La Nation Bénin...
A
l’occasion de la présentation des vœux des militants du Prd à Maître Adrien
Houngbédji à son domicile le 2 février 2025, ce dernier a, dans son adresse,
fait certaines déclarations de portée hautement politique, sur lesquelles il
est indispensable de revenir.
Je
voudrais, avant d’aborder cette analyse, reconnaître à Maître Houngbédji des
qualités dont j’ai souvent fait mention publiquement. Je n’ai jamais été son
militant, mais sa témérité durant plus de trois décennies au devant de la scène
politique béninoise m’a impressionné. La qualité de ses discours m’a souvent
fait penser qu’il comptera beaucoup pour la postérité. Mais, je dois le dire,
ses récents propos m’ont bouleversé et j’ai tenu à réagir pour éviter que dans
ma propre conscience et estime, il ne perde cette place de haute estime.
Il s’agira d’identifier les thèmes abordés, et les examiner sur la base de ses propres commentaires.
Les
coups d’Etat
Après
avoir annoncé, parmi les points du rêve du PRD au moment de sa création, qu’ils
voulaient dire “non aux coups d’Etat”, dans la suite, il trouve de
justification au complot en vue de perpétrer un coup d’Etat contre le président
Talon Patrice.
Cette
contradiction entre le Principe annoncé et la réalité ne pourrait provenir que
de deux raisons :
Le
rêve politique du PRD sur les coups d’Etat n’était pas sincère ; car pour un
démocrate vrai, aucune raison au monde ne peut justifier un quelconque coup
d’Etat. Aucune !!!
Sa
longue expérience du jeu démocratique au Bénin aurait amené Adrien Houngbédji à
changer sa conception d’un coup d’Etat. Il devrait préciser lesquels sont de
bons ou de mauvais coups d’Etat.
Dans tous les cas, avec cette position, il sera difficile de classer Houngbédji parmi les vrais démocrates au Bénin et ce qu’il appelle son combat pour la démocratie se vide de sa quintessence.
Faux
complot et vrai complot
Houngbédji
laisse très clairement (pour celui qui l’écoute), le sentiment que le complot
contre la sûreté de l’Etat en vue de perpétrer un coup d’Etat contre le
président Talon, jugé il y a une semaine, est un faux complot.
Venant
d’un éminent avocat, ancien magistrat, c’est perturbant. Ni plus, ni moins,
cette appréciation du dossier jugé, signifierait que ce qui a été dit dans ce
procès était faux; il n’y aurait pas de complot contre la sûreté de l’Etat.
C’est
d’ailleurs pour cela qu’il qualifie les auteurs du complot, de “victimes”. Il
faut alors nécessairement que Houngbédji situe cette fameuse nation qui a suivi
les détails de ce procès public, sur la vérité, sur ce qui est faux dans les
informations versées ou livrées dans ce procès. Il doit en savoir quelque
chose.
De même, il justifie ce complot de coup d’Etat contre le président Talon, par l’exclusion dans la gouvernance de ce dernier. Cela signifie que les auteurs se sentaient exclus de la gouvernance de Talon. C’est le comble de la surprise! Olivier Boko et Homéky exclus de la gouvernance de Talon !!! Quand même !!!
L’exclusion
L’expression
“exclusion” par la gouvernance sortie de la bouche du président Houngbédji
parlant de celle de Talon, est bouleversante pour toute personne de la
mouvance. Et c’est pour cela qu’il faut s’attarder là-dessus.
La
première question qui vient à l’esprit de celui qui l’entend, est celle de
savoir si Houngbédji se sent exclu ? Un oui en réponse, devait déclencher à
l’unanimité, une huée de désapprobation et de sérieuses interrogations sur
l’équilibre du raisonnement actuel de notre patriarche bien aimé Hagbè
Houngbédji de Porto-Novo.
Et
pour cause, s’il y a eu quelque réforme dans ce pays sous le régime du
président Patrice Talon, elle a eu pour socle les discours éloquents de
Houngbédji et les initiatives soutenues et conduites par lui, dans la position
de président de l’Assemblée de la septième législature. Par la suite, bien que
son parti n’ait pu siéger à l’Assemblée pendant la 8e législature (pour raison
de la mise en œuvre des lois qu’il a fait voter), il a opéré une fusion de son
parti avec le parti l’Union Progressiste et placé ses militants, tant au niveau
du gouvernement que des institutions de la République. Donc il était, depuis
toujours, intimement lié à la gestion du pouvoir de Patrice Talon.
On
peut comprendre un opposant qui clame l’exclusion, c’est normal; cela fait
partie du jeu, puisque contrairement au passé, l’appel de pied de certains
opposants prêts à monnayer leurs positions avec des avantages de tout
genre qu’offrirait le gouvernement, ne
peut plus avoir cours.
Mais venant de Maître Adrien Houngbédji, il y a de quoi susciter une indignation.
Les
lois décriées
Toutes
les lois que l’opposition, les syndicats et la presse qualifient de
liberticides ont toutes été adoptées avec la collaboration ou sous la houlette
de Houngbédji. La loi sur le numérique en est une illustration. On n’a jamais
entendu Maître Houngbédji élever la voix sur une seule loi en étude à
l’Assemblée. Au fait, comment celui qui a appelé à la réduction du nombre de
partis politiques à 3 ou 4, peut-il vouloir s’accommoder aujourd’hui, des
situations antérieures ? Alors que des voix s’élevaient pour lui donner la
paternité politique et conceptuelle du plan de réduction des partis, voici
qu’il sort une prise de distance vis-à-vis des réformes, car c’est le
non-respect des règles de réforme qui a conduit certains à parler d’exclusion
et de limitation des libertés politiques.
Si
Maître Adrien Houngbédji n’a absolument aucune raison d’évoquer son exclusion
ni celle de Boko Olivier de la gouvernance de Talon, alors il ne reste que les
réactions inspirées de celles de l’opposition dont il embouche la trompette.
Dans ce cas plausible, ce serait une attitude politiquement infamante.
Il
aura participé aux votes des lois réformatrices, participé à la gouvernance,
tiré des avantages de sa proximité avec le pouvoir, et faire volte-face pour
condamner ce qu’il a contribué à mettre en place.
Je
me demande pourquoi ferait-il cela ?
En tout cas, sur ce point, il donne raison à ses détracteurs de tout le temps ou ses proches qui le peignent en une image ubuesque, couverte de salves puantes, pour crier : c’est sa nature çà !!! Ici encore, Houngbédji doit clarifier ce qu’il veut signifier.
Les
prisonniers politiques
C’est
curieux que Maître Adrien Houngbédji n’en parle que maintenant. Il aurait cité
des exemples, qu’il édifierait mieux le peuple. Fait-il allusion à Joël Aïvo ou
Reckyatou Madougou que l’opposition brandit comme étant des prisonniers
politiques ? Elle l’en a d’ailleurs immédiatement félicité.
Si
c’est cela, il n’y a plus de doute, il cherche une nouvelle virginité à
Porto-Novo. Sinon pourquoi d’une part, un homme du sérail du droit comme lui,
joue à ne plus savoir ce qu’on appelle prisonnier politique ? Et d’autre part,
depuis que Aïvo est en prison, on ne l’a jamais entendu protester ni rejeter la
gouvernance de Talon, son associé. C’est sans doute parce qu’il savait qu’un
prisonnier politique est celui qui est en prison du fait de son opinion
politique, et non celui qui, même personnalité politique, aurait été là du fait
d’une procédure suite à une infraction punie régulièrement par la loi, ou
condamné lors d’un procès tenu en règle. Ici encore, il rendrait service en
doigtant les personnes qu’il vise ou désigne comme prisonniers politiques, car il
n’y en a pas au Bénin.
En
vérité, on ne cache pas le soleil avec un doigt. Le feu qui produit cette fumée
est que le patriarche ne digère pas la percée de l’équipe de Aïvo dans l’Ouémé,
qui a positionné les siens dans les Ld. Et pire, il n’a pas le contrôle sur la
Mairie de Porto-Novo. Il veut simplement baisser la température de son opinion
publique.
Et
maintenant qu’il semble avoir fini de tirer le jus du côté de Talon, il
voudrait charmer les Ouéménou en montrant qu’il est préoccupé par la situation de
Aïvo et pourrait ressusciter le Prd avec ses rêves. Non !!! Houngbédji était
peut-être trop joyeux ce soir là, et il s’est pris l’envie du vieux footballeur
de croire qu’il peut encore jouer et soulever des foules. C’est sûr qu’il ne
réussira, sur le terrain, après cet échauffement d’esprit, qu’à attirer un
rictus de mépris et de pitié.
Les
exilés politiques
Exilé
politique, Houngbédji l’a été avant 1990 à la suite de sa condamnation à mort
par la cour dirigée par le Magistrat Moucharaf Gbadamassi qui est devenu plus
tard son compagnon politique. Il était certes un fugitif de la prison civile de
Cotonou d’où il s’est évadé, mais il était classé parmi les pupilles d’Emile
Derlin Zinsou. Il a connu les affres que vivent tous ceux qui se retrouvent à l’étranger,
exilés volontaires ou pas, sans pouvoir rentrer dans leur pays. Il faut
comprendre qu’en 1990, malgré la belle vie qu’il a pu avoir dans son sort à
l’étranger, il ait été meurtri notamment, par le fait de n’avoir pu assister
aux obsèques de sa mère. Il était compréhensible qu’il ne puisse le souhaiter à
personne et que cela eut figuré dans les objectifs de son Prd.
Cependant,
dans le contexte actuel, ses propos sur les exilés politiques, offrent
l’occasion de clarifier ce qu’il convient d’appeler un exilé politique.
Tout
comme le prisonnier politique, cela devrait paraître une injure de croire que
Maître Adrien Houngbédji ne connait pas réellement le sens d’un exilé
politique. C’est simplement celui qui s’est réfugié à l’étranger pour échapper
aux violences ou poursuites du fait de son opinion politique.
Avant
1990, il y avait ceux qu’on appelait des réactionnaires qu’il fallait abattre.
Il suffisait d’exprimer votre position contre le pouvoir pour que cette raison
soit suffisante pour vous emprisonner ou vous persécuter. Et pour y échapper,
il fallait quitter le pays. Il y avait aussi ceux qui étaient identifiés comme
instigateurs de l’agression du 16 janvier 1977. Tous ces gens n’étaient
coupables que de délit d’opinion politique. Avec d’autres cas similaires, on
avait de vrais réfugiés politiques. Ce sont ces cas qui illustrent les exilés
politiques.
Le
motif de son opinion doit être le seul fondement de l’exil de la personne.
Donc, si quelqu’un a fui un procès ou son emprisonnement dans une affaire de
délit ou crime de droit commun, il n’est pas un exilé politique même si c’est
un éminent homme politique opposant ou non.
Il
faut maintenant prier Houngbédji de sortir la liste et le motif au plan
national, du non-retour au pays, de ces compatriotes. Je parie qu’il ne
trouvera personne !!! Certes, des hommes politiques du Bénin vivent à
l’étranger et ne veulent pas rentrer pour des raisons diverses. On se rendra
compte que pour certains, ils ne sont poursuivis par personne, mais ils
profitent du statut de réfugiés qui leur est accordé par les autres, pour faire
leurs affaires.
Et
pour d’autres, ils sont poursuivis ou condamnés dans des dossiers d’infractions
établies par le code pénal du Bénin. Ils le sont pour divers motifs. Donc ils
s’évitent la prison. On devrait les appeler plutôt des “exilés de droit commun”
et non des exilés politiques. Houngbédji
sait tout ça.
Alors
pourquoi au lieu de nous sortir, en vieux juriste, une formule juridique
exploitable pour les faire rentrer, il soulève à quelques mois de la fin du
mandat de Talon, un problème auquel il ne propose aucune solution ?
La réponse est unique : il veut imploser le système qu’il a fortement contribué à mettre en place pour se repositionner par rapport à l’avenir.
Le doute exprimé sur la fusion avec le Parti Union progressiste
La
plus grande surprise est moins une sortie du Prd différente de celle du Parti
Upr, que l’affichage du doute de Houngbédji, sur la fusion avec l’Up. Il l’a
dit clairement. Tout observateur de la politique au Bénin n’a pas manqué d’être
fortement surpris par ces propos : “je ne suis même pas sûr que le Prd ait
fusionné”. D’où vient ce doute ou alors qu’est-ce qui fait douter le patriarche
Houngbédji de l’acte qu’il a posé officiellement ?
Il
apparait certain que le juriste président du Prd a donné le mouton mais il
garde fermement la corde qui le tient en laisse. La fusion aurait été une
farce, si le Prd ne s’est pas dissous et si Djogbénou n’était pas en possession
de l’acte de dissolution avant la fusion. Elle fut peut-être une acrobatie pour
ne pas faire la politique de la chaise vide, en vue d’éviter l’annonce de la
mort naturelle du Prd, car la loi qu’il avait fait voter prévoyait une
dissolution suite à l’absence à deux élections successives.
Manifestement, le Prd est désormais différent de l’Upr. Et j’ai la conviction que les propos de Adrien Houngbédji en cette soirée, ne sont pas prononcés en l’air, ils seront suivis de quelque chose qu’il faut avoir la patience d’attendre. C’est un premier pas dans la nature même de Houngbédji Adrien, selon certains.
Conclusion
Il faut retenir que dans ses propos à ses militants, Houngbédji a voulu se démarquer de la gouvernance du président Talon et rechercher à faire peau neuve. Le moment qu’il a retenu pour sortir ces déclarations est judicieusement choisi et autorise des spéculations politiques :
Le fait qu’elles interviennent une semaine après le procès de complot contre la sûreté de l’Etat, pourrait paraître une réponse à l’appel d’Olivier Boko dans sa dernière phrase à la fin du procès : “...le contraire de la justice, ce n’est pas l’injustice, mais l’indifférence”. Ce qui parait comme un appel à une coordination dont la réaction est attendue. Cela laisse spéculer aisément et fait croire à une réponse de Houngbédji par obligation.
On entre dans la dernière ligne droite de la mandature présidentielle et de la législature parlementaire. Les propos de Maître Houngbédji, ancien président du Prd, apparaît simplement comme un bain de jouvence et un repositionnement du Prd. Il pourrait s’extirper de l’Upr et sa nouvelle migration vers d’autre pôles politiques (pourquoi pas vers l’opposition) pourrait être envisageable.