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Crises du football sur le continent: L’argent et la Fifa, principaux responsables

Sports
Par   Sabin LOUMEDJINON, le 27 mai 2016 à 08h31

Crises, grognes, blocage des activités footballistiques, installation de comités de normalisation, dénouement ou enlisement. Voilà ce qui caractérise la gestion du football africain bien installé aujourd’hui dans la gadoue. Le Bénin ne fait pas exception. Et pour cause ?

Les causes profondes des crises récurrentes du football en Afrique : le cas du Bénin. Ce n’est pas le titre d’une thèse de doctorat, mais un sujet banal qui fait l’objet des conversations dans les bistrots, bars et autres maquis des grandes villes du pays en cette période de crise accentuée où le Bénin du football est suspendu de toutes activités par les instances dirigeantes internationales. Pour bon nombre d’observateurs, il n’y a pas de crise du football au Bénin, mais plutôt un conflit d’intérêt qui oppose une groupe d‘individus qui a pris cette discipline sportive en otage. Ceux-là qui pensent ainsi fondent leurs arguments sur la gestion de ce même football dans les années antérieures pour expliquer qu’auparavant, il n’est pas fréquent d’entendre parler de crise dans le sport. Ils évoquent l’époque où les mécènes cassaient la tirelire pour financer le football. Le cas de la famille Guérin et Graviani, grand supporter et mécène de Aso Cotonou, Fabre du côté de Aso Porto-Novo, sans oublier les cas Séfou Fagbohoun et Moucharaf Gbadamassi au niveau des Dragons. Le président Affo chez les Requins, Martin Adjagodo au Dynamo d’Abomey et Lolo Chidiac à Parakou pour les Buffles. A cette époque, chaque dirigeant luttait pour le rayonnement de son club et la faire prévaloir sur les autres du pays. C’était la période des duels épiques Dragons –Requins, Mogas –Dragons, Laboratoire de l’UNB-Caïmans. Personne alors ne manifestait un grand intérêt pour l’équipe nationale considérée comme la chose de l’Etat. L’essentiel pour chaque dirigeant était de prendre part à une compétition internationale : Coupe des champions, Coupe des vainqueurs de coupe, ou Coupe de l’Ufoa.

Pas de moyen

Même la Fédération ne disposait pas de moyens pour s’offrir un siège digne du nom. Tous les fanatiques du football béninois se souviennent que c’est un petit local délabré installé sous les gradins du stade René Pleven qui servit de siège à la FBF.
Plus tard l’Etat béninois a compris que plus qu’un jeu le football était devenu un enjeu de taille. A partir de l’année 2002, il a manifesté sa volonté politique, donc prêt à accompagner le football. Le Bénin s’inscrit alors pour les éliminatoires de la CAN 2004 en Tunisie. Ainsi la toute première qualification des Ecureuils à une phase finale d’une Coupe d’Afrique des Nations en Tunisie en 2004 servira de déclic. Les fonds mis par le gouvernement ont permis aux responsables fédéraux de prendre un peu plus d’étoffes. Ils en profitent pour agir sur la psychologie du peuple. L’hymne de guerre des Ecureuils chanté par l’artiste Don Metok le prouve à merveille : « Allez les Ecureuils, cette fois ça va aller ». Le peuple rêve et les politiques avec. « Les moyens colossaux mis à dispositions par le gouvernement deviendront, sans conteste, la source du malheur de ce football. Désormais, il y a quelque chose à se partager. Puisqu’au moment où il n’y avait rien, les dirigeants erraient ensemble dans leur misère », rappellent certains présidents de clubs. Et ils n’avaient pas tort, puisqu’à un certain moment, c’était le capitaine Amadou Moudachirou qui offrait les maillots aux Ecureuils.
Le Bénin dans le gotha des grandes nations du football est désormais au devant de la scène. Il fait désormais partie des 16 meilleures nations du continent : euphorie générale, tout le monde est sur de gros nuages y compris les dirigeants. C’est le moment de mettre les sous pour maintenir la cadence. Ainsi s’ouvre la boîte de Pandore. L’Etat-vache- à- lait sera trait jusqu’à la dernière goutte. Des primes sont inventées et distribuées à tour de bras. Beaucoup de sponsors ont mis les sous pour soutenir l’équipe nationale. Mais la mauvaise gestion de cette manne est venue tout foutre en l’air. Que dire des retombées du football qui sont devenues plus importantes et la manne financière redistribuée plus attrayante au niveau des Fédérations? Ces sous provenant de l’organisation des compétitions (droits télévisuels, publicitaires et autres) seront redistribués aux Fédérations qui en disposent comme bon leur semble.
Ainsi naissent les intérêts et avec eux des conflits. Des amis d’hier ne partageant plus les mêmes intérêts se combattront. Tout ceci au détriment de l’intérêt commun qu’est le football. Ainsi naîtront des camps ou des ailes au sein d'une même Fédération sportive. A cette allure, difficile de regarder dans une même direction. Solution : l’arbitrage de la Fifa.

Et maintenant la Fifa

Après les combats épiques à l’interne, les voilà maintenant devant le juge : la Fifa. L’ordonnance standard est connue. La pilule Constant Omari, Prosper Abéga, et Corvaro est vite prescrite. Ces deux « experts spécialistes » du football africain descendent sur le terrain pour une suite pas toujours reluisante : menace de suspension ou la mise sur pied d’un comité de normalisation (Conor). Mais chose curieuse, dans les décisions prises souvent par l’instance suprême du football mondial, c’est bien ce que beaucoup qualifient sinon de politique de deux poids deux mesures, du moins ceci s’y apparente très souvent. Les derniers cas sur le continent sont les plus frappants.
En Guinée Conakry, le collectif des clubs de football désavoue le président de la Fédération de football. Mais ce dernier s’accroche. Pour trancher cette crise la Fifa refuse de reconnaître la position des clubs qui n’ont fait, en réalité, qu’appliquer le droit de vote de défiance que leur accordaient les textes. Or, le vote de défiance que la Fifa ne veut pas reconnaître a été usé à leur niveau pour faire partir leur patron Sepp Blatter. Et lorsque la même situation se produit au Mali voisin de la Guinée, la même Fifa cautionne. Mieux, cette institution n’a jamais accepté l’ingérence des politiques dans les affaires du football. Pourquoi cela n’a-t-il pas été appliqué au cas Blatter, Platini et autre lorsque la justice suisse et américaine se sont mises à leurs trousses pour malversations financières ?
Tout le monde comprend dès lors que plus vous êtes petit, plus la Fifa vous enquiquine. L’exemple français de la Coupe du monde 2010 est bien édifiant. Après les égarements de certains joueurs français en Afrique du Sud, il a suffi qu’au retour de l’équipe, le président français rencontre le président de la Fédération française de football ainsi que le sélectionneur pour que les meilleures décisions soient prises pour restaurer l’image de la France. Y a-t-il ingérence ou pas ? Il appartient donc aux responsables politiques africains ou des pays dits petits de prendre leurs responsabilités, car la Fifa prend toujours des positions en tenant compte de celle de certains de ces vallets locaux dans le jeu.

La problématique

Cette institution profite de ce que le football est devenu un sport très populaire, pour faire la pluie et le beau temps
Avec les informations provenant de Zurich, on est en droit de se poser la question : la Fifa est-elle elle-même, un modèle de gestion pour se poser en arbitre? Là est toute la problématique. Des membres d’une institution qui devrait servir d’arbitre mais qui sont trempés dans des affaires de corruption. C’est la vérité de Lapalissade que de dire que le Bénin s’est donné pieds et mains liés à cette institution qui parfois en fait trop. Car, à voir de près ces décisions, on est tenté de dire qu’elle se joue des plus faibles en fonction des intérêts de ceux qui détiennent des postes de responsabilité au niveau de cette institution. Tous ceux qui savent lire les correspondances administratives vous diront que la plupart de ces textes qui proviennent de cette institution ont des positions partisanes.
Comme solution, certains reporters sportifs proposent l’option de solutions endogènes aux problèmes du football de notre pays plutôt que de le confier à la Fifa. Il est possible pour les Béninois de se retirer de cette affaire et de régler à l’interne leur crise pour retourner plus tard à l’institution. C’est bien possible, car le génie béninois a fait mieux que cela. Qu’il nous souvienne l’organisation de ces assises nationales dénommées «Conférence nationale» qui ont permis aux fils et filles du pays de s’entendre sur un minimum. Cela n’a-t-il pas fait école aujourd’hui sur le continent ? Ce qui est valable en politique, l’est également en football. La vérité si je mens !?