La Nation Bénin...
L’arrestation, ce jeudi 15 mai 2025, de Richard Boni Ouorou, et de certains cadres du ministère de l’Intérieur, a suscité une vive effervescence sur les réseaux sociaux et dans l’opinion publique béninoise. Dans la foulée, on nous apprend que l’homme politique s’est fait épingler pour avoir corrompu des fonctionnaires pour obtenir le récépissé de reconnaissance officielle de son parti politique, Le Libéral.
Si
les partis politiques se sont carrément tus jusqu’à présent, trois grands types
de réactions émergent au sein des Béninois: i) ceux qui s’en moquent ou
détournent le regard, ii) ceux qui y voient de grosses ficelles d’un complot
politique, et enfin iii) ceux qui banalisent la corruption d’agent public et
lui retirent toute gravité morale et juridique.
C’est
cette dernière catégorie qui m’inquiète le plus. Certains, dans un relativisme
condamnable, en appellent à la célèbre parabole de la Bible: “Que celui qui n’a
jamais péché jette la première pierre” à Richard! D’autres soutiennent que la
corruption d’un agent public est une pratique généralisée, presque culturelle,
et que s’en prendre à Richard, c’est faire preuve de méchanceté sélective dans
un pays où, selon eux, tout le monde triche. Pire encore, certains vont jusqu’à
justifier l’impunité au nom de la générosité supposée de l’accusé, comme si la
largesse pouvait absoudre l’infraction.
Mais
cette indulgence aveugle est un poison lent qui finira par détruire nos
institutions, nos acquis sociaux, et même nous-mêmes. En légitimant la
corruption, on valide insidieusement toutes les formes d’atteinte à l’éthique :
le vol, la fraude, le trafic, le crime, les arrangements douteux. On ouvre un
boulevard à une génération de criminels prêts à se livrer à toute pratique pour
ramener quelques billets à la maison, peu importe leur provenance.
Oui,
la présomption d’innocence est une pierre angulaire de notre système
judiciaire, mais elle ne saurait être détournée pour neutraliser la rigueur
morale et éthique que nous devons exiger de ceux qui prétendent servir la
République. Richard ne devrait-il pas savoir qu’un article payé sur Forbes
Afrique n’est pas une carte d’accès à la Présidence de la République et que la
politique est un fleuve aux puissantes vagues qu’on ne traverse qu’avec des
bouées de sauvetage?
Dans
cette société où les lignes entre le bien et le mal deviennent indistinctes,
peut-on encore rêver d’un avenir collectif fondé sur l’intégrité, l’effort et
le mérite ? Là où l’argent sale est célébré, les vocations honnêtes s’estompent
au lieu d’être le fer de lance du développement que nous désirons.
Si
aujourd’hui nous célébrons l’émergence de pays comme Singapour, la Corée du Sud
ou la Chine, c’est parce que à un moment charnière de leur histoire, ces
nations ont fait le choix douloureux mais salutaire de l’exemplarité, de la
discipline, et du rejet des compromissions morales. Elles ont misé sur la
rigueur comme levier de transformation. Mais mon pays le Bénin n’en veut pas !
Il en est sérieusement réfractaire!
Alors,
que faisons-nous ? Allons-nous regarder, impassibles, le Bénin sombrer dans un
chaos moral qui prépare l’apocalypse institutionnelle et économique ? Ou
allons-nous, enfin, dire non à la banalisation de la corruption, non à la
complicité silencieuse, non au sacrifice de l’éthique sur l’autel du cynisme
politique ?