La Nation Bénin...
La
dette publique du Bénin, souvent mal interprétée, alimente des débats houleux.
Ce sujet, bien que complexe, repose sur des mécanismes financiers rigoureux et
des choix stratégiques visant à garantir la viabilité économique et le
développement du pays.
La dette publique du Bénin est un sujet qui suscite de vives discussions, tant dans la rue que dans les cercles intellectuels. Si certains y voient un signe de surendettement préoccupant, les sachants et surtout les partenaires financiers internationaux apportent une lecture différente. Aristide Mèdénou, directeur général de l’Économie, reconnait que beaucoup de malentendus entourent la notion de dette publique. « Les gens voient des émissions d’emprunts sur le marché financier et concluent à un surendettement. Ce qu’ils ignorent souvent, c’est que ces mobilisations incluent des opérations de remboursement anticipé de dettes anciennes. C’est une pratique courante et nécessaire pour optimiser la gestion du passif d’un État », explique-t-il. Pour rendre cette dynamique compréhensible, l’économiste propose une illustration simple. Il part du cas d’une personne qui emprunte 10 000 francs avec une obligation de rembourser 2 000 francs par mois pendant un an. Cette personne trouve ensuite un 2e prêteur offrant les mêmes 10 000 francs avec un taux d’intérêt mensuel de seulement 1000 francs. Elle prend le 2e emprunt pour rembourser le premier et réduit ainsi ses charges mensuelles. Elle trouve un troisième prêteur qui décide de lui donner 10 000 francs, mais il va payer seulement 100 francs tous les mois et rembourser les 10 000 francs en fin d’exercice. Il prend également cet emprunt pour rembourser le 2e prêteur. Conséquence, il se retrouve de 2000 francs tous les mois qu’il gérait, à seulement 100 francs avec une marge de temps élastique pour rembourser ses emprunts. «Un État fait la même chose. On appelle cela les opérations de gestion de passif. Les gens ne font pas souvent attention, mais lorsque l’État fait des opérations de mobilisation sur le marché international ou ailleurs, il y a souvent une partie qui est dédiée au remboursement anticipé des emprunts précédents», clarifie Aristide Mèdénou. Cette stratégie, encore appelée “gestion proactive de la dette”, permet non seulement de réduire les charges financières à court terme, mais aussi de consacrer des ressources à des secteurs prioritaires comme le social. Cette approche a été saluée par des institutions internationales comme le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale qui considèrent le niveau d’endettement du Bénin comme viable. Le taux d’endettement est actuellement d’environ 50 % du Pib, selon les institutions internationales. Un chiffre nettement inférieur à la moyenne régionale qui est de 70 %.
Évidence
Constant
Lonkeng, chef de mission du Fmi pour le Bénin, soutient que l’endettement d’un
pays ne peut être jugé uniquement à partir d’un chiffre absolu. « Ce qui
compte, c’est la capacité du pays à honorer ses engagements. Vous pouvez avoir
un faible niveau d’endettement, mais si vous ne générez pas de ressources
suffisantes, votre dette sera considérée comme non viable», précise-t-il. Dans
le cas du Bénin, il souligne que le pays a su démontrer sa capacité à mobiliser
des recettes, tout en évitant des ajustements budgétaires drastiques qui
auraient pu nuire à l’économie et au bien-être des populations. En effet, grâce
à une politique budgétaire rigoureuse avant la crise de la Covid-19, le Bénin a
bénéficié du soutien massif de la communauté internationale, permettant ainsi
d’amortir les chocs liés à la pandémie. Un exemple concret de cette gestion
proactive est l’émission d’un Eurobond de 750 millions de dollars. Si le
montant global peut sembler élevé, il est important de noter que 254 millions
ont été immédiatement utilisés pour rembourser une dette antérieure, tandis que
le reste a servi à financer des projets stratégiques. Cette approche a permis
non seulement de réduire le coût global de l’endettement, mais aussi de générer
des économies utilisables dans des secteurs prioritaires comme l’éducation ou
la santé.
A savoir
« Ce qui prête souvent à confusion, c’est qu’il y a des opérations de gestion de dette qui ne s’ajoutent pas à la dette parce que l’État prend une partie d’un nouvel emprunt moins cher pour rembourser un ancien et effacer ainsi cette ancienne ardoise. Il faut donc faire tout le calcul complet et voir en termes nets quelle a été l’addition à la dette», détaille Constant Lokeng. Le recours à des financements à taux d’intérêt préférentiels, comme ceux du Fmi, offre au Bénin des marges de manœuvre supplémentaires. « Avec des taux d’intérêt proches de zéro, ces instruments permettent de financer les déficits budgétaires à moindre coût, évitant ainsi des coupures drastiques dans les dépenses publiques », note-t-il. Malgré ces efforts, il est important de maintenir une gestion prudente et transparente de la dette. L’expert financier du Fmi estime que l’endettement n’est pas un problème en soi, mais que tout repose sur son utilisation. « Généralement, quand il y a une émission, il y a toujours un communiqué qui détaille les montants, la souscription, le taux d’intérêt, la maturité, etc. Ce sont des éléments importants qu’il faut apprécier avant d’opiner», conseille-il afin de mieux comprendre les subtilités autour de la dette publique d’un pays. Celle du Bénin est gérée de manière proactive, avec une attention particulière portée à la réduction des coûts et à l’utilisation efficace des fonds mobilisés. Si le niveau d’endettement reste soutenable selon les standards internationaux, il est essentiel de poursuivre cette dynamique afin de garantir un développement économique inclusif et durable. Une meilleure compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour éviter les amalgames persistants autour de ce sujet.