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Souveraineté économique africaine: Une agence de notation pour rééquilibrer les évaluations financières

Economie
Une nouvelle dynamique financière s’ouvre pour l’Afrique Une nouvelle dynamique financière s’ouvre pour l’Afrique

L’Union africaine (Ua) annonce la création d’une agence de notation financière propre au continent, prévue pour le deuxième semestre de l’année 2025. L’objectif est de pallier les biais des agences internationales et de proposer une évaluation plus juste des économies africaines. 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 18 févr. 2025 à 07h22 Durée 3 min.
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L’Union africaine franchit une étape décisive vers l’autonomie économique du continent avec l’annonce du lancement prochain d’une agence de notation financière africaine. Cette décision, présentée lors du 38e  sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, du 14 au 16 février, vise à dépasser les évaluations jugées arbitraires des agences internationales telles que Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s.

Selon le rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep) qui a travaillé sur la proposition, l’agence de notation africaine aura une approche contextuelle et mobilisera des experts locaux pour produire des analyses plus fines et objectives.

Depuis plusieurs années, les dirigeants africains dénoncent les notations négatives et souvent biaisées qui affectent l’accès aux marchés financiers et renchérissent le coût du crédit pour les États du continent. «Malgré les progrès réalisés, les agences de notation internationales continuent de donner une image déformée de nos économies », a déclaré Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine à l’ouverture du sommet.

Ce constat est partagé par le président du Kenya, William Ruto, qui insiste sur la nécessité de construire une institution crédible et reconnue à l’échelle mondiale. «Une agence de notation africaine, ce n’est pas seulement une alternative, mais un impératif. Cette agence doit être crédible au niveau mondial et s’appuyer sur des données rigoureuses, crédibles et répondre à des normes d’évaluation strictes. Mais surtout, elle doit refléter correctement la réalité de l’Afrique », souhaite le président kényan. Les notations internationales basées sur des modèles standardisés, ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités locales et les efforts de stabilisation entrepris par les États africains. En conséquence, ces évaluations handicapent la capacité des pays à emprunter à des taux raisonnables, freinant ainsi les investissements et le développement.

Alternative structurante

L’agence baptisée African credit rating agency (Afcra), sera indépendante et dirigée par le secteur privé africain. Elle s’appuiera sur des critères plus adaptés aux réalités économiques du continent et fournira des évaluations plus équilibrées. Cette initiative ambitionne non seulement d’assurer une meilleure représentation des réalités africaines, mais aussi d’influencer positivement les décisions des investisseurs internationaux. En instaurant une agence africaine de notation, les dirigeants espèrent attirer davantage d’investissements directs étrangers en renforçant la confiance des marchés dans la solidité des économies du continent. Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) estime que des notations plus équitables pourraient permettre aux pays africains d’économiser jusqu’à 75 milliards de dollars par an en coût du service de la dette.

Akinwumi A. Adesina, président de la Banque africaine de développement (Bad) avait déjà insisté sur la création d’une telle agence lors d’une rencontre avec des investisseurs au Royal institute of international affairs à Londres. Il a rappelé à l’occasion que le taux de défaut en Afrique est bien inférieur à celui de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Est. « Réformer les agences de notation est une nécessité absolue pour réduire les coûts de la dette et libérer des financements », avait-il affirmé.

La surévaluation des risques par les agences internationales limite l’accès des États africains aux financements internationaux à des conditions avantageuses. La création de l’Afcra pourrait permettre d’obtenir des taux d’intérêt plus justes et reflétant mieux la réalité des économies africaines.

Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation économique du continent. L’agence de notation pourrait également encourager le développement de projets d’infrastructures et industriels de grande envergure en rassurant les investisseurs et en facilitant l’accès aux capitaux. Par ailleurs, en intégrant des critères environnementaux et sociaux spécifiques à l’Afrique, elle pourrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique du continent. Le lancement de l’Afcra constitue donc un jalon important pour une plus grande souveraineté financière du continent. En se dotant de ses propres outils d’évaluation, l’Afrique renforce son poids sur la scène économique mondiale et affirme sa capacité à maîtriser son propre avenir.

Une agence de notation africaine, un pari risqué ?

Si la création d’une agence de notation financière propre à l’Afrique représente une avancée majeure pour l’indépendance économique du continent, plusieurs obstacles pourraient freiner son efficacité. La fiabilité des données économiques et financières reste un défi majeur, de nombreux pays africains souffrant encore d’un manque de statistiques précises et transparentes. Cette lacune pourrait affecter la crédibilité des notations et réduire l’impact de l’agence sur les marchés internationaux.

De plus, des craintes émergent quant à une possible instrumentalisation politique de cet outil. La pression des gouvernements pourrait conduire à des notations biaisées, faussant ainsi l’évaluation réelle des risques financiers. Dans un contexte où certaines institutions sont parfois sujettes à des influences politiques, garantir l’indépendance totale de cette agence sera un enjeu crucial pour sa réussite. Ainsi, si cette initiative constitue une étape importante vers une souveraineté économique accrue, sa mise en œuvre devra être rigoureusement encadrée pour éviter les dérives et assurer son efficacité sur le long terme.