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Tribune: Mes interrogations sur le cas Richard Boni Ouorou

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Léopold Gnonké Léopold Gnonké

L’arrestation, ce jeudi 15 mai 2025, de Richard Boni Ouorou, et de certains cadres du ministère de l’Intérieur, a suscité une vive effervescence sur les réseaux sociaux et dans l’opinion publique béninoise. Dans la foulée, on nous apprend que l’homme politique s’est fait épingler pour avoir corrompu des fonctionnaires pour obtenir le récépissé de reconnaissance officielle de son parti politique, Le Libéral. 

Par   Léopold Gnonké, le 19 mai 2025 à 07h41 Durée 2 min.
#Affaire Richard Boni Ouorou

Si les partis politiques se sont carrément tus jusqu’à présent, trois grands types de réactions émergent au sein des Béninois: i) ceux qui s’en moquent ou détournent le regard, ii) ceux qui y voient de grosses ficelles d’un complot politique, et enfin iii) ceux qui banalisent la corruption d’agent public et lui retirent toute gravité morale et juridique.

C’est cette dernière catégorie qui m’inquiète le plus. Certains, dans un relativisme condamnable, en appellent à la célèbre parabole de la Bible: “Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre” à Richard! D’autres soutiennent que la corruption d’un agent public est une pratique généralisée, presque culturelle, et que s’en prendre à Richard, c’est faire preuve de méchanceté sélective dans un pays où, selon eux, tout le monde triche. Pire encore, certains vont jusqu’à justifier l’impunité au nom de la générosité supposée de l’accusé, comme si la largesse pouvait absoudre l’infraction.

Mais cette indulgence aveugle est un poison lent qui finira par détruire nos institutions, nos acquis sociaux, et même nous-mêmes. En légitimant la corruption, on valide insidieusement toutes les formes d’atteinte à l’éthique : le vol, la fraude, le trafic, le crime, les arrangements douteux. On ouvre un boulevard à une génération de criminels prêts à se livrer à toute pratique pour ramener quelques billets à la maison, peu importe leur provenance.

Oui, la présomption d’innocence est une pierre angulaire de notre système judiciaire, mais elle ne saurait être détournée pour neutraliser la rigueur morale et éthique que nous devons exiger de ceux qui prétendent servir la République. Richard ne devrait-il pas savoir qu’un article payé sur Forbes Afrique n’est pas une carte d’accès à la Présidence de la République et que la politique est un fleuve aux puissantes vagues qu’on ne traverse qu’avec des bouées de sauvetage?

Dans cette société où les lignes entre le bien et le mal deviennent indistinctes, peut-on encore rêver d’un avenir collectif fondé sur l’intégrité, l’effort et le mérite ? Là où l’argent sale est célébré, les vocations honnêtes s’estompent au lieu d’être le fer de lance du développement que nous désirons.

Si aujourd’hui nous célébrons l’émergence de pays comme Singapour, la Corée du Sud ou la Chine, c’est parce que à un moment charnière de leur histoire, ces nations ont fait le choix douloureux mais salutaire de l’exemplarité, de la discipline, et du rejet des compromissions morales. Elles ont misé sur la rigueur comme levier de transformation. Mais mon pays le Bénin n’en veut pas ! Il en est  sérieusement réfractaire!

Alors, que faisons-nous ? Allons-nous regarder, impassibles, le Bénin sombrer dans un chaos moral qui prépare l’apocalypse institutionnelle et économique ? Ou allons-nous, enfin, dire non à la banalisation de la corruption, non à la complicité silencieuse, non au sacrifice de l’éthique sur l’autel du cynisme politique ?

Sur un matelas de médiocrité morale, ou dans un marécage où tout est en décomposition, il n’y aura ni justice, ni paix, ni développement durable au Bénin.

Sociologue