’initiative à flot afin de ne plus voir les détenus récidiver, après leur sortie de prison■