Le Fonds des Arts et de la Culture n'existe plus. Dans le cadre des réformes structurelles dans le secteur, le gouvernement a dissous le Fonds des Arts et de la Culture (Fac) et annoncé la création du Fonds pour le Développement des Arts et de la Culture, et le Comité d’appui au Développement de l’Industrie cinématographique. Artistes, promoteurs culturels et comédiens apprécient et formulent des propositions.Au cours de sa session du 19 octobre 2022, le Conseil des ministres a décidé de la dissolution du Fonds des Arts et de la Culture. Selon le relevé de ce Conseil des ministres, «l’action du gouvernement dans le sous-secteur de la culture vise l’émergence d’une véritable économie culturelle dans notre pays, source de richesse et d’emplois. Cependant, malgré les ressources mises à la disposition du Fonds des arts et de la culture, cet objectif est loin d’être atteint. Pour remédier à ses contre-performances, il convient de mettre en place un mécanisme de financement de la culture et des arts plus souple et plus efficace.» Voilà qui justifie la suppression du Fac. La nouvelle a aussitôt fait le tour des ateliers, scènes de tournage et maisons de production. Et depuis les langues se délient pour apprécier la décision et faire des propositions.
Le Fac : « une structure sans grand impact ! »
Pour Ghislain Bidossèssi
Fandohan, artiste plasticien et membre du Conseil national des organisations d’artistes, « avec le mot ‘’Développement’’ qui est venu s’ajouter à la dénomination, on comprend le souci du gouvernement qui veut plus d’impact sur le terrain. » Dans son analyse, l’artiste s’appuie sur les nouvelles mesures en vue, et confie qu’il y aura une contribution des artistes bénéficiaires ; mieux, ce ne sera plus une dotation à fonds perdus. On s’attend donc à une dynamisation de «ce Fonds qui enregistrera dans sa nouvelle composition : un comité scientifique, un comité interministériel et un comité artistique ». De son côté, Jean-Pierre Hounti-Kiki, président de la Fédération nationale des artistes de la musique traditionnelle du Bénin, explique que la dissolution du Fac vient sauver l’ancien Dg/Fac, Gilbert Déou Malè qui subissait beaucoup de pressions, face à l’étude des dossiers d’attribution et à l’octroi de l’aide. « C’est une structure dont la gestion est très difficile, à cause de la mentalité béninoise. Il était grand temps qu’on envisage sa restructuration. Je salue la décision et encourage vivement le gouvernement à aller dans ce sens », apprécie-t-il.
[caption id="attachment_90599" align="alignnone" width="169"]

Dah Médéou Gbaguidi, poète dramaturge[/caption]
Poète dramaturge béninois résident en Côte d'Ivoire, Dah Médéou Gbaguidi ira encore plus loin. Il déclare que le moment est arrivé de revoir le fonctionnement du Fonds et de suivre les projets sur place. Car, se désole-t-il « le Fac était devenu un club d'amis qui en profitent. C'est normal que le résultat attendu ne soit pas atteint. Néanmoins, nous pouvons nous réjouir de ce que les fonds ne soient pas perdus mais ont servi à faire autre chose. Beaucoup d'artistes ont des maisons grâce au Fac. »
Même son de cloche de la part du cinéaste et directeur de la maison de production ‘’Les Films Togbo’’. Selon Ignace Yèchénou, «la gestion de ce Fonds n’avait jamais été porteuse d’espoir. Tel que les gens allaient percevoir l’argent au guichet, c’était du copinage. » Mieux, il cite les fresques qui ornent les murs du Port autonome de Cotonou, la majestueuse statue de l’Amazone, et conclut que ce sont des œuvres artistiques tangibles. Il aurait aimé voir également des réalisations du Fac pour se convaincre de son engagement au service de l’art au Bénin. Il en déduit que la structure n’a pas comblé les attentes de la vision du gouvernement et des acteurs du domaine. « Le gouvernement et son chef ont donc très bien fait de dissoudre le Fonds pour repenser les choses et les orienter autrement », se réjouit-il. L’ancien directeur général adjoint de la Cinématographie du Bénin estime que nul ne peut montrer aujourd’hui les réalisations du Fac. A l'en croire, le sous-secteur de la cinématographie n’a jamais rien bénéficié du Fac.
[caption id="attachment_90600" align="alignnone" width="225"]

Ignace Yèchénou, cinéaste et directeur de la maison
de production ‘’Les Films Togbo’’[/caption]
Quid des attentes ?
L’espoir semble renaître à l’annonce de la création du Fonds de Développement des arts et de la culture. Sur les ruines du Fac, la nouvelle mouture du Fonds se veut plus technique avec l’implication d’un comité interministériel et d’experts. Jean-Pierre Hounti-Kiki se frotte les mains et émet le vœu que, dans sa nouvelle configuration, « le Fonds comporte en son sein des représentants du Conseil national des artistes. » Ghislain Bidossèssi Fandohan, quant à lui, souhaite que « les acquis du Fac soient préservés et renforcés ; que les subventions ne se fassent plus suivant les affinités ou l’appartenance politique des artistes ; que des projets innovants et durables soient sélectionnés pour apporter de la plus-value au monde artistique et culturel. C’est ce faisant que les artistes arriveront à s’affranchir de la dépendance de l’aide.»
Pour l’ancien trésorier général du premier Syndicat national des Artistes du Bénin, « l’espoir est permis. » Dah Médéou Gbaguidi veut « voir la culture béninoise rayonner. Nous avons du potentiel et aujourd'hui des cadres, la mission est connue ; si les moyens existent, il faut juste encadrer la gestion pour voir les résultats», propose-t-il.
Nouveau souffle pour le développement de l’industrie cinématographique
Ici aussi, les attentes foisonnent. Le cinéaste Ignace Yéchénou dit d’abord toute sa satisfaction au sujet du comité en gestation : «Je suis très content que le gouvernement veuille redonner un nouveau souffle au cinéma béninois. » Puis il fait certaines doléances qu’il estime être des préalables à régler. En sa qualité d’ancien directeur général adjoint de la cinématographie, il rappelle que son équipe s’était battue en vain pendant 6 ans pour que le code de la cinématographie soit voté afin que les choses soient mieux organisées dans le secteur. Aujourd’hui, il nourrit l’espoir que le premier grand chantier du Comité d’appui pour le développement du cinéma soit celui du vote du code. C’est alors que d’autres pans pourront être attaqués et plus facilement gérés : « Le cinéma, c’est aussi de l’archivage, de la documentation, et plein d’autres choses. » Il appelle à faire en sorte qu’en son temps, une équipe soit mise en place pour faire les choses en toute transparence et avec professionnalisme. « Si l’espoir qui luit peut se concrétiser, ce sera beau ! Car, c’est grâce au cinéma que nous avons connu la Chine de Mao Tse Toung à travers les films de karaté, c’est grâce au cinéma que nous avons connu l’Inde avec les films hindous. »
[caption id="attachment_90601" align="alignnone" width="225"]

Jean-Pierre Hounti-Kiki, président de la Fédération nationale
des artistes de la musique traditionnelle du Bénin[/caption]
Dans le même ordre d’idées, Ghislain Bidossèssi Fandohan spécule sur la cagnotte qui pourrait être allouée au Fonds de développement des arts et de la culture, et explique que la cinématographie est un sous-secteur budgétivore. Il souhaite « s’il était possible, que le gouvernement crée un Fonds destiné uniquement au financement du cinéma, et qu’à défaut, le Fonds qui sera mis à disposition du Fdac soit assez consistant.» Il propose d’avoir de grandes ambitions et donc, « 100 milliards ne serait pas trop donné.»?
Par Désiré G. TCHOKPONHOUE (Stag.)