La Nation Bénin...
Face
aux opportunités et défis que représente l’Intelligence artificielle, les
autorités monétaires africaines s’interrogent sur le rôle que peuvent jouer les
banques centrales dans cette révolution technologique. L’Afrique entend faire
de cette innovation un levier de transformation économique, et le Bénin se
distingue déjà par des avancées concrètes en la matière.
Longtemps cantonnée aux laboratoires de recherche et aux géants du numérique, l’Intelligence artificielle frappe désormais aux portes des banques centrales africaines. Une transformation silencieuse mais profonde s’opère au cœur des institutions monétaires du continent, où l’IA est perçue à la fois comme une promesse d’efficacité et un défi à maîtriser. Derrière cette montée en puissance technologique, une conviction commune émerge: l’Afrique ne veut plus être en marge de la révolution numérique mondiale. Cette orientation a trouvé un écho lors de la Conférence internationale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (Bceao), tenue le 21 mai 2025 à Dakar, autour du thème « L’intelligence artificielle : opportunités et défis pour les banques centrales». L’événement, inédit par son thème dans le milieu traditionnellement prudent des institutions monétaires, marque une volonté d’anticipation et de modernisation. Selon Jean-Claude Kassi Brou, gouverneur de la Bceao, l’heure n’est plus à la simple observation. « L’avènement de l’IA constitue une révolution qui change déjà en profondeur de nombreux domaines d'activité. Ce pouvoir transformateur croissant mérite une attention particulière des autorités en charge des politiques économiques », a-t-il affirmé. L’Afrique ne veut donc pas rester spectatrice face aux bouleversements engendrés par l’IA dans le monde. Bien au contraire. « À l’instar des autres continents, l'Afrique s’est également engagée à saisir les opportunités offertes par l'IA pour accélérer sa transformation économique et sociale », a souligné le gouverneur, rappelant que cette ambition s’est matérialisée par des actions concrètes. Parmi celles-ci, figurent l’adoption par l’Union africaine, d’une Stratégie continentale sur l’Intelligence artificielle en 2024, ainsi que le lancement de programmes structurants comme « Artificial Intelligence for Africa ». En avril 2025, le continent a franchi un nouveau cap avec la création du Conseil africain de l’intelligence artificielle lors du Sommet mondial sur l’IA à Kigali. L’objectif est d’harmoniser les politiques numériques et stimuler l’innovation technologique sur le continent.
Virage stratégique
Cette
dynamique continentale est portée aussi par les efforts nationaux. Plusieurs
pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont pris des
initiatives ambitieuses en matière de développement de l’IA. Le Bénin, à ce
titre, a été explicitement cité en exemple. Le pays a adopté une stratégie
nationale d’intelligence artificielle et a engagé des projets pilotes dans les
secteurs de l’administration publique, de l’éducation, de la santé et de la
finance. Une avancée saluée comme un modèle à suivre par les autres États
membres.
Du
côté des institutions monétaires, les usages de l’IA restent encore
embryonnaires. Mais l’évolution est amorcée. La Bceao elle-même a mis en place,
en juillet 2024, un Comité de Réflexion sur l’Intelligence artificielle (Cria).
Cette cellule a pour mission de formuler une feuille de route sur l’intégration
de l’IA dans les missions de la Banque, en identifiant les bénéfices potentiels
ainsi que les risques à encadrer. Les banques centrales ne sont pas seules sur
ce chemin. Elles sont accompagnées par leurs partenaires techniques et
financiers dont le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque mondiale, la
Banque des règlements internationaux, venus partager leurs expériences et
outils d’accompagnement lors de cette conférence.
L’objectif
de la rencontre de Dakar n’était pas d’apporter des solutions toutes faites, a
précisé le gouverneur Jean-Claude Kassi Brou, mais d’ouvrir un cadre d’échanges
sur les bonnes pratiques, les expérimentations en cours et les enjeux éthiques
et techniques de l’usage de l’IA dans la régulation monétaire.
À
l’échelle mondiale, la question de l’éthique de l’intelligence artificielle est
centrale. Le sommet sur l’IA tenu à Paris en février 2025 a conduit à une
déclaration commune de plus de 60 pays en faveur d’une IA ouverte, inclusive et
éthique. Une orientation que l’Afrique partage pleinement, à travers ses
initiatives et la vision inclusive portée par ses institutions.
Marché numérique intégré
Dans
la dynamique impulsée par la Bceao pour une inclusion numérique et financière
renforcée en Afrique de l’ouest, la Commission économique pour l’Afrique (Cea)
élargit la perspective. À travers son cadre d’action pour l’économie numérique
et la Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique (2020-2030), la Cea
mise sur un marché numérique unique, sécurisé et juridiquement encadré, soutenu
par la Zone de libre-échange continentale africaine. L’objectif est de bâtir
une économie numérique inclusive où les Africains, pleinement acteurs,
bénéficient de la libre circulation des données, des services et des
innovations, sur fond d’infrastructures robustes, de gouvernance numérique
harmonisée et d’un capital humain renforcé. La Cea place également les start-up
et la jeunesse au cœur d’un écosystème numérique panafricain en devenir. Ce
cadre vise à lever les barrières réglementaires, stimuler l’innovation, et faire
des jeunes Africains non seulement des utilisateurs, mais aussi des producteurs
de solutions digitales adaptées au continent.
Alors que les technologies évoluent à une vitesse vertigineuse, le continent semble déterminé à prendre le train en marche, voire à en devenir un moteur. La transformation numérique de ses systèmes financiers et administratifs, appuyée par l’Intelligence artificielle, pourrait bien constituer l’un des leviers majeurs de la prochaine décennie.