La Nation Bénin...
Le
concept de souveraineté culturelle est une dimension spécifique de la
souveraineté qui met l’accent sur la capacité d’une nation ou d’une communauté
à protéger, promouvoir et développer ses propres expressions culturelles face à
des influences extérieures. Ce concept, bien qu’ancien, a acquis une nouvelle
importance dans le contexte de la mondialisation et des avancées
technologiques, qui ont bouleversé les dynamiques des relations internationales.
I- Généralités
1.
Origine du concept de souveraineté culturelle
Le
concept de souveraineté culturelle trouve ses racines dans les débats
sur la décolonisation et l’affirmation des identités nationales. Il émerge
comme une réponse aux effets de la domination coloniale, qui avait souvent pour
conséquence l’imposition d’une culture dominante et la marginalisation des
cultures autochtones.
●Dans
les années 1960-1970, avec l’indépendance de nombreux pays africains et
asiatiques, la souveraineté culturelle est devenue une priorité pour renforcer
les identités nationales et préserver le patrimoine culturel.
●Elle est également liée à la montée des revendications pour le contrôle des biens culturels pillés pendant la colonisation. Ce concept reflète le droit d’une nation à protéger, promouvoir et gérer son patrimoine culturel selon ses propres termes.
2.
Définition de la souveraineté culturelle
La
souveraineté culturelle se réfère au droit des peuples et des États à définir,
préserver et promouvoir leurs valeurs, traditions, langues, arts, et modes de
vie face aux pressions extérieures. Cela inclut :
●La
préservation de l’identité culturelle dans un contexte globalisé.
●Le
contrôle des flux culturels, notamment via les médias, les plateformes numériques,
et les industries créatives.
●L’affirmation des particularismes culturels dans les politiques publiques.
3.
Enjeux contemporains
Dans
les relations internationales, la souveraineté culturelle est au cœur de
nombreux débats, notamment dans les domaines suivants :
-Mondialisation
culturelle : La domination des produits culturels de certains pays
(souvent occidentaux, comme les États-Unis) via des industries culturelles
puissantes (cinéma, musique, plateformes de streaming) peut éclipser les cultures
locales, mettant en péril leur diversité.
-
Technologies numériques et plateformes globales : Les géants du numérique,
tels que Google, Meta, et Netflix, jouent un rôle croissant dans la diffusion
des contenus culturels. Cela pose des questions sur la régulation, la
visibilité des productions locales, et le respect des normes culturelles
spécifiques.
-
Soft Power : La culture est un levier stratégique de la puissance douce
des États. Certains pays utilisent leurs productions culturelles pour renforcer
leur influence internationale, créant une compétition pour imposer des récits
et des valeurs.
-Langues
et diversité linguistique : La domination de l’anglais comme langue
mondiale pose un défi pour la survie et la promotion des langues moins parlées.
Les États tentent de protéger leurs langues nationales et régionales, souvent
perçues comme des piliers de leur identité.
-Commerce et industries culturelles : Les accords commerciaux, comme ceux de l’Omc, mettent souvent en tension la protection des industries culturelles locales et l’ouverture des marchés aux produits étrangers. Des exceptions culturelles, comme celle revendiquée par la France, visent à protéger les cultures nationales.
4.
Exemples concrets d’actualité
Protection
des contenus audiovisuels européens : L’Union européenne a mis en place
des quotas pour les contenus locaux sur les plateformes de streaming afin de
promouvoir les œuvres européennes.
-Politique
culturelle de la Chine : La Chine impose des restrictions sur les contenus
étrangers et investit massivement dans la promotion de ses propres productions
culturelles, comme le cinéma et les jeux vidéo, pour contrecarrer l’influence
occidentale.
-
Reconnaissance des cultures autochtones : Dans de nombreux pays, la
protection des droits des peuples autochtones inclut la préservation de leurs
cultures, langues et traditions, souvent menacées par les politiques
d’assimilation passées.
- Guerre des récits (Ukraine et Russie) : Le conflit entre la Russie et l’Ukraine montre comment les récits historiques et culturels sont mobilisés pour justifier des actions géopolitiques et façonner les perceptions internationales.
5.
Défis et perspectives
-
Tensions entre souveraineté culturelle et ouverture mondiale : Les États
doivent trouver un équilibre entre protéger leurs cultures et participer à une
économie mondialisée.
-
Pluralisme culturel : Le respect de la diversité culturelle dans les
forums internationaux, comme l’Unesco, reste une priorité.
-
Impact de l’Ia et des algorithmes : Les algorithmes des grandes
plateformes influencent la consommation culturelle, rendant difficile la mise
en avant des cultures locales sans intervention.
II- Importance en matière de politique étrangère
La souveraineté culturelle joue un rôle clé dans la politique étrangère, notamment dans les relations entre les anciennes puissances coloniales et les nations anciennement colonisées.
1.
Contexte de décolonisation
Revendications
des biens culturels pillés : De nombreux pays réclament le retour des
œuvres d’art et des artefacts qui ont été emportés pendant la colonisation.
Cela représente un enjeu de dignité nationale et de réparation historique.
Diplomatie
culturelle : Le contrôle des biens culturels est également un outil de
soft power. En promouvant leur patrimoine, les États renforcent leur influence
sur la scène internationale.
Protection contre l’uniformisation culturelle : Dans un monde globalisé, les pays cherchent à préserver leurs spécificités culturelles face à l’hégémonie culturelle des grandes puissances, notamment des États-Unis ou de l’Europe.
2.
Le cas du Bénin dans le transfert des biens culturels
Le Bénin est
un exemple marquant dans le domaine du transfert des biens culturels. Depuis
les années 2010, ce pays a intensifié ses efforts pour récupérer des objets
culturels pillés lors de la colonisation française, notamment ceux provenant
des palais royaux d’Abomey.
Retour
des biens culturels : En 2021, la France a restitué au Bénin 26 œuvres
d’art, dont des trônes et des statues royaux, qui avaient été emportées lors de
la conquête du Royaume de Dahomey en 1892. Ce retour a marqué une avancée
symbolique majeure et un précédent pour d’autres pays africains.
Valorisation
locale : Le Bénin prévoit de mettre en valeur ces biens dans des musées modernes,
comme celui de Ouidah, pour renforcer son identité culturelle et attirer le
tourisme.
3.
L’épisode récent de la décennie du roi d’Abomey
Un
épisode récent qui illustre la souveraineté culturelle est la célébration
du 200e anniversaire de la décennie du roi Ghézo d’Abomey.
Contexte
historique: Ghézo (1818-1858) est une figure emblématique de l’histoire du
Dahomey. Il est reconnu pour ses réformes économiques et militaires ainsi que
pour la consolidation du royaume face aux menaces extérieures, notamment la
traite transatlantique.
Importance
culturelle : Cet anniversaire a été l’occasion de revisiter et de
réaffirmer l’héritage du royaume d’Abomey. Des festivités, des conférences et
des expositions ont été organisées pour sensibiliser les jeunes générations et
renforcer leur fierté nationale.
Impact sur la souveraineté culturelle: Ces célébrations témoignent de la volonté du Bénin de réinvestir son histoire et de se réapproprier les récits souvent déformés par les versions coloniales.
Conclusion
En
somme, la souveraineté culturelle demeure un enjeu stratégique dans les
relations internationales, à la croisée de la politique, de l’économie et de la
technologie. Elle incarne la quête des nations pour préserver leur identité
tout en participant activement à un monde de plus en plus interconnecté.
La souveraineté culturelle est une dimension essentielle de la construction nationale et des relations internationales. Le Bénin, par ses efforts pour récupérer ses biens culturels et célébrer son patrimoine, démontre que la valorisation de l’héritage culturel peut être un puissant levier de développement et d’affirmation nationale.
Ambassadeur Théodore C. Loko