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Traditions vaudoues et primauté du Fâ: Nécessité d’enseigner le Fâ à l’école et à l’université

Actualités
Par   La Redaction, le 30 janv. 2018 à 07h28

 

Les manifestations festives, pour célébrer le passage d’une année qui s’achève à une nouvelle année, semblent revêtir en 2018 un cachet spécial. L’année 2018 se présente en effet comme une année transitoire entre deux décennies : l’une finit précisément en 2018 et l’autre débute en 2019, selon une approche herméneutique christifaïque ou « saint-sacrementale ».

L’année 2018 apparaît comme une année charnière de transformation profonde, voire de transmutation, à la fois microcosmique et macrocosmique. Maints faits, du reste, tendent à corroborer cette vision des choses, à l’échelle tant nationale qu’internationale. Au Bénin, il n’est que de citer, comme exemples, le vote du budget exercice 2018, la loi sur les forces de sécurité publique et celle concernant l’interdiction de grève à certains corps de fonctionnaires, dont les services sont indispensables au bon fonctionnement harmonieux de la nation. Au plan mondial, la décision du président américain de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et les velléités de rapprochement des deux Corées ne présagent pas moins de grands bouleversements dans les relations internationales, à court ou moyen terme.

C’est dire en clair que si le virage de l’année 2018 se négocie avec prudence, un sens aigu de responsabilité et de sagesse, il est à espérer des lendemains qui chantent pour l’ensemble de l’humanité. Autrement, il faudra redouter, non sans angoisse, un dangereux basculement dans d’imprévisibles conflits violents, chaotiques, quasi incompressibles.
Dès lors, si se fondant sur les arcanes majeurs, principiels du Fâ, il est possible d’appréhender, sinon d’analyser des faits, d’importants événements qui relèvent de l’existence quotidienne des hommes, ou qui se rapportent à l’évolution cosmique manifeste de l’univers, singulièrement au plan écosystémique, thermo-climatique et spatio-temporel, pourquoi feint-on d’ignorer la place primordiale et centrale du Fâ dans la vie et l’existence de chacun ? Pourquoi lui dénier son incontestable rôle capital dans la genèse et l’émergence des cultures, institutions et civilisations du monde ?
Par conséquent, comment comprendre que depuis leur accession à l’indépendance, la plupart des États africains ne semblent manifester aucune initiative ni la moindre volonté politique de transformer le legs éducatif colonial, par l’audace d’inscrire le Fâ, ce merveilleux et encyclopédique trésor universel, épistémo-sapientiel, comme primordiale matière référentielle, fondamentale, dans les programmes d’enseignement des établissements scolaires et universitaires ?
La question s’impose et paraît d’autant plus cruciale, à considérer les défis stratégiques et enjeux géopolitiques, économico-financiers, des prochaines décennies dans un monde de plus en plus globalisé, à l’unanimisme culturel manifeste, insidieusement prôné par un quarteron de puissances occidentales dominatrices.
Comme la célébration des religions endogènes, fixée au 10 janvier, se situe dans le prolongement des festivités de fin d’année et du Nouvel an, le propos vise à mettre en exergue la prééminence du Fâ au cœur des traditions et cultes rituels vaudous, de manière à démontrer combien s’avère vitale et essentielle cette incontournable réalité métaphysique, épistémologique, mystico-spirituelle de la culture africaine. Que faire donc pour que les données scientifiques, rationnelles et logiques, les vertus phyto-thérapeutiques et sapientielles du Fâ soient reconnues, valorisées, promues, et que ce magnifique socle universel de précieux savoirs et de connaissances inestimables retrouve enfin, en Afrique, ses indiscutables lettres de noblesse, absolument légitimes?

Traditions et cultes vaudous : qu’en savoir ? 

Il tombe sous le sens qu’on ne saurait traiter des traditions et cultes vaudous, sans tenter au préalable de définir ce qu’il faille entendre par le terme fon « vodoun », étymologiquement formé des lexèmes « vo » (sacrifice) et « dou » (modulaire arcane énergétique) dont les seize (16) premiers, nodaux, constituent l’essence insondable, l’existentiel corpus distinctif du Fâ. Ainsi, du point de vue lexico-sémantique, le mot « vodoun » peut-il signifier les sacrifices indiqués par les Dou du Fâ, pour apaiser et se concilier les esprits et autres entités des mondes visibles et surtout invisibles.
Et comme pour les disposer, ces entités, à accueillir favorablement les offrandes à elles dédiées, il leur est demandé de prendre tout leur temps pour bien manger et se régaler : « Vo bodou » ! L’idée de manducation, du reste, semble une essentielle donnée prégnante, inhérente à toute relation qui s’établit avec les vodoun. Aussi note-t-on des offrandes sacrificielles non tolérées par certains vodoun, ou bien des interdits alimentaires, de nature totémique, qu’obligatoirement tout adepte vaudou est censé respecter. Le principe de manger ou de boire ne consiste-t-il pas à ingurgiter des aliments, des boissons, pour se procurer de l’énergie, se donner des forces, s’offrir du plaisir, voire sceller un pacte inviolable ? Est-il une seule religion au monde où ce principe  ne soit évoqué et "factualisé" ? Qui ne se rappelle les épisodes bibliques des noces de Cana ou de la sainte Cène ? Le vodoun ferait-il exception à la règle ?
Pour un simple profane, non adepte d’un vodoun particulier, le vodoun consisterait en une manifestation sensible, factuelle, d’une indescriptible force surnaturelle. Au prime abord, il peut s’agir d’un étrange phénomène physique, extraordinaire, inexplicable, à énergétique vibration impressionnante. L’homme parvient pourtant, par magie ou magnétisme sorcier, à en dompter la puissance, à la domestiquer et canaliser, à des fins bénéfiques ou maléfiques, dans un réceptacle approprié, d’aspect minéral, végétal, animal ou humain. D’où la panoplie d’expressions visant à rendre compte du phénomène vodoun : génie, idole, icône, masque, fétiche, scarification, pentacle, amulette, bref, tous éléments naturels ou figurés, objets de cultes, de rituelles pratiques magiques, mystico-religieuses, dont l’objectif est de tranquilliser, de rassurer son détenteur. En dialecte fon, le vodoun, c’est le « nu mè sin », le « nu si si » : ce que l’on adore, respecte ou vénère.
Pour faire simple, certains assimilent le vodoun à une divinité, un esprit qui se manifeste et se matérialise, sous différentes formes sensibles, et qui s’attache les services d’un guide spirituel, expressément choisi, à qui il fait des révélations, confie une mission spécifique et confère des attributs de puissance, des pouvoirs surnaturels. Ce guide, devenu, de ce fait, privilégié, prêtre oint, détenteur du vodoun (vodounon), consacre alors au vodoun un culte, lui dresse un autel, généralement logé dans un édicule servant de temple. Le vodoun, ainsi localisé, fixé dans ses apparences sensibles, se sent automatiquement disposé à se choisir des adeptes qu’il épouse (vodounsi), et qui sont aussitôt transportés dans le couvent (la forêt sacrée) où est érigé son temple. Ici peut déjà s’entrevoir quelque similitude avec des confessions religieuses exogènes, qui édifient des lieux de cultes avec des autels surmontés de tabernacles !
Par ailleurs, en matière de traditions ou coutumes vaudoues, sont considérés aussi vodoun, les ancêtres et parents défunts auxquels sont rendus des cultes et des hommages à travers les « Assingnis » qui les représentent. Ici encore, le parallélisme s’admet avec le culte des morts et l’hagiographie canonique des saints, solennellement célébrés : indéniables traditions distinctives de religions exogènes, ayant partout pignon sur rue. Hasard ou simple coïncidence ? Qui s’est inspiré de qui ? …
Le vodoun, socle de base des religions endogènes, ainsi perçu, permet d’envisager les traditions, ou culture vaudoue, en ce qui concerne le vécu social des peuples africains, singulièrement des Béninois, comme l’ensemble des valeurs et processus superstructurels de création et de production, qui procèdent des modes de penser, d’être et d’agir, sécrétés, élaborés, structurés et transmis par ces peuples, dans des aires géographiques typiques, soumises à des contingences tant physiques, biologico-chimiques que thermo-spatio-temporelles. Ces inévitables processus de gestation culturelle, inhérente à l’âme identitaire de tout peuple, conditionnent et déterminent, pour une large part, l’état psychique, la conscience morale, individuelle et collective, la cohésion sociale et le dynamisme créatif des Noirs, dont l’intrinsèque identité spécifique s’objective et s’affirme à travers l’observance, le respect des lois et interdits, édictés et prescrits par les vodouns auxquels ils sont attachés par un pacte inviolable.
En somme, la gnose vaudoue qui s’exprime à travers différentes productions cultuelles et culturelles : rites et pratiques mystico-magiques, mythes, contes et légendes, arts et architecture, techniques agro-pastorales, modes et tenues vestimentaires, chants et danses, etc., se perçoit comme le vrai ciment indestructible des peuples africains, adeptes du Vodoun. Cependant, cette notable fonction vitale, structurelle, mystico-socioculturelle, du vodoun, insaisissable entité surnaturelle, ne saurait se comprendre ni avoir de valeur significative, sans le principiel arcane matriciel, le Fâ, qui en constitue la pierre angulaire, la substantifique moelle irrécusable.

Le Fâ : qu’est-ce que c’est ?

À tout seigneur, tout honneur ! Il importe, au prime abord, de passer en revue quelques avis de spécialistes, praticiens du Fâ, et de hauts initiés, très avertis dans les sciences occultes qui relèvent de traditions culturelles venant d’ailleurs.
Dans cette optique, il est à noter que dans sa préface au livre de Rémy Hounwanou : le Fâ, une géomancie divinatoire du Golfe du Bénin (pratique et technique), N.E.A., Abidjan, 1983), Abbhyas Mithrananda, de l’Ordre mystique de Chevalier du Lotus d’Or, soutient : « À la grande noce des civilisations, que laisse présager la nouvelle ère à l’aube de laquelle nous sommes, l’Afrique des traditions ésotériques aura beaucoup à apporter à l’humanité (…). Parmi les multiples éléments de ces traditions figure le Fâ. Le Fâ qui est à la fois science, divinité présidant au destin de l’homme. Il est un livre ouvert sur le passé, le présent et l’avenir, enseignant à l’homme ses liens profonds avec la nature, tout en lui dispensant, grâce aux contes allégoriques liés à chaque arcane, une grande et très profonde sagesse existentielle (…). Le Fâ est la seule science divinatoire actuelle pouvant révéler l’avenir tout en se proposant d’aider l’homme à y faire face par des moyens appropriés. Ainsi pourra-t-il éventuellement éviter ou adoucir les difficultés et écueils inhérents à sa condition (…). Par le Fâ et à travers le Fâ s’ouvrent à l’homme de nouvelles perspectives ; il peut sinon changer son destin ou du moins le modifier dans le sens du mieux pour mieux se connaître et mieux s’assumer ».
Hosseh Orobiyi, dans l’avant-propos du même livre, pense, quant à lui, que «le Fâ est la voie initiatique, non de la seule République populaire du Bénin (ex-Dahomey), mais de tout le golfe de même nom. En effet, cette approche initiatique couvre, géographiquement, une zone qui s’étend, sans discontinuité, du Nigeria au Ghana. Divers auteurs y ont consacré leurs efforts et talents : William Bascom, Bernard Maupoil, Albert de Surgy, R. Trautmann, Julien Alapini, etc., (…). Le Fâ est, certes, une géomancie, une technique divinatoire, mais c’est là un aspect mineur des choses. Le Fâ est, avant tout, une voie de la connaissance, une doctrine initiatique (…). Le prêtre du Fâ (le Boko) n’est pas un vulgaire. Sa science, son comportement, sa sagesse en font un homme à part (…). Cette connaissance initiatique, c’est ce que la force des armes n’a pu vaincre (…). Le Fâ n’a pas été profané … le Fâ excelle dans le « vossissa », le sacrifice, expression de la confiance en l’infinie miséricorde de Dieu… »
Voilà comment, en des termes précis, convaincants, des initiés à d’autres mystères gnostiques, apprécient l’importance, la place et le rôle du Fâ, au plan cosmogonique mondial. Mais qu’en pensent les réels praticiens, incontestables experts avérés du Fâ ?...
(A suivre !)
*Fâlogicien