La Nation Bénin...
« Su-kiana », c’est le spectacle de conte théâtralisé présenté vendredi 26 août dernier à l’espace Ancrage Culture à Parakou. Il s’agit d’une restitution de la première partie d’une résidence de création s’inscrivant dans le cadre du projet « Contons la paix » porté par l’association Iminrio.
L’association Iminrio en partenariat avec l’association Sac-à-parole du Mali produisent « Su-kiana », un spectacle de conte théâtralisé dont un avant-goût est présenté vendredi dernier à l’espace Ancrage Culture à Parakou. Il s’agit de la restitution de la première partie d’une résidence de création qui s’est déroulée du 4 au 26 août dernier à Parakou et qui s’inscrit dans le cadre du projet « Contons la paix ».
A travers ce spectacle, le Malien Salif Berthé et les Béninois Koudoussou Laourou, Carlos Zinsou et Séidou Barassounon, ont fait voyager le public trente-cinq minutes durant à travers la légende malienne du terrible Bilissi diversement contée. C’est l’épopée de Bakari Sidiki Dangana Koné dit Bakari Djan (Bakari-Le-Grand en malinké ou Bakari-Le-Preux en bambara) qui décide de mettre fin aux exactions du redoutable Peul mi-homme mi-bête, ce ‘’monstre à cinq têtes’’ dénommé Bilissi, qui imposait sa loi et semait terreur et désolation sur son passage, en exigeant un tribut pompeux de viande à Ségou. L’histoire raconte que celui qui oserait prendre la part de viande destinée à cet « avatar du diable » n’était pas encore né, tellement il était craint et sévissait. Mais tout dictateur finit toujours par connaître son déclin, à l’instar de Mobutu qui connut une fin tragique et de Blaise Compaoré, une fin inattendue, écrit le dramaturge et metteur en scène du spectacle, Patrice Toton. Ainsi, Bilissi le démoniaque rencontra garçon en chemin : Bakari-Le-Grand, un valeureux combattant qui s’est préparé à défier l’impitoyable dominateur. Qu’adviendra-t-il de Ségou ? La question reste entière et le dénouement, c’est après la seconde partie de la résidence annoncée pour octobre prochain. Le spectacle complet sera présenté en fin d’année lors de la Rencontre internationale des arts de l’oralité (RIAO) dirigée par Patrice Toton.
Rappelons que cette fable datant de la moitié du XIXe siècle, chantée par plusieurs artistes maliens dont Wandé Kouyaté, Banzoumana Sissoko, Bassekou Kouyaté, contée par le comédien Habib Dembélé, a également inspiré le roman « Bakari Dian, le fils rebelle de Ségou » d’Aboubacar Eros Sissoko.
L’adaptation
Le décor sobre campé dans ce modeste théâtre d’Ancrage Culture renvoie à la tradition à travers une calebasse, un tam-tam et deux sièges décorés avec une certaine modernité au fond de la scène. Le récit est débité en français, en baatonou, avec une violence des mots qui choquent et s’entrechoquent entre les deux protagonistes Bilissi (Koudoussou Laourou) et Bakari (Carlos Zinsou) sur fond de menaces et de répliques. Tantôt il est amplifié par des discours belliqueux, tantôt il est tempéré par des chants en bambara, baatonou, yoruba, fon de deux griots. L’un, malien, est brillamment incarné par l’éclectique comédien Salif Berthé inséparable de sa guitare. L’autre, Béninois, est le percussionniste et chanteur, l’étoile montante de la chanson du septentrion Barasuno (C’est son nom d’artiste, auteur de l’album ‘’Tuuba’’), imposant dans sa tenue distinctive bariba ‘’tako’’ avec son talking drum coincé dans l’aisselle.
En lieu et place d’un n’goni ou autre instrument traditionnel pour mieux plonger dans la musique mandingue, Salif s’appuie plutôt sur son instrument à corde moderne, sa voix, son talent de conteur pour véhiculer toute la force de cette fable, à l’instar de Djonkoloni, Duga de la même tradition malienne. Le spectacle est empreint d’un brassage interculturel panafricain avec l’adaptation et l’effort de réécriture opérée par le Béninois Patrice Toton sur ce geste venu d’ailleurs. Comme pour dire : la culture africaine est riche et variée, l’Afrique devrait être une et indivisible ; donnons-nous la main pour que cessent les conflits dans les foyers de tension sur le continent : au Nord du Mali, au Soudan, dans la région des grands lacs, au Nigeria... !
Les ovations nourries du public en dépit des défaillances répétées de la régie, notamment avec la lumière, témoignent du travail abattu. A en croire Patrice Toton, il s’inscrit dans sa démarche de recherche démarrée avec le projet « Danxomè-xo ». Certainement que dans cette veine, l’on aura droit aux légendes contées sur scène de Bio Guéra, Kaba et autres héros de la résistance contre les envahisseurs, plus proches de nous?