La Nation Bénin...
Octogénaire, la démarche moins alerte, les pommettes enfoncées, Richard Amoussou dit « Atanpinso » avait été de tous les grands combats du football du Bénin. Tout premier capitaine d’Asso Porto-Novo, le club mythique de la capitale au début des indépendances, l’homme qui a vu presque toutes les générations de footballeurs passer, se dit aujourd’hui déçu du traitement fait aux anciens footballeurs, la légèreté avec laquelle la nouvelle génération pratique ce sport, la gestion actuelle du football au plan national… et propose des solutions. Morceaux choisis !
Après sa séance d’entraînement hebdomadaire, l’octogénaire range ses affaires, prend son sac de sport et se dirige sur « le deuxième terrain », le QG des anciens footballeurs les dimanches. C’est là que dans une ambiance détendue, celui qui a joué en équipe nationale pendant près d’un quart de siècle, a accepté de s’entretenir avec nous.
A la première question relative à l’organisation du football dans les premières années de la décennie 60, c’est avec un large sourire qui laisse entrevoir une série entière de dents pratiquement abimées que l’invité répond sans ambages, « Il n’y a pas comparaison ». « Le football en notre temps, c’était la passion. Ce qui a foutu cette discipline en l’air dans ce pays c’est qu’à un moment donné, il y a eu ce qu’on a appelé sport de masse. Tout a été réduit à une douzaine d’équipes pour jouer le championnat ». Autrefois, ce n’était pas ainsi. Avant cette période dit de sport de masse, il y avait des clubs dans toutes les grandes localités du pays. Il y avait une sérieuse rivalité et émulation autour du football. Certes, il n’y avait pas de l’argent mais c’était avec le cœur et le patriotisme que tout cela se faisait », sourit-il. Il a dévoilé le secret de l’organisation de l’époque qui consistait à regrouper les jeunes qui étaient mis dans des écoles. Ils sont logés et nous leur payions les frais de scolarité et l’hébergement. Il se souvient qu’il n’y avait rien à gagner dans le football en leur temps. « Mais nombreux sont ceux qui, comme moi, en ont profité pour trouver un emploi. » Effectivement, c’est après une rencontre de football que le jeune Richard Amoussou s’est fait distinguer par un expatrié qui, tombé sous son charme, l’a aidé à devenir conducteur de véhicule à l’ambassade de France près le Dahomey, actuel Bénin. Et c’est avec beaucoup de joie que l’ancien capitaine de l’Asso Porto-Novo se souvient qu’il a été le premier chauffeur de l’ambassade de France après les indépendances. « J’ai fait 38 ans avec eux », se souvient-il, tout en précisant qu’il a eu comme premier ambassadeur et patron Guy Géorgie.
A propos du mal dont souffre le football actuel, il n’a pas eu d’autres mots que la mauvaise organisation et surtout le manque de vision prospective des autorités. « Les jeunes joueurs, depuis le sport de masse, s’adonnent à l’alcool, bref à une vie de débauche. Le résultat est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Or ailleurs, ce n’est pas ainsi », déplore t-il en soulignant avec insistance, qu’il faut mettre les choses dans l’ordre. Il demande par exemple qu’on cesse, au niveau du football béninois, de mettre le forgeron à la blanchisserie. « Ce sont les footballeurs qui assistent les équipes dans les autres pays », confie-t-il en regrettant la situation faite aux anciens footballeurs du Bénin. Manifestant son indignation, il précise qu’il a pratiqué les stades et joué de grands matches de football pendant 22 ans. « Je fus le tout premier capitaine de l’Asso Porto-Novo en 1960. » Il se souvient avec précision de la rencontre livrée en Avril 1960 à Madagascar. Une rencontre que les Béninois ont gagné par le score sans appel de 9 buts à 0, indique t-il. Mais que de ruses et de tracasseries, les Malgaches n’ont-ils pas mis dans la balance ? N’ont-ils pas conduit les Béninois dans une ville dénommée Majunga, située à plus de 200 km de la capitale toujours dans le dessein de remporter la partie ? En tout cas, de cette aventure, c’est la Côte d’Ivoire qui a fini par éliminer les Béninois sur le score de 3 buts à 2, se souvient l’ailier de l’équipe qui, pour chahuter, rappelle que les Malgaches qui n’en croyaient pas leurs yeux, se sont toujours demandé si l’équipe dahoméenne était allée s’entraîner en Europe. Comme acteur de ce glorieux passé, il cite certains noms : Arthur Bocco, le grand gaucher spécialiste des corners directs, «l’un des plus grands gauchers de tous les temps…», indique t-il. Puis il ajoute Ehyssè Maboudou, connu après sous le nom d’artiste de Mister Okéké, Vincent Fagla dit Djanta Magique, Germain Kpokpo Ola, Clovis Favi, Benjamin Contayon, Jean Hodonou, Agbodjèman , Codjo Jérôme Mimi, Simon Sinsin, Raïmi Soubérou, Irénée Corréa, Abibou Inoussa, Alphonse Sossaminou, Pindra Kanani…
Il demande à la nouvelle génération de prendre le football au sérieux. « Aujourd’hui, il y a assez de sous dans ce sport. Mais malheureusement l’organisation est défaillante. Il faut sauver la jeunesse de ce pays, l’aider à jouir de son football. C’est important », conclu t-il. ?
NB : Interview accordée au journal La Nation en 2010