« Le Vodoun accompli… » du père Giono Brun Honfin: Un pont entre Vodoun et Christianisme
Culture
Par
Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 01 juin 2021
à
09h20
« Le Vodoun accompli. Lettre à mon cousin, pour un dialogue de vérité », est une œuvre épistolaire du père Giono Brun Honfin qui fait le pont entre le Vodoun et le Christianisme, deux religions distinctes mais dont les frontières ne sont pas si étanches. Dans la rencontre entre ces deux religions souvent opposées, l’auteur amène à la conclusion que le Christianisme accomplit le Vodoun.
Pour bon nombre de chrétiens, les adeptes du Vodoun seraient de vils adorateurs du diable ; et aux yeux de ces derniers, le Christianisme apparait bien souvent comme une religion importée, un canular utilisé pour abêtir, aliéner et piller l’Afrique en le détournant de ses origines. Pourquoi opposer ces deux religions alors que l’une trouve son achèvement dans l’autre ? Dans son œuvre « Le Vodoun accompli. Lettre à mon cousin, pour un dialogue de vérité », le prêtre catholique Giono Brun Honfin amène le lecteur à se défaire des idées préconçues pour entrevoir la rencontre entre ces deux religions. Le Vodoun reconnait l’existence de Dieu créateur de toutes choses et passe par des forces médiantes pour atteindre ce Transcendant inaccessible. Le Christianisme vient révéler au Vodoun le visage de ce Dieu : Dieu avec nous, Dieu très proche dans la personne de Jésus-Christ. Pour l’auteur, le Christianisme vient donc accomplir le Vodoun. Dans cette veine, l’auteur affirme : « les religions traditionnelles restent incomplètes si elles n’arrivent pas à conduire leurs pratiquants directement à la rencontre avec leur créateur. Elles demeurent un chemin, un canal vers le Créateur du ciel et de la terre ». Loin de jeter du discrédit sur les religions endogènes, l’auteur exhorte non seulement à un dépassement mais aussi à une fraternisation. Abordant l’enjeu de ce livre à l’occasion de son lancement le 27 février dernier, le père Thomas Mèvodjo, présentateur de l’œuvre, affirme : « L’enjeu du livre est contenu dans son titre et dans sa forme. Il s’agit d’une lettre écrite à un cousin dans une démarche de vivre-ensemble et de dialogue. Il est surtout une ode à la fraternité que briseraient à tort des malcompréhensions religieuses. Une vraie fraternité doit se construire sous un fond de vérité. C’est pourquoi l’auteur relève des erreurs de méthodologie et d’approches théologiques », fait-il observer.
Dépasser l’opposition !
Giono Brun Honfin aborde la thématique du Vodoun avec une lucidité sans pareille ; en refusant toute comparaison ou opposition serviles : « la tendance à vouloir opposer à tout prix le Vodoun au Christianisme tuera et détruira l’essence et l’originalité de nos religions endogènes », écrit-il. En réalité, il existe entre ces deux religions, une opposition séculaire et les protagonistes font feu de tout bois pour attiser cette opposition. L’auteur l’exprime à la page 43 : « Au cours de cette fête (10 Janvier) et dans les instances où le Vodoun est invité à la table de discussion, on sent une revendication de retour aux sources et le profond désir de la fin d’une période de maltraitance et de mal-vivre. Les rendez-vous culturels se transforment en une occasion, et même, en un tribunal à peine voilé de réclamation d’une indépendance culturelle assignant le Christianisme à la barre comme un semeur de trouble dans l’ordre endogène». L’auteur évoque également les excentricités de certaines analyses chrétiennes qui assimilent sans réserve le Vodoun à la Magie noire, à la sorcellerie et au satanisme. Pourtant la pensée de l’Eglise reste sans équivoque : « L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans les religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est «la voie, la vérité et la vie» dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu sait réconcilier toutes choses », peut-on lire dans l’œuvre. L’auteur invite à se défaire des élans antagonistes, des idées colportées et introduit le lecteur sur la route de Galilée, la route de la rencontre entre deux mystères. Dans sa dernière encyclique intitulée Fratelli Tutti et portant sur la Fraternité et l’amitié sociale, parue le 4 octobre dernier, le Saint Père écrit d’ailleurs : « Les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société. Le dialogue entre personnes de religions différentes ne se réalise pas par simple diplomatie, amabilité ou tolérance. Comme l’ont enseigné les évêques de l’Inde, l’objectif du dialogue est d’établir l’amitié, la paix, l’harmonie et de partager des valeurs ainsi que des expériences morales et spirituelles dans un esprit de vérité et d’amour ».
Le témoignage d’une vie
Pour le père Thomas Mèvodjo, cette œuvre est le témoignage d’une vie. Le père Giono Brun Honfin est natif de Adjahonmè, petit-fils de Adjagnon, responsable de culte Vodoun et chef de terre. L’auteur naît et grandit dans le Vodoun. Il en rend lui-même témoignage à la page 54 de son œuvre : «Le Vodoun, je l’ai fréquenté…, j’ai vécu cette réalité de près. Même si je fuyais toutes les scarifications, rien ne pouvait, à l’époque, me priver du plaisir que je prenais à manger, en communion avec les autres membres de la famille, ces repas couronnés de grasses viandes de poulet, victimes sacrifiées en l’honneur des divinités ». L’auteur est maintenant prêtre catholique. «Une identité qui le lie désormais ontologiquement au Christ, Victime immolée pour le salut du monde. A la confluence de ces deux identités, émerge une personne dont la nature oblige au dialogue et dont l’histoire en fait un acteur de fraternité », relève le présentateur de l’œuvre. Pour le père Thomas Mèvodjo, l’auteur bâtit son œuvre en partant des thématiques du culte et de la culture et reste campé dans le triple champ symbolique du sang, de la fraternité et de l’amitié pour mettre en œuvre sa propre expérience en termes d’identité, de religion, de communication et de dialogue de vérité. Il insiste, malgré les difficultés sémantiques, sur les divers aspects notionnels du Vodoun pour faire ressortir son originalité: « vo-bo-dou »: se mettre à l’aise pour manger; «djê vo don », «vo do don yehwè » : celui qui est en paix dans l’invisible et qui est devenu lumière ; « Voju » : un terme Aja qui évoque l’idée d’une union des différences. « Le Vodoun serait partant le principe cohéreur de nos différences. Ouvert donc dans son essence à la rencontre, le Vodoun, quand bien même il est une religion traditionnelle africaine que l’on retrouve au Ghana, au Bénin, au Togo, au Nigéria et dans certains pays de descendants d’esclaves, n’est pas une réalité close car il reste l’expression particulière d’une réalité universelle, d’un noyau primitif, d’un phénomène religieux inné en l’homme et en tout l’homme », en déduit le présentateur.