La Nation Bénin...
L’Union
africaine (Ua) annonce la création d’une agence de notation financière propre
au continent, prévue pour le deuxième semestre de l’année 2025. L’objectif est
de pallier les biais des agences internationales et de proposer une évaluation
plus juste des économies africaines.
L’Union
africaine franchit une étape décisive vers l’autonomie économique du continent
avec l’annonce du lancement prochain d’une agence de notation financière
africaine. Cette décision, présentée lors du 38e sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, du
14 au 16 février, vise à dépasser les évaluations jugées arbitraires des
agences internationales telles que Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s.
Selon
le rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep) qui a
travaillé sur la proposition, l’agence de notation africaine aura une approche
contextuelle et mobilisera des experts locaux pour produire des analyses plus
fines et objectives.
Depuis
plusieurs années, les dirigeants africains dénoncent les notations négatives et
souvent biaisées qui affectent l’accès aux marchés financiers et renchérissent
le coût du crédit pour les États du continent. «Malgré les progrès réalisés,
les agences de notation internationales continuent de donner une image déformée
de nos économies », a déclaré Moussa Faki Mahamat, président de la Commission
de l’Union africaine à l’ouverture du sommet.
Ce
constat est partagé par le président du Kenya, William Ruto, qui insiste sur la
nécessité de construire une institution crédible et reconnue à l’échelle
mondiale. «Une agence de notation africaine, ce n’est pas seulement une
alternative, mais un impératif. Cette agence doit être crédible au niveau
mondial et s’appuyer sur des données rigoureuses, crédibles et répondre à des
normes d’évaluation strictes. Mais surtout, elle doit refléter correctement la
réalité de l’Afrique », souhaite le président kényan. Les notations
internationales basées sur des modèles standardisés, ne prennent pas
suffisamment en compte les spécificités locales et les efforts de stabilisation
entrepris par les États africains. En conséquence, ces évaluations handicapent
la capacité des pays à emprunter à des taux raisonnables, freinant ainsi les
investissements et le développement.
Alternative structurante
L’agence
baptisée African credit rating agency (Afcra), sera indépendante et dirigée par
le secteur privé africain. Elle s’appuiera sur des critères plus adaptés aux
réalités économiques du continent et fournira des évaluations plus équilibrées.
Cette initiative ambitionne non seulement d’assurer une meilleure
représentation des réalités africaines, mais aussi d’influencer positivement les
décisions des investisseurs internationaux. En instaurant une agence africaine
de notation, les dirigeants espèrent attirer davantage d’investissements
directs étrangers en renforçant la confiance des marchés dans la solidité des
économies du continent. Le Programme des Nations unies pour le développement
(Pnud) estime que des notations plus équitables pourraient permettre aux pays
africains d’économiser jusqu’à 75 milliards de dollars par an en coût du
service de la dette.
Akinwumi
A. Adesina, président de la Banque africaine de développement (Bad) avait déjà
insisté sur la création d’une telle agence lors d’une rencontre avec des
investisseurs au Royal institute of international affairs à Londres. Il a
rappelé à l’occasion que le taux de défaut en Afrique est bien inférieur à
celui de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Est. « Réformer les agences de
notation est une nécessité absolue pour réduire les coûts de la dette et
libérer des financements », avait-il affirmé.
La
surévaluation des risques par les agences internationales limite l’accès des
États africains aux financements internationaux à des conditions avantageuses.
La création de l’Afcra pourrait permettre d’obtenir des taux d’intérêt plus
justes et reflétant mieux la réalité des économies africaines.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation économique du continent. L’agence de notation pourrait également encourager le développement de projets d’infrastructures et industriels de grande envergure en rassurant les investisseurs et en facilitant l’accès aux capitaux. Par ailleurs, en intégrant des critères environnementaux et sociaux spécifiques à l’Afrique, elle pourrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique du continent. Le lancement de l’Afcra constitue donc un jalon important pour une plus grande souveraineté financière du continent. En se dotant de ses propres outils d’évaluation, l’Afrique renforce son poids sur la scène économique mondiale et affirme sa capacité à maîtriser son propre avenir.
Une agence de notation africaine, un pari risqué ?
Si
la création d’une agence de notation financière propre à l’Afrique représente
une avancée majeure pour l’indépendance économique du continent, plusieurs
obstacles pourraient freiner son efficacité. La fiabilité des données
économiques et financières reste un défi majeur, de nombreux pays africains
souffrant encore d’un manque de statistiques précises et transparentes. Cette
lacune pourrait affecter la crédibilité des notations et réduire l’impact de
l’agence sur les marchés internationaux.
De plus, des craintes émergent quant à une possible instrumentalisation politique de cet outil. La pression des gouvernements pourrait conduire à des notations biaisées, faussant ainsi l’évaluation réelle des risques financiers. Dans un contexte où certaines institutions sont parfois sujettes à des influences politiques, garantir l’indépendance totale de cette agence sera un enjeu crucial pour sa réussite. Ainsi, si cette initiative constitue une étape importante vers une souveraineté économique accrue, sa mise en œuvre devra être rigoureusement encadrée pour éviter les dérives et assurer son efficacité sur le long terme.