La Nation Bénin...

Steve Facia : L’enchanteur télé

Société
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 24 août 2021 à 06h21
Voix légendaire de la télévision publique béninoise, Steve Facia est unique dans sa façon de présenter, d’être, de penser et même d’agir. Quarante ans de métier dont dix dans le showbiz, plus de trente dans l’animation télé, une carrière exceptionnelle qu’il sied de revisiter. L’entretien avec lui a lieu au bout de deux rendez-vous. Un premier mal ficelé, puis un second qu’il confirme sans hésitation. « Tu es où jeune frère, viens qu’on en finisse ». De sa voix imposante de l’autre bout du fil, Steve Facia était disposé à s’ouvrir. Il nous reçoit dans les locaux de son entreprise à Aïbatin, dans le 12e arrondissement de la ville de Cotonou. Il y tient ses bureaux, aussi bien le siège de sa boite que ses studios, de même que des locaux dédiés aux activités de sa femme. Un duplex décoré avec glamour. On devrait y voir la main de son épouse, Inès Garoué, elle aussi grande figure de la télévision. La femme occupe le premier niveau et le second est réservé pour Steve Facia. Les échanges se déroulent en fin de soirée. Pourtant le patron de Média productions semble très affairé. Pour mieux se concentrer sur la finalisation d’une commande publicitaire et la préparation de son émission à venir, il accroche sa longue tunique en basin riche à un des sièges de son bureau. Sandalettes et débardeur, il est entre des navettes pour s’assurer que sa cliente sera satisfaite de ses propositions. Le local qui lui sert de bureau est sobre, mais bien décoré. Inutile d’en livrer tous les détails, mais sur son bureau, des photographies en petits formats de ses enfants et de sa femme. Au mur, juste derrière lui, le couple très enjoué en tenue locale. Steve Facia est le troisième enfant d’une fratrie de quatre. Son nom reste intimement lié à celui de l’animation télé au Bénin. Il y a fait la pluie et le beau temps avant de faire un break, mais reviendra plus imposant que jamais avec une émission à succès. S’il n’avait pas été animateur, il aurait été avocat. « Je serais sans doute avocat si je n’étais pas devenu animateur. J’aime la rhétorique, j’aime parler. Dans notre famille, nous adorons parler. C’est un art chez nous. J’aurais fait un travail qui aurait trait à la rhétorique. Je n’ai jamais appris à parler, j’estime aussi qu’on n'apprend pas à parler ». Mais cet homme qui ne révèle jamais son âge est un grand passionné de télévision. Hier maître à jouer d’émissions de grande audience comme «Stars music » ou encore « télé-millions », aujourd’hui animateur-producteur, chef d’entreprise et chrétien évangélique, le Bad-boy d’antan a cédé place à un homme de Dieu qui ne jure que par son travail et sa famille. Trois temps forts sur les écrans La vie d’animateur de Steve Facia se résume en trois temps forts. Il y eut d’abord la période entre 1991 et 1998. Il a fait les heures les plus glorieuses de l’animation télévision. Il a régné en maître comme il se plait à le dire. Ce fut la faste période de la célèbre émission « Stars music». Tous les samedis à partir de 21heures, le pays s’arrêtait pour se concentrer sur les écrans, à l’écoute de l’élancé et bien frêle animateur, caquette bad boy, jeans, baskets au point. « J’ai régné en maitre parce qu’il n’y avait aucune chaîne concurrente. La télévision nationale était en leadership avec un monopole absolu. Cela m’a permis de déployer mes ailes et mon talent, et d’imposer ma vision de la télé et du divertissement », reconnaît modestement Steve Facia. Ce fut, laisse-t-il entendre, « des moments formidables où nous avons réinventé la télévision au Bénin ». Des réalisations qui resteront pour la postérité, croit-il. « Quand j’ai commencé, je n’avais pas de mentor, personne n’avait encore rien fait, mais on est venu sur le tas pour créer et proposer », soutient, nostalgique, l’homme qui a fait la pluie et le beau temps sur les écrans de la chaine nationale. Mais « Stars music » ne sera pas la seule innovation de l’homme. Il y eut également « Télé millions » qu’il anima en duo avec Jocelyne Alladayè. Ce ne fut pas moins un grand moment de télévision. Cet autre pan de l’aventure n’a pas été moins révélateur du talent de l’homme. « Télé millions était un grand show télé. C’est la première fois qu’on voyait un duo quitter son studio pour rentrer dans un espace autre avec du public et ce fut aussi une émission à succès ». Ce succès de plus va introduire Steve dans le deuxième temps fort. Devenu célèbre avec tout ce qui va avec en termes de vices, le jeune animateur va vite sombrer. « Il y eut une mauvaise passe et j’ai fait un break », lâche-t-il. Cette étape représente sans aucun doute le gros trou noir de sa carrière et aussi de son existence. Il ne s’en cache pas et n’en a d’ailleurs pas honte. Droit dans ses bottes, il assume tout ce qu’on pouvait lui reprocher. Steve Facia a beaucoup changé. Ce qui est évident, à l’entendre, c’est qu’il ne sera plus jamais le même homme. En tout cas, le jeune homme de ces années-là a disparu pour faire place à un homme plus grand, ayant la criante de Dieu, mais avec les mêmes ambitions pour la télévision et l’animation. Secrets de réussite Depuis le trou dans lequel le succès, et dans une moindre mesure la gloire l’a précipité, il est resté tout de même proche de la télévision. Il l’a regardé de loin sans en être satisfait. Lui qui au sommet de son art a chuté brutalement et a été débarqué des écrans observe depuis son isolement que rien ne change, que la télévision manque encore de beaucoup de choses et qu’il a encore une place à y prendre. « Je rêvais de faire de nouvelles propositions… Je suis venu avec Week-end Matin, une émission de compagnie, détendue, qu’on peut suivre chez soi des heures durant sans s’en rendre compte». Nous sommes en 2001-2002. L’animateur vedette allait signer son retour. Les nouveaux dirigeants du service public n’y voient pas d’inconvénients. Steve Facia pouvait inaugurer l’ère 3 de sa carrière. Il y est depuis, prend de l’âge mais ne s’essouffle point. Si l’animation télé n’avait existé nulle part, il aurait eu le génie de l’inventer. Il ne se sent bien qu’à faire ça, même si ses vieux jours sont de plus en plus consacrés à la production. Désormais en couple, Steve ne reviendra plus seul à la télé. Pour son épouse Inès, il a conçu « Le club des fans», une autre émission à succès pour les enfants que cette dernière se chargera de conduire. Autant des vedettes du foot sont passionnées de leur discipline, autant Steve est « dingue » de la télévision. Il y excelle. Avec lui, point d’improvisation et d’à peuprès. Après plus de trente ans de télé, Steve Facia continue de préparer chacune de ses émissions comme la première. Il y met soin et rigueur. Autant ces vedettes s’entraînent pour être performantes, autant il en fait aussi. Son aire de jeu, le géant miroir témoin de ses exercices de gestuelle, de diction… Bref, un soin méticuleux est mis à l’œuvre pour que le résultat soit impeccable. « Quand vous ne vous exercez pas, vous perdez le don précieux que Dieu vous a donné. J’ai fonctionné pendant toutes ces années à coups d’exercices», déclare-t-il. Inès Garoué, sa « prisonnière » d’un soir ! Il y a de ces rencontres qui changent le cours de la vie des hommes. Celle de Steve Facia et Inès Garoué en avait bien l’air. Leur histoire, très peu ordinaire se résume en une seule soirée. Alors que l’homme sortait d’une visite chez son ami Christian Lagnidé, une des employées de ce dernier sollicite le galant animateur pour la déposer en ville. Elle allait répéter dans sa chorale au Collège Père Aupiais. « Elle m’a suggéré de la dépanner. Il n’y avait pas un attrait particulier. J’en avais vu d’autres ». L’exercice plait bien à Steve qui lui, s’exécute avec empressement. Il voulait juste partager un temps de route avec cette « petite fille à la petite voix ». La suite de l’histoire, on la connait. Mais comment en sont-ils arrivés là ? C’est Inès qui a manqué d’être sage, estime Steve. C’est que la jeune dame, aujourd’hui grande figure de la télévision au Bénin et ailleurs dans le monde, n’aurait jamais dû accepter l’invitation du piégeur à venir la chercher à la fin de sa répétition. C’était son erreur, la belle erreur. A la question de savoir comment un grand homme comme lui, charmeur par excellence succombe devant une frêle créature comme Inès, Steve révèle ce qui l’a fasciné chez celle qui deviendra son épouse. « J’aime ce qui est cérébral. Je n’aime pas la légèreté intellectuelle. J’ai trouvé tout de suite qu’elle avait de la contenance et du contenu. Elle était très belle aussi. Nous avons eu des échanges très soutenus. Elle parlait un français très raffiné, très racé. Je me suis proposé de revenir après sa répétition, elle m’a laissé venir la chercher, et on ne s’est plus jamais quittés », conte avec émotion l’animateur. « D’avoir rencontré Inès, c’est l’une des belles choses qui me soient arrivées », reprend-il, avec sourire. « Elle m’a beaucoup aidé dans ma vie, elle m’a donné envie de me battre, de devenir père, mari. Elle était dans son rôle d’épouse et de mère et c’était formidable », poursuit-il. Sur son épouse, il ne se lasse pas de parler. Il partage combien elle est femme forte, battante, pleine de rigueur, d’autorité avec une envie de réussir à tout prix. Si Steve Facia en parle avec amour et émotion, c’est parce que celle-là a quelque chose de particulier, quelque chose de plus que toutes les autres qu’il a pu croiser et dont certaines, à une époque, cultivaient les mêmes revers et vices que lui. Pour une fois, confesse-t-il, « je voyais quelqu’un qui m’aimait ». Elle est « une femme fragile, petit corps, petite voix, différente de tout ce que j’ai vu jusque-là. Je l’ai épousée et je n’ai pas regretté. Presque 22 ans de mariage et l’aventure continue ». Etonnant renouvellement de sentiment tout de même quand on sait que plus d’une fois, dame rumeur a annoncé la dislocation du couple et que dernièrement, le téléphone arabe a ventilé à grand renfort de publicité que Steve et Inès, c’est du passé, qu’entre les deux tourtereaux d’hier, la parallèle s’est installée et que le célèbre couple d’animateurs télé a brisé son union. « C’est complètement faux », reprend vigoureusement Steve. « Je ne mentirais jamais. Mon couple n’a jamais battu de l’aile, dans un sens comme dans l’autre. Mon épouse a dix mille raisons d’être fatiguée. Je ne suis pas forcément le garçon sage, mais nous sommes toujours ensemble», soutient incisif, l’époux heureux. Ces élucubrations, il dit les comprendre tout de même dans une moindre mesure. Désormais animatrice pour Canal+, Mme Facia n’est plus constamment au Bénin. Elle voyage beaucoup et doit passer une bonne partie de ses mois à Abidjan en tournage. « On la voit moins à Cotonou, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes plus ensemble», clarifie-t-il. « Je n’ai jamais été enprison… » Autant il est à l’aise pour évoquer ses succès d’antan, autant il l’est quand il évoque les trous noirs dans sa vie. « Je ne renie pas mon passé, ni rien de ma vie, j’assume », répond-il de tout son sérieux. « Je n’ai jamais été en prison, c’est une légende et je peux comprendre », dit l’animateur avec sourire. Ce qui est évident, c’est que dans les années 98, l’animateur à succès, alors qu’il faisait la pluie et le beau temps à la télévision, a chuté. Il avait disparu des écrans parce que sa vie a connu une grosse chute. 21 ans après, il revient sur cette partie de son existence sans se voiler la face. Avez-vous touché à la drogue ? Sa réponse ne se fit pas attendre. « Non, je n’ai pas touché à la drogue, j’ai toujours vécu avec la drogue et ce sont ces choses qui ont causé ma chute ». « Quand on a beaucoup de succès, on a besoin de béquilles, de soutien, physiquement et humainement. Mais c’était un leurre », lâche-t-il. Ces stupéfiants « nous aidaient à tenir, à continuer de rêver, de proposer des choses », mais la finalité est toujours évidente, c’est une chute. « J’ai fait de mauvaises choses et cela fait partie du showbiz. J’étais un homme à succès auprès des femmes, l’alcool, les cigarettes… beaucoup de choses m’ont fait tomber, mais je refuse qu’on croit que j’ai été en taule, jamais». Autant il n’a pas fait la prison, autant il n’a jamais été pasteur. La parole de Dieu, il l’a prêchée de toutes les manières possibles, allant jusqu’à évangéliser de maison en maison. Mais il n’a fait aucune formation pastorale et refuse qu’on le prenne pour tel. Tombé au fond de la gadoue, il lui fallait tout de même vivre et subvenir à ses besoins. Face à sa nouvelle condition sociale, l’animateur s’est tourné vers le monde des petits métiers. Tout y est passé, pour peu qu’il pouvait trouver de quoi vivre. Des vendeurs de bois à Kétou et à Manigri gardent encore à l’esprit le souvenir de ce « collègue » élancé, corps frêle qui, un matin, débarqua dans leur secteur d’activité pour arracher une petite place et se faire aussi son beurre. Ces choses, Steve confesse les avoir faites avec le même entrain et le même engagement qui caractérisent chacun de ses actes. Mais il n’y aura pas que du noir. Ce sera également l'occasion pour ce garçon de bonne famille, élevé dans un amour familial excessif avec une mère particulièrement protectrice de faire la rencontre du Christ. Sa vie devrait prendre un autre tournant. Quand vous êtes un homme public, un homme à succès alors que vous n’étiez pas forcément préparé à cela, vous chutez. «Je suis tombé dans beaucoup de travers et cela m’a fait traverser beaucoup de choses. Mais, j’ai fait ma conversion au Christ. J’ai appris à me redéfinir, à connaitre Christ et à le mettre au centre de ma vie », reconnait aussi l’animateur. Avec sa reconversion, indique-t-il, il a pu obtenir la rédemption et bénéficier de la thérapie qu’aucun homme ne peut offrir. Tout sauf bling-bling… S’il y a une chose que le temps et l’âge n’ont pas réussi à lui voler, c’est son charme, son humour légendaire et son abnégation au travail. Même dans la plus ordinaire des tenues, on peut noter chez lui l’élégance et le charme qu’il a toujours porté avec ses 1,96 mètre. Steve Facia en tenue traditionnelle sur son émission, cela arrivera-t-il ? La réponse de l’animateur ne se fait pas attendre. C’est non. Il vient sur ses émissions comme il irait à un mariage, costume bien dressé et soigné. C’est son look et il l’adore. « C’est sacro-saint. J’adore m’habiller et je me suis donné les moyens d’avoir des deals et des partenariats qui me permettent d’assumer mon look parce que c’est extrêmement cher. Ce que je porte pour faire une émission, c’est très cher, mais ce n’est pas mon argent », confesse-t-il sans hésiter. Pour lui, la télévision c’est d’abord de la prestance. C’est pourquoi il y a apporté l’élégance et le charme qui va avec. Mais chose curieuse, pour aller à des réceptions ou à son travail, il y va, habillé le plus simplement possible. Même quand il finit ses émissions, il enfile en même temps des tenues très simples. Mais il n’en sera jamais ainsi à la télévision. « Je veux être à la mode. Je connais tous les courants et styles vestimentaires, je connais toutes les marques. Je veux être à la page et je me donne les moyens. J’aime les costumes, c’est mon style. Je suis en boubou dans mon bureau actuellement, mais sur mon émission, je serais en costume, c’est un choix ». Pour lui, un plateau de télé n’est rien d’extraordinaire. «Je ne me sens pas sur un plateau de télé quand je fais mon émission, je me sens comme chez moi tout naturellement ». Autre élément caractéristique de l’homme, sa simplicité. Steve Facia est aussi un maniaque du travail bien fait. Sur la rigueur à l’œuvre, il est intransigeant. C’est d’ailleurs ce qui lui donne une longueur d’avance sur ceux qui font le même travail que lui. « Je veux que l’on garde de moi, l’image de l’homme qui a été meilleur parce qu’il a été plus rigoureux que les autres dans son travail. Je n’ai pas un talent extraordinaire, nous sommes tous les mêmes mais pendant qu’ils dorment ou s’amusent, moi je bosse c’est normal qu’il y ait une différence». La tête à fond dans le travail et mieux, à plein temps. « Mais je trouve le temps de faire mes conneries aussi », souffle-t-il avec sourire. Steve aime la nature. Il est attiré par la flore et la faune. Le béton ne le charme pas particulièrement. Il veut s’assurer l’essentiel pour ses besoins financiers, personnels et professionnels. Amasser l’argent ne l’intéresse pas. « En lieu et place d’un voyage de luxe aux Etats-Unis, il préfère mieux encore aller à Boukoumbé » pour bénéficier de la chaleur des gens simples mais grands de cœur. « Je ne suis pas du tout bling-bling », conclura-t-il sur ce chapitre. Avec sa barbe poivre sel de cinq centimètres, bien taillée à la circulaire, l’ancien manager de Nel Oliver s’est ouvert sans réserve sur sa vie privée et professionnelle. C’est un homme sûr de lui, solide sur ses appuis personnels et sur le Christ qui parle avec assurance. Sa vie est sans regret. Même les moments sombres ont eu leur côté positif. Les mauvais souvenirs, il en a accumulé beaucoup mais ne s’y attarde pas. Pour lui, c’est « personnel ». Il regarde beaucoup la télévision et a eu le temps de suivre les plus grands animateurs au monde. Il en est venu à la conclusion qu’à la télé, « on n’invente rien, on réajuste tout ». Mais il est convaincu que sous nos cieux, la télé se fait encore sans moyens. Deux grands souvenirs lui reviennent à l’esprit au bout de ses trois décennies sur le petit écran. Une émission grand public faite chez l’artiste de regrettée mémoire Stan Tohon dans des conditions inédites qui l’ont particulièrement fasciné et puis à Paris, son entretien avec MC Solar. Il peut aujourd’hui s’en vanter, à cette époque-là, aux heures glorieuses de cet artiste de renom, il fut le premier Africain à le prendre en interview. Il en avait eu l’envie, il s’est débrouillé, a payé son billet pour le voyage et cela lui a marché. Dans tous les cas, les bons moments sont plus nombreux que les mauvais dans sa carrière. « Il y a eu de moments trop noirs, mais Dieu nous a soutenu », témoigne-t-il. Plus de trente ans de métier, mais Steve estime humblement qu’il n’a pas déployé 20 % de son talent parce que « nous travaillons beaucoup sans moyens. On n’a pas donné assez de moyens au service public ». Avouant qu’au début de Week-end Matin, « il y a eu beaucoup d’adversités». Quelque peu dépité, il ajoutera « Nous passons plus notre temps à déjouer les pièges qu’à travailler ». Mais cela n’enlève rien à l’amour qu'il a pour le secteur public. Il en est un fan, un féru. Il en parle avec élégance et respect. Il vénère le média de service public et ne se sent bien qu’en y travaillant. Toutes les offres qui lui sont parvenues dans le privé ne l’ont pas intéressé. Il refuse d’en parler, mais admet juste que « très peu de privés sont sérieux». Au Bénin, dans la sous-région et même sur des chaînes régionales européennes, les opportunités n’ont pas manqué. Mais l’homme est resté collé à la télévision nationale. Pourquoi cette fidélité ? « Je suis amoureux du service public, je l’adore parce que c’est puissant, c’est l’État, le pays, le gouvernement». Une chaîne nationale ne peut pas tomber, reconnait-il. «J’adore la puissance, la force, j’ai atteint un niveau, excusez mon manque de modestie, où plus aucune chaine privée ne peut me contenir », admet-il. « Les privés peuvent chuter à tout moment comme moi-même. Ils peuvent suivant leur état d’âme, résilier un partenariat. Mais le service public est une continuité qui s’assume. C’est un service fort, puissant». Mais il y a une autre raison pour laquelle il refuse de s’en départir. « Le service public m’a fait, m’a donné ma chance et j’ai toujours voulu rester fidèle à la maison mère… Je suis un homme très fidèle en amitié et professionnellement ». Autre certitude, il ne reviendra plus jamais dans le showbiz. « Je suis repu, lassé depuis vingt ans, je n’ai plus jamais mis pied dans une discothèque ou une boîte de nuit », confie l’animateur. Même la télé qu’il fera dorénavant sera un peu plus légère. Il veut du temps pour lui et veut en consacrer à ses enfants et à sa famille. C'est désormais des activités simples qui l’intéressent, un peu de sport pour maintenir sa santé. En fait, Steve confie qu’il n’a pour tout loisir, divertissement et travail que la télévision. On ne le sait peut-être pas, mais c’est un solitaire qui adore être seul. « Pour entretenir mon image, j’avais choisi depuis toujours de vivre dans l’autarcie. On ne me voit nulle part et cela m’a beaucoup aidé », lâche-t-il. « C’est dans l’autarcie que vous entretenez la flamme dans ce milieu d’activité », note-t-il. Et quand il se veut prétentieux, il peut se permettre de se comparer à un ancien chef d’Etat. « Je suis un peu à l’image du président Kérékou, je ne m’accroche à rien, et je suis heureux ainsi ». Il adore son pays et veut vivre simplement. Mais cela ne l’empêche pas de beaucoup rêver pour la télévision de son pays. Et par ces temps où des dirigeants plus ambitieux et plus ouverts ont le gouvernail en main, il a envie plus que jamais de faire la télévision. « C’est aujourd’hui, après trente ans que je rêve de faire davantage la télé. Je serais à la télé jusqu’à ce qu’un animateur terrible vienne me terrasser», souffle Babatundé (son autre prénom). Mais quand raccroche-t-il alors ? « Je ne sais pas, je me laisse conduire par le Saint esprit. Le jour où le Seigneur me dit d’arrêter, je mets un point final ». Côté obscur ? Ses confidences, il ne les fait pas sans évoquer une fois encore sa vie de couple. Avec sa femme, deux personnages différents. L’épouse adore le beau, et elle se l’offre, pendant que le mari veut « vivre simplement ». Même rouler la grosse voiture ne l’intéresse pas. Modestie et modestie, clame l’animateur. Elle est «excentrique », mais il ne s’en plaint pas. Sa réussite notamment sur Canal + fait sa fierté. Il a lui aussi eu ses moments de gloire et reste une réussite à l’écran. « Aujourd’hui, c’est une grande figure. Quand elle va à Abidjan, elle est très célèbre. Chacun partage sa célébrité mais aujourd’hui, c’est davantage elle », se félicite l’époux. Sauf que les deux n’ont pas basé leur vie sur la célébrité. « Nous l’avons basée sur des valeurs, la simplicité et sur Dieu. Nous ne sommes pas riches, certes célèbres, mais c’est Dieu qui donne tout et nous gérons tout cela avec tolérance », souligne Steve. Mari jaloux de l’ascension fulgurante de son épouse ? Il en rit plutôt. Autant il aime son épouse, autant il est heureux de la voir réussir. « Je l’aide plutôt. Je suis tellement heureux de la voir réussir. Je sais qu’il n’y aura aucun problème, je lui fais confiance et en plus, cela génère de l’argent pour la famille». Ce que l’animateur assume tout de même, c’est qu’avec elle, ce sont deux personnalités différentes, même s’ils font le même job et partagent le même espace. C’est sans doute la raison pour laquelle ils ne vivent pas dans la même chambre. « On se subit tout le temps dans la journée, on se côtoie plus que quiconque, donc elle a ses dépendances et j’ai les miennes. Nous n’avons pas les mêmes loisirs et nous ne regardons même pas les mêmes choses à la télévision. Nous sommes deux choses diamétralement opposées ». Un choix de vie qui n’entache en rien la belle vie de famille. « Nous avons nos moments d’échanges, l’amour nous unit, les enfants nous unissent, le couple que nous sommes nous unit, les prières du matin et du soir nous unissent », dira-t-il aussi. D’ailleurs, si le couple tient, c’est grâce à elle car « elle tient son foyer avec beaucoup d’amour et de rigueur ». Autre confidence, Inès ne regarde pas ses émissions, lui non plus ne regarde pas les siennes, en tout cas pas à la diffusion. Peut-être après pour y faire des observations. « Nous ne nous regardons pas, chacun passe son chemin », lâche-t-il en riant. Cette double personnalité influe-t-elle sur les enfants ? Difficile de le dire. Tout ce qu’on sait, c’est que le fervent chrétien évangélique a laissé les deux garçons prendre le chemin religieux de leur génitrice. Là-bas, c’est une « institution millénaire » avec une structuration sans pareille, soutient Steve. Après ? ils feront les choix qu’ils veulent. Mais pour l’heure, les deux parents leur assurent une éducation religieuse stricte.