La Nation Bénin...
Le
Bénin met en œuvre un plan d’actions pour les translocations d’espèces dans les
parcs nationaux du W et de la Pendjari. Ce programme ambitieux de conservation
de la biodiversité, appuyé par African Parks Network, vise à renforcer les
populations animales menacées et à réintroduire des espèces disparues, tout en
restaurant l’intégrité écologique de cet écosystème unique.
Les efforts déployés par le Bénin dans la gestion de la composante béninoise du complexe W-Arly-Pendjari (Wap) portent leurs fruits. En témoigne la situation des groupes de reproducteurs dans l’enclos de conservation ex-situ (Boma) de 600 hectares pour les espèces menacées, mis en place dans le parc de la Pendjari, dans le cadre du Plan général d’actions pour les translocations d’espèces dans le Wap-Bénin, lancé en 2023. Cet enclos vise à favoriser la reproduction des individus avant leur réintroduction pour restaurer les populations animales menacées, indique Aurlus Ouindéyama, responsable conservation à l’Apn Pendjari.
Selon un point présenté début octobre lors d’un atelier à Cotonou, par l’Ong African Parks Network (Apn), le nombre de damalisques est passé de 10 reproducteurs à 14, et celui des babales a doublé, passant de 6 à 12. L’évolution est encore plus remarquable pour les cobes de Buffon, dont le nombre est passé de 23 à 70.
Au-delà de ce site, les actions engagées depuis 2017 avec l’appui d’African Parks ont permis une stabilisation relative des parcs nationaux de la Pendjari et du W. De plus, dans le cadre de leur réhabilitation, il est prévu des réintroductions d’espèces localement éteintes dans les composantes béninoises du Wap. L’objectif à long terme est d’améliorer l’intégrité de l’écosystème de ces aires protégées, voire de l’ensemble du complexe. Les efforts de suivi écologique, couplés aux données existantes, ont mis en lumière la situation critique de certaines espèces clés pour lesquelles des mesures spécifiques devront être prises, justifie Ouindéyama.
Le Plan général d’actions pour les translocations d’espèces dans le Wap-Bénin s’inscrit dans une stratégie globale de conservation visant à restaurer la biodiversité et à renforcer les populations animales dans le complexe W-Arly-Pendjari, l’une des plus vastes zones protégées d’Afrique de l’Ouest avec 35 000 km². Ce plan est crucial pour la protection de ce vaste écosystème transfrontalier partagé entre le Bénin, le Niger et le Burkina Faso, selon Eric S. Hermann, représentant pays d’African Parks au Bénin.
Ce
plan de conservation inclut des opérations spécifiques pour chaque espèce
menacée, avec des objectifs de renforcement des populations existantes ou de
réintroduction d’espèces disparues dans la région. Le programme de
translocation vise à améliorer la viabilité des populations en augmentant leur
taille et en améliorant la diversité génétique. Cet objectif concerne notamment
le damalisque (sous-espèce korrigum), le cobe de Buffon (au W-Bénin et à Chinko
en République Centrafricaine), le guépard pour le Wap, le cobe defassa et
l’hippopotame au W-Bénin. Il s’agit aussi de rétablir des populations viables
d’espèces cibles dans leur aire de répartition indigène afin d’accroître leur
résilience face à l’extinction, à l’échelle régionale ou continentale.
Cet objectif s’applique également au rhinocéros noir (Diceros bicornis), à la girafe (Giraffa camelopardalis), à l’éland de Derby (Taurotragus derbianus), au potamochère roux (Potamochoerus porcus), au lycaon (Lycaon pictus), et à l’autruche à cou rouge (Struthio camelus camelus), explique Aurlus Ouindéyama. Des études préliminaires ont confirmé que les conditions dans la Pendjari sont favorables, bien que l’instabilité sécuritaire retarde ces opérations.
« Les projets de translocation envisagés ont fait l’objet d’études de faisabilité et ne pourront être mis en œuvre qu’une fois les prérequis en place, notamment en matière de sécurité. », confie Eric Hermann. Le caractère transfrontalier du complexe Wap et la crise sécuritaire dans les régions voisines restent des obstacles majeurs à la mise en œuvre complète du plan.
Le
braconnage, l’empiètement des cultures, la pollution des eaux, de l’air et des
sols par l’utilisation abusive des pesticides, le pâturage illégal, le
changement climatique, l’abattage anarchique des arbres, sont également des
menaces pour les ressources naturelles des parcs. « Si l’on n’y prend garde,
même le lion pourrait disparaitre de nos parcs: sur une population estimée à
plus de 20 millions de lions sur le continent, il y a moins de 350 en Afrique
de l’Ouest », alerte Aurlus Ouindéyama. Cependant, les initiatives menées par
African Parks, en partenariat avec le gouvernement du Bénin, les communautés
locales et les partenaires techniques et financiers, ouvrent la voie à une
conservation durable des espèces, en particulier pour celles en danger
d’extinction, espère-t-il.
Conformément
à l’accord tripartite de gestion harmonisée du complexe signé en mai 2019, il
est nécessaire de procéder à un partage transparent d’information et d’adopter
une vision commune autour de ces projets pour faciliter leur mise en œuvre,
souligne M. Hermann. C’est dans ce cadre qu’African Parks, en attendant la
validation du nouveau plan de réintroduction des espèces dans la composante
béninoise du Wap par le gouvernement, a organisé les 3 et 4 octobre 2024 à
Cotonou un atelier régional pour impliquer les États-parties (Bénin, Burkina
Faso et Niger) dans la définition et la mise en œuvre du plan.
Les
participants ont réitéré leur engagement à œuvrer ensemble pour les
translocations et réintroductions des espèces ciblées, après avoir évalué les
risques et défini une feuille de route harmonisée pour la mise en œuvre. La
mise en œuvre des recommandations des acteurs du complexe Wap et des experts en
conservation des ressources naturelles permettrait d’atteindre les objectifs
fixés■
Le damalisque (Damaliscus lunatus korrigum), autrefois répandu en Afrique de l’Ouest, est aujourd’hui en danger critique d’extinction, avec ses dernières populations concentrées dans le complexe Wap. Les principales menaces pour cette espèce sont la perte d’habitat et la concurrence avec le bétail, explique Aurlus Ouindéyama.
Pour
le cobe de Buffon (Kobus ellipsiprymnus), bien que classé en préoccupation
mineure par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (Uicn), sa
population est fragile dans certaines parties du parc. En 2019, seuls 111
individus ont été recensés dans le parc national du W-Bénin sur un total de
1606 individus dans les deux parcs nationaux, ce qui expose cette population à
un risque d'extinction locale.
Le
guépard (Acinonyx jubatus) est classé en danger critique d’extinction au Bénin,
avec seulement une vingtaine d’individus dans toute la Pendjari, représentant
66 % de la population totale dans le Wap, signale M.
Ouindéyama.
En dehors des aspects de conservation, le guépard a une valeur symbolique,
étant la mascotte de l’équipe nationale de football du Bénin.
Le
cobe defassa (Kobus ellipsiprymnus defassa) et l’hippopotame (Hippopotamus
amphibius) sont également ciblés pour un renforcement au parc national du
W-Bénin dans les projets de restauration de l’écosystème et de renforcement de
l’attrait touristique du Bénin. En 2019, seulement 17 cobes defassa et 12
hippopotames y ont été recensés, ce qui place ces populations à un risque élevé
d’extinction locale, selon les données de l’Apn.